Le Royaume-Uni a subi une légère contraction de son PIB au T2 2022 (-0,1% t/t), qui s’explique principalement par le repli de la consommation des ménages (-0,2% t/t) et la baisse des dépenses publiques (-2,9% t/t).
Selon nos prévisions, l’économie britannique devrait rebondir très légèrement au T3 grâce au plan de soutien du gouvernement de B. Johnson, avant de connaître une contraction marquée du PIB au T4 2022, dans un contexte d’inflation persistante et de remontée des taux d’intérêt. Cette contraction du PIB pourrait être en partie atténuée par les nouvelles mesures de soutien annoncées par Liz Truss. Pour le moment, les enquêtes sur le climat des affaires signalent une contraction de l’activité industrielle et un ralentissement de l’activité du côté des services.
Poursuite de la normalisation monétaire
Bien que l’inflation ait légèrement ralenti en août (9,9% a/a), reflétant principalement une baisse des prix du carburant (86,2% a/a contre 114,1% en juillet), elle continue de se diffuser, comme en témoigne l’augmentation de l’inflation sous-jacente (6,3% a/a). L’inflation devrait continuer de croître pour atteindre un pic (probablement autour de 13,8% au T1 2023[1]), avant de ralentir, tout en restant bien au-dessus de la cible de 2% d’inflation.
Par ailleurs, les tensions sur le marché du travail, qui opère toujours à son plein-emploi (3,6% de taux de chômage entre mai et juillet) soutiennent la progression des salaires (+5,5% a/a en termes nominaux entre mai et juin, soit -2,6% en termes réels), ce qui atténue quelque peu le choc d’inflation pour les ménages. S’il n’existe pas de boucle prix-salaires pour le moment, les augmentations de salaires dans certains secteurs (transports, services postaux, etc.) devraient toutefois ralentir le rythme de désinflation en 2023.
Face à une inflation persistante et un marché du travail robuste, la BoE a accéléré la remontée de ses taux directeurs, avec une nouvelle hausse de son taux directeur de 50 points de base lors de sa réunion du 22 septembre, le portant à 2,25%. La BoE a, par ailleurs, annoncé le début de la vente des titres de dette du Trésor britannique (gilts) détenus dans le cadre de son programme Asset Purchase Facility (APF). Cette réduction de portefeuille de GBP 80 milliards sur 12 mois devrait renforcer la normalisation monétaire et accroître la pression sur les finances publiques, déjà affectées par les récentes annonces budgétaires.
« Low tax, big State »
Pour faire face à la crise énergétique et à la hausse du coût de la vie, Liz Truss n’a eu d’autre choix que de mettre en place un plan de soutien massif à l’économie. D’une durée de deux ans à compter du 1er octobre, ce programme s’articule autour de trois mesures.
Le plan prévoit d’abord de plafonner la facture moyenne de gaz et d’électricité pour les ménages à GBP 2 500 par an, bien en-dessous des GBP 3 548 estimées par l’Ofgem (autorité de régulation de l’énergie britannique). Pour ce faire, le gouvernement prépare une « garantie du prix de l’énergie » au niveau des fournisseurs ainsi que la suppression temporaire de la taxe environnementale sur l’énergie (green levy). Ce programme vient s’ajouter au plan de soutien des ménages (GBP 37 milliards) annoncé en juin qui prévoyait notamment une aide ciblée (GBP 400 milliards) pour les ménages les plus vulnérables.
Du côté des entreprises, le gouvernement propose de mettre en place un mécanisme de « garantie du prix de l’énergie » similaire, pour une durée de six mois, avant d’évoluer vers un dispositif plus ciblé, dont les mesures n’ont pas encore été précisées.
La troisième mesure phare du plan de soutien vise à garantir la stabilité sur le marché de l’électricité en assurant une liquidité suffisante. Le HM Treasury et la BoE vont mettre en place un fonds de liquidité (Energy Markets Financing Scheme) d’un montant de GBP 40 milliards pour faciliter les appels de marge massifs auxquels font face les acteurs de marché.
Si les mesures de ce plan sont nécessaires pour atténuer le choc inflationniste, son ampleur pèsera lourdement sur les finances publiques. Selon les estimations du gouvernement, ce plan coûterait entre GBP 100 et 200 milliards (soit entre 4,5 et 9% du PIB), bien au-dessus des GBP 80 milliards du plan de soutien aux ménages lors de la crise du Covid-19. Le Debt Management Office (DMO) devrait publier prochainement une estimation plus fine des conséquences budgétaires de ce plan sur les finances publiques. Jusqu’à présent, aucune mesure compensatoire n’a encore été annoncée, le plan serait donc financé par un recours accru à l’emprunt public.
Les politiques fiscale et budgétaire annoncées mettent sous pression les finances publiques britanniques. D’un côté, Liz Truss annonce un plan de soutien sans mesure compensatoire. De l’autre, sa promesse de campagne de faire de la baisse d’impôt pour les ménages et les entreprises (d’environ GBP 30 mds) sa priorité, pourrait creuser davantage le déficit public. Conséquence directe de cette détérioration des perspectives budgétaires, les gilts (titres du Trésor britannique) ont vu leur rendement fortement augmenter sur l’ensemble de la courbe des maturités. Pour la première fois depuis 2011, le rendement des obligations souveraines à 10 ans (10Y gilts) a dépassé 3,2%. L’autre évolution remarquable se situe du côté du marché des changes : malgré ces taux d’intérêt plus élevés, la livre sterling a, en effet, continué sa chute, notamment vis-à-vis du dollar. Le 19 septembre, la livre sterling (GBP) est tombée à 1,1410 dollars (USD), son plus bas niveau depuis 1985.