Les conclusions de la revue stratégique de la BCE montrent que le Conseil des gouverneurs a écouté attentivement les propos de son auditoire. Son objectif d’inflation est désormais vraiment symétrique, levant ainsi toute ambiguïté sur la perception que son précédent objectif était asymétrique. Trois autres changements se font l’écho des points abondamment commentés lors des manifestations de sensibilisation organisées par l’Eurosystème. Le coût des logements occupés par leur propriétaire sera pris en compte dans l’évaluation du contexte d’inflation. La communication sera orientée vers un public plus large et une décision a été prise de s’engager dans un plan d’action ambitieux en matière de climat. Retour désormais à la lourde tâche d’essayer de faire grimper l’inflation à 2%.
Wim Duisenberg, premier président de la BCE, avait coutume de dire dans ses conférences de presse : « Je vous entends, mais je ne vous écoute pas ». Beaucoup de choses ont changé depuis et les résultats de la revue stratégique de la BCE montrent, dans plusieurs domaines, que le Conseil des gouverneurs écoute désormais son auditoire.
Premièrement, il a écouté les observateurs de la BCE, en faisant du nouvel objectif d’inflation – fixé à 2 % à moyen terme – un objectif réellement symétrique, ce qui signifie que « le Conseil des gouverneurs estime que les écarts négatifs et positifs par rapport à cet objectif sont également indésirables »1. Selon la BCE, l’objectif précédent – le maintien d’une inflation inférieure à, mais proche de 2 % à moyen terme – était également symétrique2 mais la formulation à double clef – « inférieure à, mais proche de » - donnait le sentiment qu’il était, en réalité, asymétrique. La revue stratégique l’a reconnu en déclarant que « [cela] a peut-être contribué à la persistance d’une inflation basse par un ancrage insuffisant des anticipations d’inflation à des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 %3 ».
Deuxièmement, le Conseil des gouverneurs a décidé d’inclure les coûts de logement des propriétaires occupants dans l’IPCH. Selon la présidente de la BCE, Christine Lagarde, cette décision s’explique par « les commentaires retentissants des Européens que nous avons rencontrés lors de nombreuses initiatives de sensibilisation de ce type, qui se sont fait particulièrement entendre sur le fait que les coûts de logement devraient être correctement pris en compte parce qu’ils représentaient une composante majeure de leur budget ».
Troisièmement, la communication sera orientée vers un public plus large. C’est une nécessité absolue. Une étude de la banque centrale des Pays-Bas a montré que « la connaissance des objectifs de la BCE est loin d’être parfaite. Le faible intérêt manifesté par le public, ajouté à la méconnaissance de notions insuffisamment développées, empêche une meilleure compréhension de la politique monétaire »4. À l’évidence, cela vaudrait la peine de renforcer les efforts de communication : « un recours plus intensif à l’information améliore la compréhension, ce qui indique que le canal médiatique choisi peut jouer un rôle important et constructif pour une meilleure connaissance [de la question]. Enfin, nous avons constaté que la connaissance des objectifs de la politique monétaire contribue à la formation d’anticipations d’inflation réalistes chez les agents ».
En conséquence, à l’occasion de la conférence de presse postérieure à la réunion du Conseil des gouverneurs, la déclaration d’introduction – qui sera désormais désignée par ‘déclaration de politique monétaire’ - « … sera plus courte, plus claire et probablement plus précise et débarrassée de tout jargon »5. Cela n’est pas sans rappeler la déclaration du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, qui en juin 2018, a commencé la conférence de presse qui a suivi la réunion du FOMC en ces termes : « Comme la politique monétaire concerne tout le monde, je souhaite commencer par un résumé, en langage clair, de la situation économique »6. Enfin, la décision de s’engager dans un plan d’action ambitieux pour le climat fait écho aux messages reçus dans le cadre des initiatives d’« écoute » de l’Eurosystème7.
L’objectif d’inflation symétrique lève l’ambiguïté perçue précédemment. En outre, prendre des décisions après avoir écouté attentivement son auditoire devrait renforcer la crédibilité de la BCE. Cependant, cette crédibilité dépend également de la capacité de la BCE à atteindre la cible d’inflation de 2 %. Clairement, le travail acharné se poursuit.