Pour tenir ses engagements climatiques, l’Union européenne (UE) doit viser une baisse de 90% de ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2040 (par rapport à 1990) selon une recommandation récente de la Commission. Cela signifie multiplier en peu de temps les investissements dans les énergies renouvelables, les réseaux électriques, les infrastructures de transports, la rénovation thermique des bâtiments. Il en résulte une surcharge financière importante (évaluée entre 58 et 66 milliards d’euros par an en France) mais aussi une quête exacerbée de moyens technologiques et humains
Un large consensus se dessine parmi les prévisionnistes économiques : celui d’une reprise progressive de la croissance trimestrielle du PIB réel dans la zone euro en 2024, portée par la décrue persistante de l’inflation, les baisses de taux directeurs ainsi que par les investissements dans la transition énergétique et ceux liés au programme NextGeneration EU. Le commerce extérieur pourrait aussi jouer un rôle. Les données d’enquête de la Commission européenne et de S&P Global se sont améliorées depuis l’automne dernier mais leur niveau reste inférieur à la moyenne historique
Avec une croissance nulle au dernier trimestre 2023, la zone euro a échappé de peu à la récession, mais l’activité reste sur un fil. Sur l‘ensemble de l’année 2023, la hausse du PIB réel s’est établie à seulement 0,5% et l’acquis de croissance pour 2024 est nul, du fait d’un second semestre plus faible encore que le premier. Néanmoins, notre nowcast indique actuellement une croissance de 0,3% t/t au premier trimestre 2024, supérieure au chiffre de nos prévisions de décembre dernier.
Les indicateurs du climat des affaires et de la confiance des ménages sont restés stables à un bas niveau au mois de février, soulignant le peu de ressort conjoncturel en Allemagne au 1er trimestre. Ainsi, la croissance du PIB serait nulle, selon nos prévisions, après une contraction de 0,3% t/t au 4e trimestre : une croissance sans dynamique (pour le moment) mais également sans effet d’acquis (-0,2% après le T4 2023).
Après trois trimestres de croissance nulle sur les cinq derniers trimestres (entre le T4 2022 et le T4 2023), nous anticipons une croissance modérée au 1er trimestre à 0,1% t/t (même si notre nowcast et la prévision de l’Insee suggèrent un chiffre un peu plus élevé, de +0,2%).
Les enquêtes de conjoncture de janvier menées auprès des entreprises italiennes indiquent des signes de reprise du secteur privé : l’indice PMI composite a gagné 2,1 points et s’établit désormais à 50,7. Cette amélioration est tirée par les services, pour lesquels le PMI repasse en zone d’expansion, après six mois en zone de contraction (+1,4 point, à 51,2). Les entreprises interrogées signalent désormais une hausse des nouvelles affaires à venir (52,5 ; +4,4 points) qui entraîne l’emploi dans son sillage (51,2). De son côté, la dégradation du secteur manufacturier, observable depuis avril 2023, continue de ralentir, l’indice PMI associé ayant gagné 3,2 points en janvier et s’inscrivant à 48,5.
Les enquêtes de conjoncture de janvier auprès des entreprises espagnoles révèlent des signes d’amélioration. L’indice PMI composite montre en effet une expansion de l’activité (51,5), notamment portée par la performance toujours solide du secteur des services (52,1). Le secteur manufacturier semble, lui aussi, avoir un peu plus le vent dans le dos en ce début d’année. Après dix mois de contraction, le PMI associé indique des signes de redressement (49,2 ; +3,1 points), les entreprises signalant une moindre détérioration de tous les sous-indicateurs, hormis celui relatif aux délais de livraisons (44,5 ; -3,5 points)
Les émissions nettes de titres de dette des sociétés non financières (SNF) ont été positives, en cumul annuel, en décembre 2023 (EUR 8,3 mds) pour le quatrième mois consécutif.
Récemment, un accord a été conclu entre les représentants du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne sur un nouveau cadre de gouvernance économique. Ce cadre porte essentiellement sur une surveillance fondée sur les risques, sur une distinction entre les États membres en fonction de leur situation spécifique, ainsi que sur l’intégration des objectifs en matière de politique budgétaire, de réformes et d’investissements au sein d’un plan budgétaire à moyen terme. Un indicateur opérationnel unique, sous la forme d’une trajectoire de dépenses nettes, devrait faciliter la communication et privilégier le rôle clé des dépenses primaires discrétionnaires au lieu des hausses d’impôts pour ramener les finances publiques sous contrôle
En dépit de l'élan positif, il serait prématuré de dire que la reprise a commencé dans la zone euro, mais au moins nous allons dans la bonne direction.
Moins active sur le front environnemental, la politique européenne de lutte contre le changement climatique continue de marquer des points en matière de décarbonation.
La décision récente de la Cour constitutionnelle fédérale allemande a alimenté le débat sur le frein à l’endettement, qui impose des règles strictes en termes de déficit budgétaire. Au risque de simplifier à l’extrême, la question est de savoir si la politique budgétaire doit être fondée sur une règle de fer ou sur une règle d’or. En imposant la rigueur budgétaire aux gouvernements futurs, le mécanisme du frein à l’endettement renforce la crédibilité de la politique budgétaire. Cependant, l’accent mis sur le déficit budgétaire conduit, sur la base d’hypothèses réalistes, à un repli significatif de la dette publique en pourcentage du PIB
Après une récession attendue en 2023, les perspectives de croissance sont plus favorables en 2024. L’activité économique devrait être portée à la fois par une amélioration de la demande intérieure et un léger rebond de la croissance en zone euro. Le cycle d’assouplissement monétaire initié fin 2023, devrait se poursuivre mais avec une certaine prudence, compte tenu de la persistance de fortes pressions salariales. Les comptes externes restent solides avec des réserves de change en hausse depuis plusieurs années. La Hongrie devrait afficher un excédent courant en 2023, après un déficit de -8,2% du PIB en 2022. Du côté des comptes publics, le déficit budgétaire reste dégradé et devrait dépasser les 5% du PIB en 2023
Selon notre estimation, le déficit de la balance commerciale (sur les échanges de biens) devrait avoir atteint près de EUR 101 mds en 2023, après 165 mds en 2022 et 86 mds en 2021. Cette amélioration s’explique principalement par la baisse du prix du pétrole et le retour à la normale des exportations d’électricité et des importations de biens intermédiaires. Bonne nouvelle, la balance commerciale s’améliore également en volume, même si c’est de façon plus limitée et en raison d’effets qui ne devraient probablement pas se répéter.
Le resserrement de la politique monétaire de la BCE entre l’été 2022 et septembre 2023 a continué de produire ses effets sur les évolutions du crédit bancaire dans la zone euro au quatrième trimestre 2023. Toutefois, en lien avec l’absence de tour de vis supplémentaire depuis septembre 2023, ceux-ci ne s’intensifient plus. Les encours de prêts bancaires au secteur privé ont même modestement accéléré, en glissement annuel, au quatrième trimestre (+0,5% en décembre 2023 contre +0,3% en septembre), à l’instar du PIB (+0,1% au quatrième trimestre contre 0,0% au troisième). L’impulsion du crédit, toujours négative, se redressait légèrement, pour la première fois depuis le début du relèvement de ses taux directeurs par la BCE, en juillet 2022.
La zone euro aura finalement échappé de justesse à la contraction économique au dernier trimestre 2023, mais le tableau est contrasté entre les pays. Selon les chiffres préliminaires d’Eurostat, le PIB réel en zone euro est resté stable au T4, après une légère baisse de 0,1% t/t au T3. La croissance trimestrielle a surpris à la hausse en Espagne (+0,6%), en Italie (+0,2%), tandis que les chiffres français (0,0%) et allemands (-0,3%), plus faibles, étaient en ligne avec le consensus. La baisse la plus importante en zone euro est venue d’Irlande (-0,7%), tandis que le Portugal a progressé le plus fortement (+0,8%).
L’activité en zone euro devrait se renforcer légèrement en 2024, portée par le reflux de l’inflation et le début du cycle baissier des taux directeurs, qui interviendrait en avril d’après nos prévisions. Le marché du travail surprend toujours favorablement. Néanmoins, l’activité industrielle se replie nettement et reste très exposée à une escalade des tensions en mer Rouge et aux répercussions sur le transport maritime et les chaînes d’approvisionnement. Cette année 2024, rythmée par de nombreuses échéances législatives et présidentielles nationales (Finlande, Portugal, Belgique, Autriche) et européennes (du 6 au 9 juin), redessinera aussi les contours du paysage politique dans la région et les rapports de force au sein du parlement européen.
Le ralentissement conjoncturel que connaît l’économie allemande, similaire à celui traversé par la zone euro, s’inscrit dans une stagnation plus ancienne : le dernier trimestre de croissance significative datant du T3 2022. Ce chiffre étant encore biaisé à la hausse, la période bénéficiant du rebond post-Covid. Si l’augmentation des prix de l’énergie a été suffisamment forte en 2022 pour faire ressortir les faiblesses manifestes de l’économie allemande, concentrée sur des secteurs énergivores, certaines de ces faiblesses préexistaient. Dans ce contexte, la perspective d’un retour à la croissance, qui est notre scénario pour le printemps 2024, notamment en raison du reflux de l’inflation, reste entourée de profondes incertitudes et d’un aléa baissier.
La croissance française s’est affaiblie en 2023, comme en témoigne le bas niveau atteint en décembre par les indicateurs de climat des affaires. Toutefois, 2024 devrait amorcer la voie de la reprise. Des prix de l’énergie bien plus bas que début 2023 permettront notamment une poursuite du recul de l’inflation, qui ne devrait pas être remis en cause par le retrait de la majeure partie du bouclier tarifaire encore présent sur l’électricité. Le rebond des salaires réels, la bonne santé du secteur de l’aéronautique et la poursuite du verdissement de l’économie devraient permettre un atterrissage en douceur de la croissance en 2024, à 0,6% en moyenne annuelle
En 2023, la reprise italienne a ralenti, avec quelques à-coups. Après avoir soutenu la croissance au premier semestre, l’investissement s’est inscrit en recul. De son côté, la consommation a surpris à la hausse (+1,5 % par rapport au T4 2022). Les ménages ont bénéficié d’une amélioration significative des conditions du marché du travail et d’un reflux de l’inflation et leur confiance s’est redressée, ce qui a permis de soutenir les dépenses privées. Au T4 2023, en raison de la décélération des prix de l’énergie (+1,2 % en moyenne en 2023 contre +50,9 % en 2022), l’inflation a fortement ralenti.
Au troisième trimestre 2023, la croissance espagnole s’est légèrement modérée à 0,3% t/t. Elle a été principalement portée par la consommation des ménages, elle-même soutenue par la résilience du marché du travail et la progression des salaires réels. Après une remontée au cours du second semestre (de 1,6% a/a en juin à 3,3% en décembre selon la mesure harmonisée), l’inflation devrait de nouveau baisser en 2024 et s’inscrire en dessous de la cible de 2% dès le T3. Nous prévoyons que la croissance reste modérée en fin d’année 2023 et début 2024 (0,2% t/t), avant de redevenir plus franchement positive. L’Espagne restera l’un des moteurs de la zone euro pour une année supplémentaire – avec une croissance attendue de 1,5% en moyenne annuelle contre 0,6% pour la zone euro.
Le pays est entré en récession dans le courant de l’année 2023, comme son voisin allemand, mais 2024 devrait être meilleure car le futur gouvernement disposera de moyens financiers pour relancer la dynamique économique. Il faudra un peu de patience toutefois pour que les choses se mettent en place. La conjoncture hollandaise reste fortement exposée au contexte international, très tendu en ce début d’année.
L’économie belge devrait continuer à croître à son rythme actuel pendant quelques trimestres. Malgré un environnement international difficile, combinant resserrement monétaire et ralentissement économique de ses principaux partenaires commerciaux, l’économie belge a remarquablement bien résisté. La consommation des ménages, soutenue par l’indexation des salaires sur l’inflation, et le dynamisme de l’investissement sont les moteurs de cette croissance. En raison de la hausse des coûts salariaux et de l’énergie, les dépenses en capital se concentrent en premier lieu sur l’automatisation et la transition énergétique.
La croissance en Grèce devrait être à nouveau au rendez-vous en 2024, mais l’activité a montré des signes d’essoufflement au second semestre 2023. Le PIB réel a stagné au T3 2023 et l’emploi s’est replié de 0,5% t/t. Si la forte activité touristique, dans un contexte d’inflation élevée, génère des recettes fiscales pour l’État, ses effets sur le PIB réel sont plus limités. La baisse rapide du taux de chômage (désormais sous les 10%), l’amélioration drastique des comptes publics et le recul de l’endettement public et privé témoignent de l’important redressement de la Grèce, salué d’ailleurs par la hausse des marchés actions et obligataires, et par le net resserrement des spreads entre la dette souveraine grecque et le Bund allemand
La conjonction de l’envolée de l’inflation et du resserrement monétaire pour la combattre a entraîné l’économie suédoise en récession. La baisse de la consommation des ménages et de l’investissement résidentiel en a constitué les moteurs principaux. Certes, la situation ne devrait pas se détériorer davantage en 2024, ce qui ne signifie toutefois pas qu’une reprise dynamique est à attendre. Cependant, bien que rencontrant des difficultés notables, la Suède conserve de nombreux atouts de nature à venir soutenir l’activité à moyen terme.