Compte tenu de la récente forte hausse des taux d’intérêt, dans les pays de la zone euro le coût d’emprunt de la dette nouvellement émise est désormais plus élevé, pour une maturité équivalente, que celui de la dette existante. Pour que la dette publique soit soutenable, une telle situation requiert un déficit primaire moindre ou un excédent plus élevé, selon que le coût moyen de la dette est inférieur ou supérieur au taux de croissance nominale à long terme du PIB. Toutefois, l’effet ne se fera pleinement ressentir que lorsque la totalité de la dette aura été refinancée à un taux d’intérêt plus élevé. Compte tenu de la maturité moyenne élevée de la dette existante, l’effort annuel d’ajustement est, pour le moment, limité mais il augmentera à l’avenir. Toutefois, la soutenabilité de la dette englobe plus que simplement assurer la stabilité du ratio de la dette sur PIB dans certains cas. Il s’agit également d’assurer la résilience face aux chocs de taux d’intérêt et de croissance. Plus le ratio d’endettement est élevé, plus il est important d’aller plus loin qu’une simple stabilisation.
Un document de travail du FMI de 2020 posait la question de savoir s’il fallait ou non être rassuré par le différentiel négatif entre le taux d’intérêt implicite sur la dette publique (r) et la croissance du PIB nominal (g), qui prévalait alors dans de nombreux pays depuis la crise financière mondiale de 20081 .
Compte tenu de la très forte hausse des taux d’intérêt intervenue récemment dans de nombreux pays, l’on peut être aussi tenté de se demander s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Un document de travail du FMI de 2020 posait la question de savoir s’il fallait ou non être rassuré par le différentiel négatif entre le taux d’intérêt implicite sur la dette publique (r) et la croissance du PIB nominal (g), qui prévalait alors dans de nombreux pays depuis la crise financière mondiale de 20081. Compte tenu de la très forte hausse des taux d’intérêt intervenue récemment dans de nombreux pays, l’on peut être aussi tenté de se demander s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Le graphique 1 montre, pour plusieurs pays de la zone euro, le taux d’intérêt implicite pour la dette publique en circulation (axe horizontal) et le taux d’intérêt actuel pour la dette nouvellement émise, de même maturité que la dette existante (axe vertical)2. L’ensemble des points se situent au-dessus de la diagonale, ce qui montre que le coût d’emprunt marginal - le taux d’intérêt pour la dette nouvellement émise - est supérieur au coût d’emprunt moyen, soit le taux pour la dette existante3.
Cela implique que le différentiel r-g marginal est supérieur au différentiel r-g moyen4. Cette situation crée-t-elle un problème de soutenabilité de la dette, et devons-nous nous en inquiéter ?
Avant de nous intéresser aux facteurs clés, il est utile de rappeler que la dynamique du ratio de dette publique sur PIB dépend du différentiel r-g et du solde primaire, qui correspond au solde budgétaire hors intérêts sur la dette.
Le ratio d’endettement (D/PIB) sera stable sur une période donnée si le solde primaire est égal à (r-g)*(D/PIB). Lorsque g > r, le gouvernement a les moyens de supporter un déficit primaire sans compromettre la stabilité du ratio de la dette. Si en revanche g < r, il doit maintenir un excédent primaire. Une hausse du taux d’intérêt moyen (?r) réduit le déficit primaire «soutenable» à hauteur de (?r)*(D/PIB), ou augmente l’excédent primaire requis dans une même mesure.
Le ratio de dette/PIB initial joue, donc, un rôle important pour évaluer l’impact de la hausse des coûts d’emprunt sur la dynamique de la dette. Plus le taux d’endettement est élevé, plus des mesures correctrices seront nécessaires pour le maintenir à un niveau stable en cas de hausse des taux d’intérêt. Toutefois, plus la maturité moyenne est longue, plus l’ajustement budgétaire peut être étalé dans le temps. Pour un pays affichant au départ un ratio de dette/PIB stable de 120 % et une maturité moyenne de 10 ans, une hausse de 1 % du coût d’emprunt moyen nécessiterait un effort d’ajustement budgétaire de 1,2 % du PIB sur une période de 10 ans, ce qui constitue un effort annuel modeste.
Compte tenu des hausses des taux d’intérêt et de la maturité moyenne de la dette existante (graphique 2), il semble que cela implique, pour les différents pays, un effort d’ajustement annuel très limité. Cette conclusion doit toutefois être assortie de plusieurs réserves.
Il est impossible de savoir à quel niveau la hausse des taux d’intérêt s’interrompra, ni comment ils évolueront une fois ce niveau atteint. La hausse des taux d’intérêt devrait peser sur la croissance - c’est justement l’objectif d’un resserrement monétaire visant à juguler l’inflation - ce qui influence la dynamique de la dette à court terme. Cette évolution pourrait augmenter les coûts d’emprunt à travers un accroissement des primes de risque.
Ces exemples nous rappellent que la soutenabilité de la dette va plus loin qu’assurer la stabilité du ratio de la dette dans certains cas. Il s’agit également d’assurer la résilience face aux chocs de taux d’intérêt et de croissance. Comme le montrent les recherches effectuées par le FMI sur un large échantillon d’économies avancées et émergentes, le niveau de la dette publique joue un rôle clé. Les pays les plus endettés ont un différentiel r-g moyen plus élevé, et donc une probabilité plus forte de chocs défavorables (augmentation du différentiel r-g). De plus, ils subissent une augmentation plus importante des coûts d’emprunt liée aux effets de l’accroissement de la prime de risque en réponse à une baisse inattendue de la production et à l’augmentation de la volatilité des marchés financiers internationaux5.
Pour conclure, si la très forte hausse récente des taux d’intérêt dans de nombreux pays ne nous a pas empêché de dormir, elle nous contraint à faire preuve de plus de vigilance au réveil. Plus le ratio d’endettement est élevé, plus il est important d’aller plus loin qu’une simple stabilisation.
Plus le ratio d’endettement est élevé, plus il est important d’aller plus loin qu’une simple stabilisation.