Si l’expression jamais deux sans trois devait se vérifier, alors la France serait opposée à l’Allemagne pour la 3e fois d’affilée lors du championnat d’Europe de football et remporterait un 3e succès consécutif. Sur le terrain économique, depuis 5 ans, les performances françaises ont dépassé celles de l’Allemagne dans trois domaines importants : les créations d’emploi, la croissance de l’investissement et la transition vers les services. En conséquence, il n’est pas surprenant que la France ait généré un supplément de croissance de 0,5 point par an par rapport à son voisin d’outre-Rhin.
La première baisse des taux directeurs par la Banque centrale européenne, le 6 juin dernier, n’aura surpris personne, les membres du comité ayant en effet largement préparé le terrain en amont de la décision. Le calendrier et l’ampleur des assouplissements à venir sont plus incertains, compte tenu des pressions toujours fortes sur les salaires, de l’inflation élevée dans les services, et de la résurgence des tensions sur le fret maritime mondial. Nous prévoyons que deux nouvelles baisses des taux directeurs interviendraient en 2024, au rythme d’une par trimestre (septembre et décembre).
La croissance allemande devrait être soutenue, à court terme, par le rebond de son industrie qui comblerait une partie de la perte de production liée à la hausse du coût de l’énergie consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine. L’Allemagne devrait également, en tant qu’économie ouverte, bénéficier du rebond de la croissance en zone euro depuis début 2024. Toutefois, à plus moyen terme, le potentiel de croissance allemand devrait continuer de pâtir des pénuries de main d’œuvre, du poids de son industrie (fragilisée par la transition bas-carbone), ainsi que des conséquences d’un investissement insuffisant dans un contexte de montée en puissance de nouveaux concurrents.
L’économie française est caractérisée par une croissance modeste mais positive. Le passage de la comptabilité nationale en base 2020 et la publication des comptes annuels 2023, qui ont conduit l’Insee à relever son estimation du PIB 2023 de près de EUR 20 mds, en attestent. Cette croissance fait toutefois des gagnants et des perdants. En 2024, elle devrait être soutenue principalement par les services marchands, qui représentent l’essentiel des créations d’emploi et de la croissance de la demande. Toutefois ce développement des services se fait en partie en substitution des biens, tandis que les chocs d’inflation et de taux d’intérêt continuent de peser sur l’investissement.
Au T1 2024, l’économie italienne a légèrement accéléré. Le PIB réel a progressé de 0,3% t/t, avec des évolutions sectorielles diverses. La valeur ajoutée du secteur de la construction a progressé, tandis que celle de l’industrie manufacturière a reculé, victime du ralentissement des exportations. Les services ont modérément avancé, grâce à la reprise du tourisme. La demande intérieure a contribué positivement à la croissance, les ménages profitant notamment de l’amélioration de la situation sur le marché du travail. Les conditions économiques et financières des entreprises se sont encore améliorées. S’agissant de l’inflation, elle s’est élevée en moyenne au cours des cinq premiers mois de 2024 à moins de 1% en glissement annuel.
Au T1 2024, la croissance du PIB réel espagnol a été, comme attendu, l’une des plus élevée de la zone euro (+0,7% t/t). Elle a été principalement portée par le commerce extérieur (contribution de +0,5 pp), directement soutenu par les records touristiques enregistrés en ce début d’année. Au deuxième trimestre, nous prévoyons que l’activité reste forte (+0,7% t/t) en raison d’une reprise progressive de la consommation privée, de la persistance de la croissance des exportations, et du soutien à l’investissement apporté par les futurs déboursements des fonds NGEU.
L’économie néerlandaise a connu une nouvelle baisse de son PIB réel au T1 2024, imputable à une contraction inattendue des exportations. Les perspectives ne paraissent toutefois pas trop négatives. Une nouvelle coalition gouvernementale a été formée et a présenté un ensemble de mesures favorables au pouvoir d’achat des ménages, de nature à soutenir leur consommation. L’accord de la coalition planifie toutefois de limiter le déficit budgétaire à 2,8% du PIB au travers d’une diminution des dépenses qui pourrait peser sur les gains de productivité à long terme.
La croissance économique belge reste proche de son rythme tendanciel, bien que ses moteurs soient en cours d’évolution. L’investissement des entreprises a rebondi après sa baisse ponctuelle du dernier trimestre. Plus encourageant encore : l’investissement des ménages dans le logement a atteint son point le plus bas. Les prix de l’immobilier sont restés sur une tendance haussière tout au long du cycle de hausse des taux (désormais terminé) de la BCE et les faibles niveaux d’activité du marché immobilier devraient progressivement s’améliorer. Les finances publiques représentent toujours un défi, tandis que la perspective d’une longue période de formation du gouvernement assombrit à nouveau l’horizon économique.
Après avoir été en récession en 2023 (-0,8% en moyenne annuelle), en raison de la chute de l’investissement, de la forte inflation et du déclin des salaires réels, la croissance autrichienne devrait rester faible cette année (+0,3% selon la Commission européenne). Au T1, le PIB réel n’a progressé que de 0,2% t/t, toujours tiré vers le bas par le recul de l’investissement (-4,7% t/t, contribution de -1,1 pp à la croissance), mais néanmoins tiré vers le haut par le rebond de la consommation privée (+0,8% t/t, contribution de +0,4 pp), lui-même soutenu par le retour des hausses de salaires réels et par la résilience du marché du travail.
L’économie grecque résiste à la hausse des coûts de financement et aux tensions géopolitiques en Europe et devrait enregistrer en 2024 une croissance économique à nouveau supérieure à la moyenne de la zone euro. Le PIB réel a progressé de 2,0% en 2023 en moyenne annuelle et de 0,7% t/t au premier trimestre 2024, tiré par la consommation privée et l’investissement. Hormis dans l’immobilier, les pressions inflationnistes se sont atténuées et alimentent des gains de pouvoir d'achat qui, avec la hausse de l'emploi, soutiennent la consommation privée, dont le poids dans le PIB a atteint un nouveau record au premier trimestre 2024 (76,9%)
Le Danemark a connu en 2023 une croissance économique dynamique et supérieure aux attentes, en forme de trompe-l’œil au regard de la prépondérance du secteur pharmaceutique. Celui-ci s’est mué en atout principal du royaume, jusqu’à nourrir des craintes liées à une dépendance croissante. Par ailleurs, l’inflation a reculé significativement depuis le pic de l’année 2023, tandis que la banque centrale danoise devrait continuer à assouplir sa politique en ligne avec la BCE.
Dans cet Audiobrief Stéphane Colliac discute du travail indépendant en France. Celui-ci se développe de nouveau depuis près de 20 ans, notamment dans les services à la personne, mais également dans les services aux entreprises. Dans une France qui a créé près de 420000 emplois par an sur les 5 dernières années, l’emploi indépendant a ainsi représenté près d’une création d’emploi sur 5.
Si l’inconnue des résultats des élections européennes est désormais levée, leurs implications, en particulier l'issue des élections législatives anticipées françaises, restent incertaines. Notre scénario central d’un décollage de la zone euro et d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine, caractérisé par une convergence des taux de croissance, pourrait se trouver perturbé par les incertitudes politiques des deux côtés de l’Atlantique. La croissance bénéficie toutefois de facteurs de soutien et de résistance, au premier rang desquels les gains de salaires réels. Le bilan conjoncturel reste, pour l’heure, positif pour la zone euro : notre nowcast estime à +0,3% t/t la croissance du deuxième trimestre. C’est sur la poursuite de cette reprise que pèse une plus grande incertitude.
Au cours des dernières semaines, les orientations données par certains membres du Conseil des gouverneurs de la BCE se sont faites de plus en plus précises, indiquant que la réunion de juin acterait la première baisse de taux dans ce cycle. Dans ce contexte, il était nécessaire d’agir, en dépit de la hausse des dernières données sur l’inflation.
À l’instar de leur nombre, le poids économique des défaillances d’entreprises enregistre, depuis mars 2022, une augmentation d’une ampleur inédite, partant d’un plancher historiquement bas en 2021. Ce ratio rapporte l’encours des crédits bancaires aux entreprises nouvellement défaillantes à l’encours total des crédits aux entreprises (en difficulté ou non). Ces évolutions procèdent principalement de la poursuite du rattrapage des défaillances d’entreprises. Ce dernier concernerait des entreprises plus fragiles dont la défaillance serait déjà intervenue en l’absence des mesures économiques et sanitaires mises en place en réponse à la pandémie de COVID-19
Après la première baisse des taux décidée lors de la réunion de juin de la BCE, l'attention se porte à présent sur le calendrier et la rapidité des prochaines réductions du taux de rémunération des dépôts. Les indications fournies sont vagues : les décisions dépendront des données économiques. Afin d’y voir plus clair, il est utile d'estimer la règle de politique monétaire (la relation entre les décisions passées et l'inflation, entre autres variables pertinentes). Cette règle montre combien la différence entre l’inflation observée et la cible d’inflation joue un rôle-clé. Toutefois, des réserves importantes sont de mises. La règle estimée implique un ajustement très lent du taux de dépôt, ce qui est difficile à justifier lorsque la BCE est en mode d’assouplissement
Les chiffres clés de l'économie française comparés à ceux des principaux pays européens, l'analyse des données relatives à la population et au marché du travail français, l'activité par secteur, les chiffres des administrations publiques, de l'inflation, des taux et des comptes des entreprises.
En mai 2024, le cumul des défaillances d’entreprises sur 12 mois a dépassé le chiffre de 60 000 pour la première fois depuis août 2016, selon les données de la Banque de France. Un seuil qui n’a été franchi que quatre fois par le passé. Toutefois, le dynamisme des créations d’entreprises et le caractère particulier de la normalisation post-Covid permettent de différencier assez clairement le pic de défaillances récent des précédents.
Eurobank Ergasias Services and Holdings, National Bank of Greece, Alpha Services and Holdings et Piraeus Financial Holdings (respectivement, les premier à quatrième plus grands groupes bancaires grecs par les fonds propres CET1) ont obtenu le 5 juin 2024 l’autorisation de la Banque centrale européenne de retourner à leurs actionnaires 24%, en moyenne pondérée, de leur résultat net 2023. Cette distribution d’un montant total de EUR 875 mn, dont 93% versés sous forme de dividendes, est une première depuis 2008 pour ces banques, qui représentent environ 90% de l’actif total du système bancaire grec.
Après une longue phase de déclin de la fin des années 1940 jusqu’au début des années 2000, l’emploi indépendant se développe de nouveau en France depuis près de 20 ans. Ce renouveau de l’emploi indépendant, initié par des incitations fiscales en faveur de l’emploi à domicile ou de l’artisanat (services non marchands, services aux ménages, artisanat du bâtiment), a également été alimenté par l’externalisation par les entreprises de certaines tâches (à des fins de maîtrise des coûts sur des activités non essentielles, d’incubation de l’innovation) et l’apparition de nouveaux besoins (notamment en termes d’entretien-rénovation dans le bâtiment)
L’Europe connaît des pertes de parts de marché tendancielles, subies en raison de la montée en puissance d’autres producteurs (le Japon dans les années 1980, la Chine ensuite). En Allemagne, elles se sont même accrues après la pandémie de Covid-19 (-0,7 point en 2023 par rapport à 2019). L’industrie chimique allemande a subi de plein fouet la hausse des prix de l’énergie, renforçant la concurrence de la Chine et des États-Unis. Son industrie automobile (qui comptait pour 17% de ses exportations en 2023) souffre quant à elle directement de la concurrence chinoise.
Lors d’une conférence de presse conjointe en Allemagne, le mardi 28 mai 2024, et dans la lignée des rapports Letta et Noyer, et des déclarations du ministre français de l’Économie, le président français et le chancelier allemand ont évoqué leur souhait de créer un « produit d’épargne européen » pour « renforcer la compétitivité et la croissance de l’Europe ». Une nouvelle approche pour remettre l’Union des marchés de capitaux sur les rails.
La réunion du 6 juin de la BCE, ainsi que la déclaration et la conférence de presse qui suivront, sont très attendues, non pas parce que l’issue est incertaine mais parce qu’elle devrait marquer le début du cycle de baisse de taux de la BCE. Quelques points à noter :
Le 1er trimestre 2024 a marqué une progression du taux d’épargne des ménages à 17,6% (contre 17,2% au 4e trimestre 2023), en raison d’une croissance mesurée de la consommation (+0,1% t/t en volume) au 1er trimestre et d’une progression plus élevée du pouvoir d’achat (+ 0,6% t/t). Alors que le taux d’épargne a fluctué autour d’un chiffre supérieur de 2,5 points en moyenne à son niveau pré-Covid (15% en 2019), depuis la mi-2021, nous nous attendons à ce qu’il baisse désormais pour se rapprocher de ce niveau d’ici à la fin 2025. Un soutien notable pour la consommation des ménages.
Si un doute pouvait éventuellement encore persister, les dernières déclarations de Philip Lane permettront a priori, d’entériner une première baisse des taux directeurs de la BCE lors de la prochaine réunion de politique monétaire du 6 juin. L’évolution actuelle de l’inflation en zone euro permet en effet à la BCE d’amorcer une détente monétaire, bien que de nouvelles pressions à la hausse semblent émerger. L’inflation a reflué, à la marge, en avril, de 2,43% à 2,37% a/a, tandis que l’inflation sous-jacente a reculé plus franchement de 2,95% à 2,66%