L’Allemagne vient d’accumuler 4 trimestres de stagnation ou de croissance négative et les indicateurs de climat des affaires suggèrent que l’activité serait restée largement déprimée au début du 4e trimestre : les conditions contemporaines d’activité restent proches de leurs plus bas tant dans l’enquête IFO que dans l’enquête ZEW (-80 pour ce dernier en novembre). En ligne avec cet environnement déprimé, la production dans des secteurs clés (automobile, chimie et métallurgie) a de nouveau fléchi en septembre (au T3, elle est désormais près de 15% inférieure au pic atteint fin 2017 pour chacun de ces secteurs). Les exportations n’offrent pas de relais de croissance (-6% a/a au T3, chiffres en valeur de balance commerciale, source Destatis).
L’économie française est marquée par des signes croissants de refroidissement, en termes d’activité, d’emploi et d’inflation. Si la croissance est restée jusqu’ici en territoire positif, le climat des affaires de l’Insee, en repli à 97 en novembre (contre 100 entre juillet et septembre), signale une détérioration. La baisse d’activité déjà présente dans une partie de l’économie (logement, commerce alimentaire) a gagné, selon cette enquête, l’industrie, la construction neuve (hors logement) et le commerce automobile.
Les enquêtes de conjoncture restent très dégradées. Les indices PMI indiquent une contraction de l’activité désormais plus étendue, même si elle reste plus significative dans le secteur manufacturier : pour ce dernier, le PMI a baissé de 1,9 point à 44,9 en octobre, tandis que celui des services passe plus franchement sous la barre des 50, après avoir enregistré un recul de 2,2 points à 47,7. L’indice de confiance des ménages transalpins se décorrèle des anticipations d’inflation (stables depuis le printemps) et baisse désormais sous l’effet de perspectives économiques et d’emploi plus moroses. La chute sur un mois (-2,4 points) de cet indicateur de confiance est d’ailleurs la plus prononcée de ces quinze derniers mois
La progression de l’indice des prix à la consommation harmonisé (HIPC) se renforce à nouveau à +3,5% a/a au mois d’octobre (+0,21 pp). L’inflation alimentaire reste importante, bien que son augmentation ait ralenti par rapport à septembre (+9,5% a/a en octobre, -1pp). Toutefois, l’envolée des prix de l’huile d’olive persiste (+73,5% a/a, +6,5 pp), apportant une contribution de 0,37 point à l’inflation totale. De son côté, la déflation énergétique se résorbe mais reste importante (-10,1% a/a, -3,7pp). L’inflation sous-jacente a quant à elle reflué à +3,8% sur un an.
Les chiffres clés de l'économie française comparés à ceux des principaux pays européens, l'analyse des données relatives à la population et au marché du travail français, l'activité par secteur, les chiffres des administrations publiques, de l'inflation, des taux et des comptes des entreprises.
La dynamique de l’emploi salarié s’est récemment détériorée en zone euro, comme en témoignent les destructions d’emplois en France et en Allemagne au 3e trimestre. Ces destructions sont en partie expliquées par des secteurs cycliques, la construction notamment. Elles sont le signe que les contraintes de demande pèsent de plus en plus sur les entreprises et sur le marché du travail. Pour autant, les pénuries de main d’œuvre restent élevées dans les pays du nord de la zone euro et en Europe centrale et, de manière générale, dans les secteurs où la demande ne fléchit pas (aéronautique, rénovation des bâtiments notamment)
En Europe centrale, les comptes nationaux du troisième trimestre ont été publiés en début de semaine. La Hongrie est sortie de récession après 4 trimestres de croissance négative. La Pologne connaît toujours une croissance erratique avec un rebond de l’activité cette fois-ci. Mais dans l’ensemble, les autres pays d’Europe centrale voient un ralentissement de leur activité.En Roumanie, la croissance du PIB s’est établie à +0,4% en rythme trimestriel au T3 après +0,9% au trimestre précédent. Malgré tout, l’économie roumaine devrait faire preuve de résilience cette année alors que certains pays comme la Hongrie ou encore la République tchèque pourraient enregistrer une croissance négative en 2023.
La France et l’Allemagne ont toutes deux détruit des emplois au 3e trimestre 2023 alors que de plus en plus d’entreprises pâtissent d’une demande en berne. Dans ce contexte, les pénuries de main d’œuvre pèsent moins sur l’activité économique, notamment en Allemagne où elles étaient plus fortes. Toutefois, ces pénuries persistent, car elles sont structurelles sur fond de taux de chômage faible. La production des secteurs bénéficiant de la demande la plus solide (actuellement l’aéronautique, singulièrement en France) peut en être pénalisée. Si ces pénuries ne sont pas résolues, elles pourraient même freiner le développement des secteurs d’avenir, notamment ceux associés à la transition écologique (électrification, rénovation).
La dynamique des exportations françaises s’est singulièrement essoufflée au fil de ces derniers mois. Si les exportations sont, sur les 9 premiers mois de l’année, de EUR 14 mds supérieures à celles enregistrées sur la même période de 2022, l’essentiel de ce gain a été obtenu dès le 1er trimestre. Sur les 2e et 3e trimestres, la hausse cumulée des exportations se limite à EUR 1 md (par rapport au T2 et T3 2022), avec au premier rang des progressions les exportations aéronautiques (+5,5 mds).
Le resserrement de la politique monétaire dans la zone euro, entamé en juillet 2022 et poursuivi jusqu’en septembre 2023, a continué de freiner la demande de crédit et l’activité économique au troisième trimestre 2023. Les premiers effets sur l’inflation sous-jacente sont, en outre, perceptibles depuis la fin de l’été.
Comme le montrent les données de septembre, la désinflation se poursuit dans la zone euro. Cette évolution est, en outre, généralisée : pour plus de la moitié des postes de l’IPCH (indice harmonisé des prix à la consommation), le taux d’inflation sur trois mois est inférieur à l’objectif de la BCE, exprimé sur une base équivalente. Cette tendance renforce la probabilité que la baisse de l’inflation s’étende à l’ensemble de l’économie de la zone euro. Cependant, malgré les progrès enregistrés, l’inflation se maintient bien au-dessus de sa cible
La température baisse sur le front de l’inflation en zone euro. À cette bonne nouvelle s’ajoute l’étonnante poursuite de la diminution du taux de chômage (6,4% en août contre 6,7% en début d’année). Mais ces évolutions positives sont contrebalancées par le climat plus frais aussi du côté de l’indicateur du sentiment économique de la Commission européenne (ESI).
L’inflation allemande a repris le chemin de la baisse, après une stabilisation entre mai et août (6,4% a/a en août selon l’indice harmonisé), pour atteindre 4,3% en septembre, en raison d’abord d’effets de base (l’inflation désaisonnalisée était de 2,3% m/m en septembre 2022, contre une évolution plus normale de 0,3% en septembre 2023). Nous attendons une nouvelle baisse de près de 1 point de pourcentage de l’inflation en octobre pour la même raison.
Les courbes se sont croisées : l’inflation française, longtemps en deçà de celle de la zone euro, lui est désormais supérieure (5,7% en septembre contre 4,3% a/a, selon l’indice harmonisé). En moyenne, l’inflation française dépasse même en août-septembre de près de 0,5 point son niveau de juin-juillet (contre une décrue 0,6 point en zone euro). En cause, le rebond des prix de l’énergie.
La confiance des ménages est en léger recul depuis le mois d’avril. Cela reflète une baisse des intentions d’achat de biens durables et une dégradation du jugement sur les perspectives d’évolution du chômage. Néanmoins, le marché du travail italien maintient le cap. Le taux de chômage a fléchi à 7,3% en août, son niveau le plus bas depuis quinze ans. Conséquence de ce recul, les problèmes de recrutement s’intensifient.
L’indice du sentiment économique de la Commission européenne recule, en Espagne, en septembre à son plus bas niveau de l’année, témoignant d’un ralentissement de l’activité qui se traduirait, selon nos prévisions, par une baisse de la croissance à 0,3% t/t au T3 et 0,2% t/t au T4. L’inflation regagne, par ailleurs, du terrain et pèse à nouveau sur la confiance des ménages, tout comme les perspectives de chômage qui se dégradent, toutefois modérément.
En Europe centrale, les flux de capitaux (investissements directs étrangers, flux de portefeuille et flux bancaires) ont plutôt bien résisté en dépit des incertitudes géopolitiques. De même, ils ne semblent pas affectés, pour le moment, par l’affaiblissement de l’activité économique dans la région.
Le gouvernement actuel brigue un troisième mandat aux élections législatives du 15 octobre prochain. Quelle qu’en soit l’issue, le futur gouvernement sera confronté à trois défis majeurs sur le plan économique : un ralentissement marqué de la croissance, une dégradation du déficit budgétaire et une hausse du risque de crédit. Toutefois, cette montée des risques ne constitue pas un réel motif d’inquiétude. Des garde-fous à la hausse de la dette publique existent. Le pays dispose aussi de liquidités extérieures confortables et le secteur bancaire est solide. Le reflux de l’inflation a facilité le changement de cap en matière de politique monétaire mais cela semble prématuré compte tenu des pressions salariales élevées.
En dépit de la remontée inédite des taux d’intérêt, en Espagne, le ratio des créances douteuses des ménages et des entreprises se maintient toujours à un niveau historiquement bas
Les enquêtes auprès des entreprises de la zone euro (PMI, Commission européenne) ont continué de se détériorer cet été, même si un léger mieux a été observé en septembre pour les PMI. La hausse des taux directeurs de 25 points de base en septembre – la dernière selon nos prévisions – amplifiera ce phénomène. Nous ne prévoyons pas de récession dans la zone euro dans son ensemble en 2023, mais une croissance modérée à 0,5% qui reposera essentiellement sur un acquis de croissance favorable en 2022. Après un premier semestre légèrement positif, l’activité stagnerait au second semestre. Des écarts de croissance importants sont à prévoir entre les pays membres.
L’économie allemande est affectée par la transmission du choc inflationniste à la consommation des ménages. Cette sous-performance reflète aussi des difficultés plus structurelles qui renvoient à la problématique du « Standort Deutschland ». Ces difficultés ont débuté peu avant la mise en œuvre des premières réglementations européennes visant à adapter le secteur automobile au changement climatique. Depuis lors, le secteur manufacturier a ainsi vu sa production et ses capacités de production se réduire. Dans un contexte toujours difficile, nous prévoyons une nouvelle récession au 2nd semestre 2023.
L’économie française connait une dichotomie entre les ménages et les entreprises. Si la consommation et l’investissement des premiers ont diminué en volume (-1,4% et -6,6% au T2 par rapport au T4 2021), l’investissement des secondes a progressé (+6,7% entre le T4 2021 et le T2 2023). Cet élément et la réduction des contraintes sur la production de matériels de transport ont soutenu la croissance au T2 (0,5% t/t) et devraient continuer de le faire à moyen terme. Dans les prochains trimestres, la croissance serait contrainte par la baisse de la demande due, en particulier, à une épargne des ménages élevée.
Au deuxième trimestre 2023, le PIB réel italien a reculé de 0,4 % t/t. La demande intérieure s’est affaiblie et les investissements en machines et équipements ont diminué, signe de la détérioration de la situation des entreprises. La consommation s’est légèrement redressée. Les ménages italiens souffrent toutefois de la hausse des prix à la consommation et des taux d’intérêt. Au T2, la récession s’est généralisée aux différents secteurs d’activité. La valeur ajoutée des services a baissé, reflétant la lenteur de la reprise du tourisme. Par ailleurs, l’inflation diminue lentement : en septembre, elle atteignait encore 5,7 % a/a. Contrairement à la plupart des prévisions, les prix de l’immobilier ont enregistré une hausse de 2,0 % t/t au T2.
L’économie espagnole a bien résisté, jusqu’à cet été, au choc des taux d’intérêt. La consommation privée et l’investissement ont progressé respectivement, sur un an, de 2,7% et 2,0% au deuxième trimestre 2023. L’élan du marché du travail et l’épargne accumulée durant la pandémie ont soutenu les dépenses des ménages, tout comme le recul de l’inflation qui a permis au pouvoir d’achat de se stabiliser. Toutefois, ces soutiens s’estompent. Sans marquer le pas, l’activité ralentira au second semestre 2023. Néanmoins, avec une croissance anticipée à 2,2% sur l’ensemble de 2023, l’Espagne restera cette année encore l’un des moteurs de la zone euro.