Alors que l’économie allemande continue de sous-performer et que la France se situe dans un entre-deux, les pays d’Europe du Sud sont devenus les sauveurs de la dynamique conjoncturelle en Zone euro.
En Espagne, en Italie et au Portugal, les cinq plus grands groupes bancaires ont, en moyenne et sur base consolidée, dégagé une rentabilité financière (ROAE) annualisée de respectivement 15,0%, 15,6% et 18,1% au cours des trois premiers trimestres 2024. Ces niveaux sont inédits depuis 2007.
Après une longue période défavorable de taux bas de près de six années, les banques européennes ont globalement vu leurs marges d'intérêt et leur rentabilité s'améliorer avec la hausse des taux de la BCE en 2022 et 2023. Alors que nous arrivons maintenant dans une période de baisse des taux, Laurent Quignon nous parle de leurs effets sur les marges d'intérêts des banques européennes.
Les nouvelles de la semaine dernière ont été déprimantes pour beaucoup en Europe. D'abord, nos amis américains ont choisi de faire revenir à la Maison Blanche un homme qui a déclaré, il y a seulement quelques semaines, que l'Union européenne devrait « payer un prix fort » s'il gagnait. Ensuite, en Allemagne, la coalition au pouvoir s'est effondrée, Volkswagen a annoncé la fermeture de certaines de ses usines puis, une semaine plus tard, les deux plus grandes banques allemandes ont communiqué une augmentation massive de leurs provisions pour créances douteuses
Les chiffres clés de l'économie française comparés à ceux des principaux pays européens, l'analyse des données relatives à la population et au marché du travail français, l'activité par secteur, les chiffres des administrations publiques, de l'inflation, des taux et des comptes des entreprises.
En France, au 3e trimestre 2024, pour la première fois (les séries statistiques débutant en 1949), les entreprises non-financières ont davantage investi (Mds EUR, prix constants) dans le poste « information et communication » que dans la construction. Un basculement qui devait survenir tôt ou tard, en raison du développement tendanciel de l’investissement immatériel (dans lequel l’ « information et communication » représente le poste principal). Ce poids croissant accompagne, en particulier, le recours de plus en plus répandu à l’électronique et au logiciel dans les biens consommés aujourd’hui, y compris au sein des secteurs traditionnels, comme l’automobile.
Redevenue positive en août 2024, l’impulsion du crédit au secteur privé dans la zone euro a continué de se redresser en septembre, atteignant son niveau le plus élevé depuis près de deux ans (novembre 2022). Elle explique, parmi d’autres facteurs, la bonne surprise relative à l’évolution du PIB de la zone euro au troisième trimestre (+0,4% t/t après +0,3 % au premier et +0,2% au premier). Plus basse que l’impulsion des crédits aux ménages lorsque culminaient les effets restrictifs de la politique monétaire à l’automne 2023, l’impulsion du crédit aux entreprises se redresse désormais plus rapidement. L’impulsion des crédits aux ménages demeurait, quant à elle, faiblement négative en septembre.
L’amélioration progressive des indices de confiance des ménages en zone euro (situation financière et intentions d’achat), soutenue par la baisse de l’inflation, n’entraîne toujours pas de rebond de la consommation. Les ventes au détail sont stables depuis un an, même si une légère progression de 0,2% m/m est constatée en août. Les ventes de véhicules automobiles, dont l’évolution est souvent marquée d’un mois sur l’autre, ont progressé de 8,2% m/m en septembre, mais ont reculé, en glissement sur trois mois, à leur plus bas niveau en trois ans.
Le climat des affaires (enquêtes PMI et IFO) n’a cessé de se détériorer en Allemagne depuis son pic du mois de mai, jusqu’en septembre. L’optimisme relatif du printemps ne s’est pas prolongé, comme l’illustre notamment la dégradation du PMI des conditions à l’export (51,9 en mai, 49,8 en septembre). En conséquence, si notre prévision reste de 0,1% t/t pour la croissance du 3e trimestre, le gouvernement allemand a souligné le risque d’un nouveau chiffre négatif (après déjà -0,1% t/t au T2) et donc d’une récession. Au global, le PIB serait proche de son niveau enregistré fin 2021 (soit trois années de stagnation).
Les Jeux Olympiques (JO) auront été une courte parenthèse positive, désormais refermée, comme en témoigne le PMI services, qui a culminé à 55 au mois d’août au milieu de performances nettement plus atones. Toutefois, cet effet JO devrait avoir soutenu la croissance au T3 (0,4% t/t selon notre scénario). Notre nowcast est un peu plus bas (0,3%) et souligne le risque que, hors effet JO (estimé à 0,2% par l’Insee), l’économie française ait ralenti au T3 (après 0,2% t/t de croissance au T2). Elle ralentirait encore au T4, à en juger par la détérioration récente dans les services (PMI à 48,3 en octobre après 49,6 en septembre) et dans l’industrie (PMI sur la production en repli de 44 à 42,5).
La faiblesse de l’activité manufacturière reste l’un des points noirs de la situation conjoncturelle italienne. La production industrielle demeure sur un momentum négatif en août (-0,1% 3m/3m), et les directeurs d’achat du secteur manufacturier ont continué d’indiquer, en septembre, une dégradation de l’activité (PMI manufacturier à 48,3 ; -1,1 point sur un mois), principalement induite par une baisse de la demande (composante nouvelles commandes en baisse, à 45,7 ; -3,1 points).
Le climat des affaires a poursuivi son embellie en septembre. Le PMI a enregistré son dixième mois consécutif de croissance (56,3 ; +2,7 points sur un mois). Il est porté, d’une part, par le dynamisme du secteur des services (57,0 ; +2,4 points), induit par l’activité touristique toujours florissante (+11,2% a/a YTD d’arrivées de touristes) et, d’autre part, par la reprise de l’activité manufacturière (53,0 ; +2,5 points). Si la production industrielle restait en déclin en août (-0,2% 3m/3m), les perspectives paraissent plus favorables à en juger par la hausse des anticipations des chefs d’entreprise vis-à-vis de leur production pour les mois à venir (11,4 ; +6,2 points, selon l’enquête de sentiment économique de la Commission européenne).
La discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 vient de débuter à l’Assemblée nationale. Le contexte qui sous-tend ce PLF doit être rappelé. La France s’engage dans un effort de consolidation budgétaire nécessaire et important, mais incertain étant donné les rapports de force à l’Assemblée nationale. Ces dernières années ont conduit à un niveau élevé du déficit budgétaire : son niveau en 2024 ainsi que celui de la charge d’intérêt (qui devrait augmenter de près de 1 point de PIB d’ici à 2027) ne laissent pas de choix. Pour stabiliser son ratio de dette publique, la France devra ramener son déficit budgétaire sous les 3% du PIB et donc le réduire chaque année pendant au moins cinq ans
Allemagne et France présentent des perspectives différentes en matière de consolidation budgétaire. Cette dernière est davantage engagée en Allemagne, où la dette est pourtant plus modérée. Toutefois, celle-ci s’accompagne d’une réduction du soutien au verdissement de l’économie, ainsi que par une stagnation du PIB depuis deux ans. En France, où la dette publique est plus élevée, le maintien d’un soutien budgétaire conséquent s’est accompagné d’une hausse de l’épargne. La littérature souligne que dans ce contexte une consolidation budgétaire fondée sur une baisse des dépenses pourrait soutenir la croissance.
Le PIB réel italien des trois dernières années est plus élevé que précédemment estimé, à la faveur de la révision générale 2024 des comptes nationaux. Cette dernière, réalisée tous les cinq ans et publiée par l’Istat le 23 septembre dernier, inclut le changement de base avec année de référence 2021. En conséquence, le PIB en volume dépasse enfin, même si c’est de peu, son niveau datant d’avant la crise financière de 2008 (+0,6 pp au T2 2024 par rapport au T4 2007).
La croissance en zone euro devrait se stabiliser à 0,3% t/t au cours du second semestre 2024, avant une légère accélération en 2025 soutenue par le cycle de baisse des taux d’intérêt. Les difficultés dans l’industrie, mises en évidence par la détérioration des indices PMI en septembre, et l’incertitude sur l’économie chinoise, accroissent toutefois les risques à la baisse sur nos prévisions. Un scénario plus défavorable, qui verrait le secteur manufacturier entraîner avec lui le reste de l’économie, n’est toutefois pas celui que nous privilégions au moment d’écrire ces lignes. Bien que moins importants, les écarts de dynamisme entre les pays et les secteurs perdureraient en 2025.
Alors qu’en début d’année, des signes de rebond de la croissance allemande étaient apparus, la récession industrielle a finalement repris, avec un impact négatif sur le marché du travail désormais perceptible, puisque le taux de chômage remonte. Dans ce contexte et à la suite du retrait du soutien à l’achat de véhicules électriques en décembre 2023, les ménages ont accru leur taux d’épargne. Pour autant, des signes encore timides de rebond commencent à se dessiner, avec un léger regain en termes de demande. La prise de conscience du décrochage industriel allemand par le gouvernement pourrait, en parallèle, déboucher sur le retour de mesures de soutien.
L’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont entraîné un atterrissage de l’ensemble de la demande intérieure privée (ménages et entreprises), sans empêcher la croissance française de se maintenir sur un rythme modéré (1,1% en 2023, 1,2% en 2024 selon nos estimations), à la faveur d’une baisse des importations et donc d’une contribution positive du commerce extérieur. La croissance a également été soutenue par la production de services (l’investissement des entreprises en information et communication devrait même passer sous peu devant la pierre). Ce support devrait continuer de soutenir une croissance au global stable en 2025, à 1,2%.
La reprise de l’économie italienne se poursuit, mais à un rythme modéré. Au T2 2024, soutenu par la demande intérieure, le PIB réel a progressé de 0,2 % t/t, tandis que la contribution du commerce extérieur a été négative. Le ralentissement de l’investissement est dû à la baisse des dépenses en logements, tandis que celles en équipements ont augmenté. La consommation des ménages a modérément augmenté. La valeur ajoutée dans le secteur des services a légèrement accéléré tandis qu’elle a poursuivi sa contraction dans le secteur manufacturier. Le marché du travail s’est nettement amélioré depuis le T2 2021. Au T2 2024, le taux d’emploi s’élève à 62,2 %, un pic historique qui reste néanmoins faible par rapport à ceux des principaux partenaires européens de l’Italie.
Pour la quatrième année consécutive, l’Espagne restera le principal moteur de croissance en zone euro. Cette surperformance du pays devrait se poursuivre sur le reste de 2024, bien que de manière très légèrement moins dynamique qu’au premier semestre (croissance attendue de +0,6% et +0,7% t/t au T3 et T4 après +0,9% et +0,8% au T1 et T2). Le commerce extérieur, principalement tiré par la croissance toujours importante des exportations de services touristiques, continuerait de porter l’activité. De son côté, le ralentissement marqué de l’inflation (+2,4% a/a en août ; -1,2 pp sur deux mois), associé à la vigueur du marché du travail, devrait permettre à la consommation privée de reprendre graduellement du terrain.
L’économie néerlandaise a évité de retomber en récession au deuxième trimestre, grâce à un recul moins important des exportations et à des dépenses publiques solides, comme l’avait promis le nouveau gouvernement. Néanmoins, l’inflation est plus forte que prévu et devra être surveillée, car elle pourrait devenir un frein à la consommation privée. Les perspectives restent bonnes, mais les investissements doivent poursuivre leur redressement pour compenser les pénuries de main-d’œuvre persistantes.
Nos prévisions pour le troisième trimestre qui est en cours affichent une croissance belge légèrement inférieure à son rythme tendanciel. La consommation des ménages n’a pas beaucoup accéléré, tandis que les dépenses publiques ont augmenté, ce qui est typique une année d’élection. La formation brute de capital fixe, dominée par les investissements des entreprises, reste positive, mais la tendance sous-jacente est inquiétante. Les industriels belges semblent particulièrement loin d’un retour à la normale, tandis que le spectre d’un resserrement budgétaire se profile.
Dans un précédent article, nous évoquions le défi de taille consistant, pour l’Union européenne (UE), à accélérer sa transition écologique tout en faisant face aux conséquences de son vieillissement. Il se trouve que les termes de l’équation viennent d’être précisés dans le rapport « Draghi » sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe. Pour préserver leur modèle social ou encore ne pas décrocher face à la concurrence chinoise et américaine, les Vingt-Sept devraient augmenter d’au moins 800 milliards d’euros par an leurs investissements productifs, ce qui implique un effort sans précédent (équivalent à 4,7 points de PIB soit, au minimum, deux plans Marshall)
En septembre, la Réserve Fédérale américaine a enfin emboîté le pas à la BCE et la Banque d'Angleterre et baissé ses taux directeurs pour la première fois depuis mars 2020. Mais elle a marqué sa différence en optant pour une baisse significative de 50 points de base au lieu de seulement 25. Sur ce point-là, au moins, le suspense est levé.
Pour atteindre ses objectifs climatiques, l’Union européenne devra non seulement verdir, mais aussi considérablement augmenter sa production d’électricité. Un défi industriel et financier de taille, auquel font écho le rapport « Draghi » sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe, ainsi que le nouveau Pacte vert proposé par la présidente réélue de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen.