Eco Perspectives

Le choc inflationniste est rude

22/09/2022
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L’hiver s’annonce difficile. Bien que l’Espagne soit structurellement moins vulnérable aux ruptures énergétiques, le choc inflationniste est violent et il ne fléchit pas, avec une inflation à plus de 10% en août. La composante « hors énergie » progresse sans relâche. Malgré l’action du gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat des ménages espagnols sera parmi les plus importantes de la zone euro. Si le tourisme a certainement permis à l’activité de résister au troisième trimestre, nous nous attendons à une contraction au quatrième trimestre 2022, qui se prolongerait au cours de l’hiver. Les créations d’emplois ont été une nouvelle fois solides cet été, mais les enquêtes d’opinion anticipent, elles aussi, un fléchissement.

L’inflation espagnole ne montre aucun signe de répit. La hausse des prix à la consommation s’est maintenue au-dessus de 10% en août, à 10,5% a/a. Elle a néanmoins légèrement fléchi par rapport à juillet (10,8% a/a), en raison de la diminution des prix dans le transport privé (-3,5% sur un mois), elle-même alimentée par la baisse des prix à la pompe. À l’inverse, l’inflation sous-jacente (hors énergie et aliments périssables) continue de grimper, à 6,4% a/a en août. Le gouvernement peine à contenir la poussée généralisée de l’inflation. Si la plupart des mesures visaient jusqu’à présent à alléger la facture énergétique, un éventail d’actions plus large va progressivement être mis en œuvre. Le gouvernement compte par exemple parvenir à un accord avec les grandes entreprises de la distribution sur un plafonnement des prix des produits de première nécessité[1].

Espagne : croissance et inflation

L’activité économique en Espagne a jusqu’ici gardé le cap. Le PIB réel a augmenté de 1,3% au cours du premier semestre, un niveau légèrement au-dessus de la moyenne de la zone euro (1,1%).

Ces bons chiffres doivent néanmoins être tempérés par l’effet de rattrapage dont bénéficie l’économie espagnole. Son redressement post-confinement est moins important que celui de ses voisins européens.

À la fin du premier semestre, le PIB espagnol se situait encore 2,5% en deçà de son niveau pré-pandémie du T4 2019, alors que les PIB italien et français avaient déjà plus que comblé ce déficit et que le PIB allemand avait tout juste retrouvé son niveau pré-Covid.

Même si elle a fortement rebondi au T2 (+3,2 t/t), la consommation privée devrait à terme pâtir de la baisse du pouvoir d’achat des ménages, particulièrement importante en raison de l’inflation élevée. Selon nos estimations (mai 2022[2]), la baisse du pouvoir d’achat dépasserait 4% en 2022 en moyenne annuelle, l’une des pertes les plus importantes en zone euro. Malgré un renforcement des mesures de soutien cet été (baisse de la TVA sur le gaz de 21% à 5% effective du 1er octobre au 31 décembre 2022, subventions au transport ferroviaire) et le prolongement de celles déjà existantes (ristourne de 20 centimes sur le litre d’essence jusqu’à la fin 2022), nous prévoyons désormais une contraction de l’activité de 0,4% t/t au dernier trimestre 2022.

L’emploi a pourtant continué de surprendre favorablement, accentuant le décalage avec l’évolution du PIB. Selon l’agence pour l’emploi espagnol (SEPE), le nombre de travailleurs inscrits à la sécurité sociale augmente une nouvelle fois en août (+62 136), avec des gains généralisés à l’ensemble des trois grands secteurs : services, industrie et construction. Au cours des huit premiers mois de l’année par rapport à la même période un an auparavant, l’emploi a progressé de 1,7% (+334 000). Cela a permis de faire reculer le taux de chômage à 12,6%, son plus bas niveau depuis septembre 2008. Cette dynamique risque toutefois de s’enrayer. Les enquêtes d’opinion fléchissent, aussi bien celle de la Commission européenne (l’indice des consommateurs pour les perspectives de chômage à 12 mois sont au plus haut depuis 18 mois), que les enquêtes PMI (l’indice emploi composite est au plus bas depuis le premier trimestre 2021, à 50,4).

L’Espagne est structurellement mieux placée pour palier une rupture totale d’approvisionnement en gaz russe. Les importations en provenance de Russie constituent, comparativement aux autres pays européens, une petite partie des importations totales de gaz du pays (à hauteur de 13% en 2021). Les tensions diplomatiques avec l’Algérie ont certes entraîné une baisse des livraisons de gaz provenant de ce pays, mais l’Espagne semble capable de les substituer ces baisses par des livraisons d’autres fournisseurs, notamment par du gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis[3].

L’Espagne possède par ailleurs les infrastructures GNL les plus développées d’Europe (un tiers des infrastructures européennes[4]), bien qu’une grande partie ne soit actuellement pas utilisée. À cet effet, le gouvernement a annoncé son intention de rouvrir le site de regazéification d’El Musel (nord-ouest du pays) à partir de janvier prochain, dix ans après sa fermeture.

Achevé de rédiger le 16 septembre 2022


[1] Voir « Díaz y Garzón contactan con la distribución para intentar poner tope al precio de 20 o 30 productos básicos », El País, 5 septembre 2022.

[2] Voir BNP Paribas Ecoflash Inflation des prix de l’énergie en zone euro : réactions des gouvernements et implications sur le pouvoir d’achat des ménages, 20 mai 2022.

[3] Voir “Spain Not at Risk If Russia Cuts Gas Flow, Network Operator Says”, Bloomberg, 12 juillet 2022

[4] Voir Natural Gas in Europe, The Potential Impact of Disruptions to Supply, IMF Working Paper, juillet 2022, tableau page 9.

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