Le thème de l’inflation domine le débat public depuis des mois mais cela ne devrait pas durer. Les enquêtes montrent un relâchement des pressions sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et les prix des intrants. Les prix de plusieurs matières premières ont récemment baissé et, bien que la croissance des salaires reste vigoureuse aux États-Unis et devrait s'accélérer davantage dans la zone euro, les resserrements monétaires agressifs devrait être un élément clé de la désinflation progressive.
Parallèlement, les craintes de récession se sont accrues et finiront par devenir le thème dominant des discussions économiques. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a reconnu que la maîtrise de l’inflation serait douloureuse. Selon une récente enquête du Conference Board, 81 % des dirigeants américains s’attendent à une récession au cours des 12 à 18 prochains mois. À leur avis, elle devrait être brève, peu profonde et aurait des retombées limitées à l’échelle mondiale. Parmi eux, 12 % sont plus pessimistes et s’attendent à une récession profonde avec des répercussions mondiales importantes, tandis que seulement 7 % ne prévoient pas de récession.
Les prévisions de croissance ont été revues à la baisse, même si l'enquête des prévisionnistes professionnels de la Réserve fédérale de Philadelphie prévoit toujours une croissance trimestrielle positive aux États-Unis sur l'ensemble de l'horizon prévisionnel, qui s'étend jusqu'au troisième trimestre 2023. Cependant, l’évaluation de la probabilité d'une récession a considérablement augmenté à court terme et se situe à un niveau record à moyen terme (les quatre ou cinq trimestres à venir, ce qui correspond aux deuxième et troisième trimestres 2023) (graphique 1).
Au sein de la zone euro, le consensus de Bloomberg s’attend à une croissance négative au dernier trimestre 2022 et au premier trimestre de 2023 (graphique 2). De plus, l’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, en référence aux hausses de taux, a récemment déclaré « nous n’allons pas prétendre que cela ne sera pas douloureux », ajoutant qu’une récession technique ne peut être exclue.[1]
Les raisons qui sous-tendent l'inflexion à la baisse des perspectives de croissance sont bien connues. L’inflation érode le pouvoir d’achat des ménages et les marges bénéficiaires des entreprises.
En Europe, de plus en plus d’entreprises suspendent temporairement leur production en réaction aux prix élevés du gaz et de l’électricité. Les hausses de taux des banques centrales, ainsi que l’anticipation de nouvelles hausses de taux, ont augmenté le coût de l’emprunt, ce qui pèse sur la demande, en particulier dans le secteur immobilier américain.
Bien que les carnets de commandes du secteur manufacturier restent bien remplis, la tendance est à la baisse, et encore plus pour les nouvelles commandes à l'exportation. La faible croissance économique en Chine joue un rôle décisif à cet égard. Enfin, la guerre en Ukraine a été un facteur important, en grande partie en raison de son impact sur les prix des matières premières.
Le récit d’une récession sème le doute et inquiète les observateurs. Ceux-ci vont non seulement réviser à la baisse leur scénario de base concernant les revenus, les ventes et les bénéfices, mais leur niveau de conviction sur les prévisions baissera également. Les entreprises se montreront de plus en plus attentistes jusqu’à ce qu’une image plus claire de la situation émerge. Les plans d'investissement seront suspendus. Les intentions d'embauche seront réduites - c'est déjà visible dans les données de l'enquête de l'UE -, ce qui devrait se traduire au final par une augmentation des craintes de chômage des ménages. Cela devrait à son tour peser sur les dépenses des consommateurs.
À un moment donné, cette interaction négative renforcée entre les données objectives (activité, demande, etc.) et les données subjectives (confiance) devrait cesser. Une condition essentielle à cela est la conviction croissante que les banques centrales auront fait le nécessaire et pourront se permettre d'arrêter de resserrer leurs taux d'intérêt. Cela implique que les hausses de taux, malgré leur agressivité, apportent une lueur d’espoir : le pic cyclique du taux directeur arrivera plus tôt que dans le cadre d'une approche graduelle. L’ampleur de l’effet sur la confiance dépendra de la manière dont l’économie et le marché du travail auront réagi aux hausses de taux.