La dernière enquête des prévisionnistes professionnels de la BCE met en évidence une révision à la baisse des perspectives de croissance et un ajustement à la hausse des prévisions d’inflation. Pour l'année à venir, la question véritable porte non sur la direction de l'inflation mais sur la rapidité et l'ampleur de son déclin. Un ralentissement trop lent pourrait convaincre la BCE de la nécessité de poursuivre la hausse des taux au-delà de ce que prévoient actuellement les marchés, ce qui augmenterait le coût pour l'économie des efforts déployés pour juguler l'inflation. La désinflation pourrait se faire attendre plus longtemps que prévu. Au cours des deux années écoulées, une série de facteurs ont conduit à une inflation exceptionnellement élevée mais également à large spectre. Tous les chocs ne sont pas survenus simultanément, et leurs effets tardent souvent à se faire ressentir dans la chaîne économique, depuis le producteur jusqu'au grossiste et au distributeur. Ce phénomène crée une inertie dans la dynamique inflationniste.
La dernière enquête des prévisionnistes professionnels de la BCE donne à réfléchir. Les perspectives de croissance ont été revues à la baisse : le PIB réel devrait chuter aux troisième et quatrième trimestres de cette année et au premier trimestre de l'année prochaine, tandis que les prévisions d'inflation ont été revues à la hausse1.
Par ailleurs, malgré le relèvement important des taux directeurs décidé par la BCE et la détérioration des conditions financières – hausse des rendements des obligations souveraines, augmentation des écarts de rendement des obligations d'entreprises, baisse des marchés actions, et resserrement des conditions de prêt2 –, l'incertitude sur les perspectives d’inflation (à en juger par la distribution des prévisions) ne cesse de croître. En outre, le pourcentage de participants aux enquêtes tablant sur une inflation supérieure à 5 % l'année prochaine a grimpé en flèche (Graphique 1).
L'année 2023 devrait néanmoins être marquée par une désinflation en zone Euro en raison d'effets de base favorables, d'un ralentissement de la demande, et d'un relâchement des goulets d'étranglement au niveau de l'offre. En ce qui concerne l'offre, les données d’enquête sur les pressions inflationnistes – moyenne de l'évaluation des coûts des intrants et des délais de livraison – sont orientées à la baisse ce qui, compte tenu du lien historique avec l'inflation sous-jacente, constitue une évolution qui porte à l’optimisme (Graphique 2).
Les dernières prévisions de la BCE, du FMI et des économistes du secteur privé tablent toutes sur une baisse de l'inflation d'ici la fin de l'année prochaine3. Il semble, donc, que la question véritable porte non sur la direction de l'inflation – elle devrait s'orienter à la baisse – mais sur la rapidité et l'ampleur de son déclin.
Autrement dit, existe-t-il un risque que les prévisions d’inflation continuent, comme c’est le cas depuis près de deux ans, à pécher par excès d'optimisme, et que de nouveaux ajustements à la hausse s'avèrent nécessaires ?
La réponse a son importance pour les taux d’intérêt ainsi que pour les perspectives de croissance. Une baisse plus lente qu’attendu pourrait convaincre la BCE de la nécessité de poursuivre la hausse des taux au-delà de ce que prévoient actuellement les marchés, ce qui augmenterait le coût pour l'économie des efforts déployés pour juguler l'inflation.
Pour tenter de répondre à la question de la fiabilité des prévisions d'inflation, commençons par nous pencher sur l'histoire de ces projections. Il ressort du graphique 3 que les prévisions d’inflation totale pour les 12 prochains mois sont fortement influencées par l'inflation actuelle, c'est-à-dire par le rythme des hausses de prix au cours des 12 mois écoulés. Les prévisions sont moins volatiles que l'inflation observée.
Or, les chocs sur les prix de l'énergie jouent un rôle important dans les fortes variations de l'inflation observée. Ce phénomène explique également la corrélation élevée entre les erreurs de prévisions inflationnistes et l'écart entre inflation totale et inflation sous-jacente (Graphique 4)4. Ainsi, sauf nouveaux chocs sur les prix de l'énergie et des denrées alimentaires, il s’agit de se concentrer sur l'inflation sous-jacente. L’historique de l'enquête des prévisionnistes professionnels pour l’inflation sous-jacente ne remonte malheureusement qu’au au T4 2016 , soit une période trop brève pour une évaluation adéquate de la qualité des prévisions lorsque l'inflation diminue.
Pour autant, on est en droit de supposer que la désinflation pourrait se faire attendre plus longtemps que prévu. Au cours des deux années écoulées, une série de facteurs5 ont conduit à une inflation exceptionnellement élevée et très largement répandue. Tous les chocs ne sont pas survenus simultanément, et leurs effets tardent souvent à se faire ressentir dans la chaîne économique, depuis le producteur jusqu'au grossiste et au distributeur. Ce phénomène crée une inertie dans la dynamique inflationniste, ce que confirment les récents contacts entre la BCE et les entreprises de la zone Euro (Encadré).
En conclusion et malgré quelques notes optimistes – enquêtes de conjoncture mettant en évidence une atténuation des pressions inflationnistes, baisse des cours des matières premières –, les risques demeurent clairement orientés à la hausse, et la désinflation pourrait donc se faire attendre plus longtemps que prévu. Un tel scénario aurait des conséquences significatives sur l'évolution des taux d’intérêt, la rentabilité des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages.
William De Vijlder