L’économie française a positivement surpris au regard des vents contraires qui s’accumulent depuis le début de l’année 2022. Ainsi, la croissance a été de 0,5% t/t au 2e trimestre, une performance qui s’explique surtout par le rebond des activités liées au tourisme et aux loisirs à la suite de la levée, à partir de mars, des restrictions liées au Covid-19. L’inflation a pourtant continué de produire ses effets, comme en témoigne la nouvelle contraction du pouvoir d’achat des ménages au 2e trimestre (-1,1% t/t après déjà -1,6% au 1er).
Cette inflation a atteint le niveau de 6,1% a/a en juillet avant de refluer en août à 5,8% (selon la mesure nationale de l’INSEE). Cela a pu contribuer au léger raffermissement de l’indice de confiance des ménages, qui a rebondi de 2 points en août à 82, mais reste en retrait de 17 points par rapport à décembre 2021. D’ici à la fin de l’année, d’après nos prévisions, l’inflation resterait en deçà du pic de juillet, notamment en raison de l’augmentation de la ristourne de 18 à 30 centimes par litre d’essence en septembre et octobre. C’est un des éléments de la loi sur le pouvoir d’achat adoptée cet été qui devrait permettre un rebond de ce dernier, que nous anticipons à +1,4% t/t au 3e trimestre (contre +0,1% si aucune mesure de soutien au pouvoir d’achat n’avait été introduite).
Cette évolution plus positive du pouvoir d’achat au 3e trimestre pourrait précéder un choc attendu l’hiver prochain en raison notamment des craintes en matière d’approvisionnements en énergie. Une première problématique concerne, en effet, le risque de pénuries (de gaz, d’électricité) et les mesures de baisse de la consommation préventives destinées à l’éviter. La deuxième a trait aux prix et à la hausse de la facture énergétique. Les ménages sont protégés par un bouclier tarifaire qui fige les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité jusqu’à décembre. Un bouclier subsistera en 2023 selon le gouvernement, mais l’ampleur de l’augmentation des tarifs début 2023 reste inconnue. Les entreprises sont d’ores et déjà soumises à des augmentations de prix dès lors que leur précédent contrat de fourniture en électricité arrive à son terme et qu’elles doivent en souscrire un nouveau. Cela en a conduit certaines à annoncer recourir au chômage partiel dès cet automne pour en atténuer le coût.
L’ensemble de ces éléments va rapidement peser sur la croissance française. De plus, cette problématique touchant aussi le reste de l’Union européenne, les exportations seront également affectées. Par ailleurs, l’économie française aborde cette période avec des points de fragilité. Le premier concerne sa production d’électricité, qui s’est repliée de 10,4% a/a au 1er semestre, avec le risque que ce repli se soit perpétué par la suite. Le second concerne la sécheresse, qui a pénalisé la production agricole avec un effet à la hausse sur les prix alimentaires (attendus à +10,8% a/a en fin d’année). Le troisième est lié à l’accroissement des stocks dans l’industrie, dans un contexte de baisse de la demande. Nous estimons que les stocks atteignent désormais 68 jours de chiffres d’affaires, un niveau supérieur à la normale (60 jours). Cela accroît le risque d’une baisse de la production visant à réduire ce niveau élevé.
Au vu de tous ces éléments, nous anticipons une contraction du PIB de 0,2% t/t au 3e trimestre, tandis que l’Insee anticipe une croissance de 0,2% t/t et la Banque de France autour de 0,3% t/t.
Stéphane Colliac