Lors de sa réunion du 10 mars, la BCE avait ouvert la voie à la remontée du taux de dépôt. Le timing de la première hausse restait néanmoins incertain : septembre apparaissait moins probable comparé à quelques semaines plus tôt, juillet était exclu, restait décembre. La temporisation semblait toujours de mise compte tenu des risques baissiers croissants que le choc inflationniste en cours, la guerre en Ukraine et la stratégie zéro-Covid de la Chine font peser sur la croissance de la zone euro. Les données économiques publiées depuis ainsi que les discours hawkish, prononcés par nombre de membres de la BCE, ont accéléré le tempo.
Les flux des prêts nouvellement non-performants des sociétés non financières (SNF)[1] italiennes représentaient 2,4% de l’encours des prêts performants au quatrième trimestre 2021 contre 1,4% au troisième trimestre 2021. Partant d’un niveau historiquement faible, la hausse très sensible de ce ratio[2] est imputable aux flux des prêts nouvellement non-performants qui ont augmenté de 67% au quatrième trimestre 2021 tandis que l’encours des prêts performants demeurait relativement stable. La hausse du ratio des prêts nouvellement non-performants a été plus marquée dans certains secteurs (hébergement-restauration, construction, production et distribution d’électricité et de gaz, industries extractives)
Pour les ménages comme pour les entreprises, l’incertitude est au cœur des prises de décision. Les causes peuvent être économiques, liées à la politique économique, politiques ou même géopolitiques. Les données d’enquête de la Commission européenne montrent que la pandémie de Covid-19 a fait bondir l’incertitude, qui a ensuite diminué progressivement. La guerre en Ukraine a aussi déclenché une hausse mais elle a été plus limitée. Il conviendra de suivre l’évolution de l’incertitude des ménages, des entreprises et des pays dans les prochains mois. Si elle ne baisse pas, l’impact négatif se fera probablement sentir sur les données relatives aux dépenses et à l’activité.
L’économie italienne a démarré l’année 2022 sur un recul, le PIB réel se contractant de 0,2% t/t au T1. L’activité du pays est fortement affectée par la guerre en Ukraine ainsi que par les perturbations durables sur les échanges de biens mondiaux. Deux événements qui impactent davantage les économies avec un socle industriel important, comme l’Italie. L’inflation, qui a atteint 6,3% a/a en avril (en baisse par rapport au mois précédent à 6,8% a/a) pèse également très significativement sur le moral des ménages. Selon la Commission européenne, la confiance des consommateurs est remontée très légèrement en avril (la balance d’opinion a grimpé de 1,9 point, à -22), mais a atteint en mars un plus bas depuis janvier 2014.
La hausse spectaculaire des prix de l’énergie depuis avril 2021 constitue le principal levier de la flambée actuelle de l’inflation en zone euro. Cette hausse s’est accentuée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier, entraînant la composante « énergie » de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), qui a crû de 44,4% a/a en mars 2022. Les gouvernements des quatre principales économies de la zone euro se sont mobilisés pour tenter d’amortir le choc pour les acteurs économiques, en particulier sur le pouvoir d’achat des ménages, via différentes mesures : subventions directes, baisses de taxes, réglementation des prix ou revalorisation des revenus
La bonne tenue des indices PMI du secteur manufacturier jusqu’en avril surprend tant les contraintes sur l’offre et les pressions sur les prix des intrants se sont amplifiées depuis le début du confit russo-ukrainien le 24 février dernier. C’est notamment le cas en Allemagne. Malgré une industrie fortement exposée au choc, son PMI manufacturier continue de se maintenir bien au-dessus de 50 points (54,6 en avril 2022), suggérant que l’activité dans le secteur demeure confortablement en expansion alors que la production industrielle s’est repliée de - 4,4% entre janvier et mars 2022. Ce message contradictoire tient avant tout à un biais méthodologique : celui de la prise en compte des délais de livraison dans l’indice agrégé
La hausse de l’inflation semble être, de prime abord, une bonne chose pour les gouvernements. Après tout, l’inflation induit une érosion de la valeur réelle de la dette et abaisse le ratio de dette publique sur PIB, la valeur nominale de ce dernier augmentant. Cependant, l’impact de l’inflation sur les finances publiques dépend de l’anticipation de sa hausse par les marchés financiers et de sa persistance attendue. Ces deux facteurs influenceraient le coût de l’emprunt et, par conséquent, la dynamique du ratio de dette via la différence entre ce coût et la croissance nominale du PIB
Bien que l’Allemagne ait retrouvé le chemin de la croissance au 1er trimestre 2022, avec un PIB qui a progressé de +0,2 % (t/t) d’après la première estimation publiée par l'Office fédéral de la statistique (Destatis), le mois de mars porte déjà les séquelles du conflit russo-ukrainien et des confinements stricts dans plusieurs régions de Chine. La production industrielle, dont le secteur représente 24 % du PIB allemand, s’est fortement repliée au mois de mars (–4,6 % m/m) après une croissance quasi-nulle en février. Elle reste très éloignée du son niveau d’avant-crise (T4 2019), à –5,2 %. Pire, cette nette baisse sur le dernier mois du 1er trimestre constitue un acquis de croissance nettement négatif pour le 2e trimestre à –3 %.
L’inflation continue de se diffuser aux différents postes de l’indice des prix à la consommation. La composante « énergie » a légèrement reflué en avril (-2,5% m/m), après la mise en œuvre de la ristourne gouvernementale sur le carburant, mais cette baisse a été plus que compensée par l’accélération des prix des autres postes de consommation. Les prix alimentaires, singulièrement, ont progressé de 1,4% m/m en avril, une ampleur inédite depuis 20 ans (c’est-à-dire ni en 2007-08 ou en 2011, lors de précédentes vagues de hausse des prix alimentaires). Ce poste est le principal contributeur (0,2 point) à l’inflation mensuelle (+0,4% m/m).
Les derniers chiffres d’inflation offrent un très léger répit au gouvernement espagnol. Après avoir frôlé les 10% en glissement annuel en mars (9,8%), la hausse des prix à la consommation a ralenti en avril (8,4%). Les mesures prises par les autorités afin d’endiguer l’augmentation des prix de l’énergie (principalement via des subventions et des baisses de taxes) ont eu un effet positif. Néanmoins, le renchérissement des produits alimentaires s’intensifie (+10,1% a/a en avril). De plus, leur contribution à l’inflation (1,98 point de pourcentage) atteint désormais le même niveau que les autres postes de dépenses liés à l’énergie (les transports, l’électricité, le gaz et autres combustibles).
En l’espace de quelques mois, les perspectives de croissance de la zone euro se sont fortement détériorées, au point de craindre désormais une récession dans le courant de l’année. Entre notre prévision de début 2021 – moment où elle a été la plus élevée (5,5%) – et notre scénario actuel établi mi-mars 2022, la croissance attendue a été divisée par deux environ : nous tablons désormais sur 2,8%. En novembre 2021, nous prévoyions encore 4,2%. Ce chiffre de 2,8% est certes très élevé en apparence, bien supérieur à son rythme tendanciel (1,6% en moyenne par an entre 1996 et 2019), mais il s’appuie sur un acquis de croissance exceptionnellement important de 2,1% au T1 2022 et, pour les trimestres suivants, sur une croissance peu élevée mais positive
De prime abord, la forte dépréciation de l’euro semble être une aubaine pour la Banque centrale européenne. Par son effet mécanique sur les prix à l’importation, elle dissiperait les derniers doutes quant à la nécessité de relever le taux de rémunération des dépôts dans la zone euro. Cependant, on peut craindre que l’affaiblissement de la monnaie européenne n’entame la croissance du fait de son impact sur l’inflation et, par conséquent, sur le pouvoir d’achat des ménages. La prudence s’impose donc en matière de resserrement monétaire. Si une hausse du taux de rémunération des dépôts au second semestre semble acquise, le sujet central est celui de l’ampleur et du calendrier des hausses ultérieures. L’évolution des perspectives d’inflation sera à cet égard déterminante.
En mars 2022, les encours de prêts aux SNF ont décéléré pour la première fois depuis septembre 2021. En raison d’un important effet de base (entre mars et août 2021, la quasi-interruption des souscriptions de prêts garantis par les SNF et les premiers remboursements avaient freiné la progression des encours de crédits), l’impulsion des prêts aux SNF (qui reflète la variation, sur un an, de la croissance annuelle de l’encours) a continué de se redresser – tout en demeurant négative - pour s’établir à -1,0% en mars 2022 (contre -2,6% en février).
Le marché immobilier espagnol fait de nouveau preuve de dynamisme après sa forte correction de 2008 à 2013 qui a effacé une partie des excès créés au début des années 2000. Le volume des transactions a atteint en 2021 son niveau le plus élevé en douze ans. Les prix des logements enregistrent depuis six ans une croissance proche de 5% par an en moyenne. L’activité bénéficie aujourd’hui de multiples soutiens : rebond économique post-Covid, épargne des ménages plus importante, progression de l’emploi, taux d’emprunt bas. La hausse des prix immobiliers s’explique surtout par une limitation sur l’offre de logement qui risque de perdurer avec l’accroissement des coûts de construction lié au renchérissement des matières premières
La Pologne est bien armée pour affronter les conséquences économiques du conflit en Ukraine. Fin 2021, le choc de la Covid-19 a été absorbé. Le niveau d’activité a dépassé de 5% celui de fin 2019, la reprise est équilibrée dans ses composantes et le taux de chômage est revenu à un niveau frictionnel. De plus, le déficit budgétaire a été fortement réduit en 2021 et le ratio de dette publique reste en deçà de la norme maastrichienne grâce à un écart substantiel entre la croissance et les taux d’intérêt. Le solde courant est de nouveau déficitaire mais reste largement couvert par des sources de financement non génératrices de dette. Seule ombre au tableau, l’accélération de l’inflation a conduit la banque centrale à durcir sa politique monétaire de façon plus incisive depuis l’automne 2021
L’économie roumaine a fortement ralenti au S2 2021, l’accélération de l’inflation ayant entraîné une baisse du pouvoir d’achat des salariés pour la première fois depuis 2010. Pour autant, la croissance est restée déséquilibrée et l’endettement public et privé s’est alourdi entre 2019 et 2021. Le resserrement monétaire est intervenu trop tardivement en 2021 et demeure très mesuré depuis le début de l’année. Le choc externe du conflit en Ukraine ne peut qu’accentuer le ralentissement de la croissance. Le coût de l’accueil des réfugiés retardera l’assainissement budgétaire. C’est à la politique monétaire qu’il incombe de veiller à la stabilité financière dans les circonstances exceptionnelles actuelles.
L’encours des prêts et avances qui font toujours l’objet de mesures de soutien bancaire, en réponse à la pandémie de COVID-19[1], poursuit sa baisse dans la zone euro. Il s’établit à EUR 444 mds au quatrième trimestre 2021, soit 3,1% du total des prêts contre EUR 494 mds et 3,5% au troisième trimestre 2021. Ces baisses concernent presque exclusivement les prêts soumis à des moratoires conformes aux lignes directrices de l’Autorité bancaire européenne[2] dont le traitement prudentiel préférentiel a pris fin le 31 décembre 2021. L’encours des prêts assortis d’une garantie d’État et des prêts renégociés s’est quasiment stabilisé au quatrième trimestre 2021 à EUR 438 mds
L’inflation a atteint 4,5% a/a au mois de mars en France selon l’estimation finale de l’Insee, principalement en raison d’une nouvelle hausse du coût de l’énergie (+9% sur le seul mois de mars, +29,2% a/a). En parallèle, l’impact de cette inflation semble commencer à se faire sentir sur les dépenses de consommation des ménages : après avoir nettement baissé en janvier (-2% m/m), leur rebond en février est resté limité (+0,8% m/m). Et la dernière enquête de l’Insee sur la confiance des ménages n’augure pas d’un rebond à court terme, au contraire. Le moral de ces derniers a considérablement chuté notamment parce qu’ils craignent de nouvelles hausses de prix : la balance d’opinion sur les perspectives de prix a augmenté de 50 points pour atteindre un record historique.
L’inflation en Italie a atteint 6,7% a/a en mars, le niveau le plus élevé depuis juillet 1991. À la hausse spectaculaire de 50,9% sur un an des prix de l’énergie (électricité, gaz, carburant) s’ajoutent désormais les augmentations importantes des prix des produits alimentaires (+5,8% a/a), de l’ameublement (+8% a/a), ainsi que de l’hôtellerie-restauration (+4,6% a/a). Deux postes de consommation restent encore en terrain déflationniste : l’éducation (-0,5% a/a) et les services de communication (-2,9% a/a). Le plus dur est néanmoins à venir : la dernière enquête PMI pour le mois de mars montre une augmentation encore une fois très nette des prix des intrants, la plus forte jamais enregistrée (+6,7 points à 81,5)
La guerre en Ukraine complique la tâche de la Banque centrale européenne qui doit arbitrer entre lutter contre le risque inflationniste et soutenir la croissance. Lors de sa réunion du 10 mars dernier, les préoccupations concernant l’inflation ont dominé et la fin probable au T3 des achats nets d’actifs dans le cadre du programme APP a été annoncée. La voie est ouverte pour amorcer la remontée du taux de dépôt mais le timing reste très incertain. Le choc inflationniste s’amplifie et la croissance de la zone euro est de plus en plus menacée. La dynamique conjoncturelle préexistante, l’excès d’épargne, les besoins d’investissement et les mesures de soutien budgétaire permettent toutefois de tempérer le risque de stagflation.
Parmi les quatre plus grandes économies de la zone euro, l’Allemagne affiche les perspectives de croissance à l’horizon 2022 les moins bonnes. Selon nos prévisions, le PIB allemand augmenterait d’environ 2% quand la croissance avoisinerait 3% en France et en Italie et frôlerait 5% en Espagne. L’acquis de croissance au T4 2021 est moins élevé outre-Rhin, l’exposition aux répercussions économiques de la guerre en Ukraine est plus grande et elles s’ajoutent aux difficultés d’approvisionnement préexistantes de l’industrie. La chute de l’indice ifo en mars, en particulier des anticipations des entreprises, en atteste et alerte sur le risque de récession.
L’inflation a continué de croître début 2022 jusqu’à peser très fortement sur la confiance des ménages français à partir de mars. Cette problématique de pouvoir d’achat augure d’un repli de la consommation. Le soutien budgétaire a permis de limiter la hausse de l’inflation (de près de 2 points de pourcentage en avril), autorisant le maintien d’une croissance légèrement positive (0,3% pour le T1 et 0,1% pour le T2 selon nos prévisions).
Au T4 2022, le PIB réel a crû de 0,6%, après une hausse de +2,7% au T2 et +2,5% au T3. Le ralentissement a été général. L’activité dans l’industrie manufacturière a stagné et les services ont pâti de l’augmentation des cas de Covid. L’envolée d’une l’inflation, plus persistante que prévu, nourrit l’incertitude. En mars 2022, l’indice des prix à la consommation a grimpé de 6,7% en g.a. La détérioration de l’environnement économique n’a pas encore affecté le marché du travail. Entre décembre 2021 et février 2022 , la population active s’est accrue ( + 100 000 personnes), retrouvant quasiment son niveau de pré-pandémie
Même si l’Espagne n’est pas l’économie européenne la plus exposée « structurellement » à la guerre en Ukraine, le choc sur les prix énergétiques s’avère très important. L’inflation dépassera certainement les 10% sur un an au cours du printemps. Les manifestations qui ont émaillé le pays, en réponse à la hausse du prix des carburants, ont perturbé l’activité, mais la croissance devrait être peu impactée. Les créations d’emplois ont résisté au T1. La confiance des ménages et les anticipations de commandes des entreprises ont toutefois chuté fortement, ce qui aura des répercussions sur les dynamiques d’embauches
Le PIB belge a progressé de 0,5 % au T4 2021, enregistrant une croissance annuelle de 6,1%. L’économie s’est redressée et a retrouvé ses niveaux pré-Covid plus rapidement qu’attendu. Notre scénario de base prévoyait un ralentissement progressif par rapport à une croissance supérieure à son potentiel, et ce malgré la poursuite de la trajectoire haussière des prix (énergie) et les tensions sur le marché du travail. La guerre en Ukraine remet en question ce scénario. Nous prévoyons désormais une baisse de la croissance d’un point de pourcentage et le relèvement de plus de 2 pp de la prévision d’inflation.