La levée des restrictions sanitaires liées à la Covid-19 à partir du mois de mars a fortement contribué à la hausse surprise de la croissance française au 2e trimestre (+0,5% t/t). Le secteur de l’hébergement-restauration et les dépenses des non-résidents en France (tourisme, principalement, et voyages d’affaires) expliquent à eux seuls la croissance de la consommation des ménages et des exportations, montrant la dynamique par ailleurs assez faible des autres moteurs de la croissance. Les chiffres de l’emploi confirment ce sentiment en clair-obscur, avec 187000 créations nettes au 1er semestre, mais, dans le même temps, une contraction de 36000 postes dans l’intérimaire.
D’où part-on ?
Cette performance positive de la croissance au 2e trimestre peut surprendre compte tenu du choc inflationniste en cours. On pourrait en effet s’attendre à ce qu’il ait plus pesé sur l’activité, notamment parce qu’il a lourdement affecté la confiance des ménages dès mars (-7 points sur 1 mois). Celle-ci a été la première à se dégrader sous l’effet de la nette hausse du prix du pétrole qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine (+23% en mars).
On peut réconcilier les chiffres avec cette réalité, en corrigeant la variation du PIB de l’impact de l’évolution des restrictions liées à la Covid-19[1]. Au 1er trimestre, la croissance reste à -0,2% t/t mais, au 2e trimestre, cette correction implique une progression du PIB limitée à 0,1% t/t. La succession de ces deux chiffres souligne une récession évitée de peu.
L’impact du choc inflationniste est perceptible au travers de la dynamique du pouvoir d’achat des ménages, en repli tant au 2e trimestre (-1,1% t/t) qu’au 1er (-1,6% t/t). Les autres postes de dépenses des ménages portent davantage la marque des contraintes de pouvoir d’achat (replis assez nets dans l’agroalimentaire, le matériel de transport et les biens d’équipement).
Par ailleurs, les statistiques de l’activité dans la construction restent dynamiques. Elles semblent davantage liées à un carnet de commandes qui s’est en grande partie rempli par le passé et aux retards pris dans les chantiers (contraintes de coûts et rareté de la main d’œuvre), alors que les nouvelles commandes sont en baisse.
Où va-t-on ?
Les indicateurs avancés se sont tous détériorés, qu’il s’agisse du climat des affaires calculé par l’Insee (-10 points pour l’indice dans le secteur manufacturier entre février et août) ou les ménages (-17 points sur l’indice synthétique entre décembre 2021 et août 2022, le solde d’opinion à -37 sur l’opportunité de faire des achats importants en août, le plus bas depuis la crise de 2008) ou encore des indices PMI (qui fleurtent désormais avec le seuil des 50, synonyme de contraction). Il apparaît donc que le momentum de croissance s’étiole. Après un 1er semestre déjà peu dynamique, et considérant que les effets exceptionnels liés au tourisme et aux loisirs ne boosteraient pas la croissance au-delà du 3e trimestre, le risque d’une récession est important.
Par ailleurs, le secteur manufacturier présente des caractéristiques qui, combinées, sont typiques d’une situation précédant une récession : une nette baisse de la demande (les carnets de commande ont diminué de 7,3 à 5,9 mois entre février et août 2022 selon nos estimations), et des stocks désormais au-dessus de la normale.
Cela étant, la hausse du prix de l’énergie survient dans un contexte de sécheresse. Celle-ci a renforcé la baisse de la production électrique (en accélération depuis qu’elle a débuté en mars, -23% a/a en juillet) et a pesé sur la production agricole, engendrant une hausse en août de 1,7% m/m (la plus forte depuis janvier 2002) de la composante alimentaire de l’indice des prix de l’Insee. Au global, d’après nos prévisions, l’inflation se stabiliserait autour du niveau d’août (5,9% a/a) d’ici à la fin de l’année, la baisse du pétrole (renforcée par la ristourne sur le carburant) équilibrant les tensions inflationnistes perceptibles par ailleurs.
Dans un mouvement similaire au reste de la zone euro, les prix à la production des entreprises devraient, quant à eux, voir leur hausse s’accélérer, ce qui reflèterait la hausse des prix de gros de l’électricité (+7,9% m/m en Allemagne en août). Cela augure de contraintes sur les entreprises, en lien avec un risque de pénurie pour cet automne/hiver, et accroît la probabilité d’une récession.