À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. La probabilité est forte que la Banque centrale européenne augmente de 75 points de base1 ses taux directeurs lors de sa réunion du 8 septembre prochain. La BCE n’a, en effet, guère d’autre choix que de répondre par un geste extraordinaire à la poursuite de l’envolée de l’inflation, et ce malgré l’accentuation du risque de récession. Il s’agit de mettre en pratique les discours hawkish de Jackson Hole et la détermination inconditionnelle affichée à préserver la stabilité des prix.
Du côté de l’inflation, les chiffres d’août, selon l’estimation préliminaire d’Eurostat, font état d’une nouvelle hausse de 0,2 point, à 9,1% en glissement annuel. Sans la légère baisse de la contribution de la composante « énergie » (de 4 points de pourcentage à 3,9 points), la hausse de l’inflation totale aurait été plus importante, la contribution de la composante « alimentaire » ayant encore augmenté (+0,2 point, à 2,3 points), tout comme celle de l’indice sous-jacent (+0,1 point, à 2,9 points). L’inflation sous-jacente s’élève ainsi à 4,3% en glissement annuel. Autre point notable : l’inflation dépasse 10% dans neuf pays désormais, dont les Pays-Bas et l’Espagne, et 20% en Estonie, Lettonie et Lituanie. Contrairement aux États-Unis, où en juillet l’inflation - totale comme sous-jacente - a montré des premiers signes de recul, en zone euro celle-ci reste donc orientée à la hausse et le pic est encore probablement devant nous. Certaines pressions inflationnistes en amont, du côté des prix des intrants et des difficultés d’approvisionnement semblent, certes, s’atténuer (au regard de la baisse des composantes correspondantes des PMI depuis quelques mois) mais il faut s’attendre à de nouvelles hausses des prix alimentaires, des produits manufacturés et des services. Par ailleurs, si le prix du pétrole, et donc de l’essence, a nettement baissé en juillet et août, celui du gaz continue d’atteindre de nouveaux sommets.
Les dernières données économiques soufflent le chaud et le froid. Du côté positif, la croissance au deuxième trimestre a surpris très favorablement (+0,6% t/t alors que nous anticipions une contraction du PIB de 0,2% t/t), ce qui permet de rehausser l’acquis de croissance à 3%. La situation sur le front du marché du travail reste robuste (orientation toujours baissière du taux de chômage à 6,6% de la population active en juillet, hausse de l’emploi de 0,3% t/t au T2, persistance des difficultés de recrutement). Néanmoins, les perspectives d’embauche des entreprises, d’après les indices PMI et les enquêtes de la Commission européenne, ont commencé à se retourner à la baisse.
Mais si, au regard des chiffres de croissance et du marché du travail, la situation passée s’est mieux tenue qu’attendu, les perspectives ne cessent de se dégrader. Impact du choc inflationniste, crise énergétique, sécheresse, environnement de taux moins favorable finissent par peser lourdement sur le climat des affaires. La baisse de confiance des entreprises n’est pas aussi prononcée que celle des ménages, mais elle commence à atteindre des cotes d’alerte : le PMI dans le secteur manufacturier est passé sous le seuil des 50 en juillet et a poursuivi sa baisse en août (49,7) ; celui dans les services n’en est plus qu’à un cheveu (50,2) après quatre mois consécutifs de recul plutôt marqué. Et il est difficile d’imaginer une amélioration à court terme de ces enquêtes. La zone euro semble se diriger vers au moins deux trimestres de contraction du PIB, au T3 et au T4 2022. Une contraction qui devrait rester limitée compte tenu de la dynamique encore positive sur le marché du travail, de la bonne saison touristique et des mesures de soutien budgétaire, et sous l’hypothèse que la crise énergétique restera sous contrôle.
Hélène Baudchon