L’économie nippone pâtit de multiples obstacles, en plus de la crise énergétique. Des restrictions d’accès au pays sont maintenues dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, même si elles seront, pour la plupart, levées le 11 octobre prochain. Le secteur industriel, qui représente près de 20% de l’activité nationale, est toujours fragilisé par des problèmes d’approvisionnement ainsi que par la situation économique en Chine, où la politique zéro-Covid et les difficultés du secteur immobilier engendrent un ralentissement de la demande. La Chine reste le premier pays de destination des biens japonais[1]. Le confinement instauré à Shanghai en mai dernier avait, par exemple, conduit à un plongeon de la production industrielle du Japon (-7,5% m/m en mai). Celle-ci avait par la suite rebondi, une fois le confinement levé.
La Banque du Japon (BoJ) souhaite l’enclenchement d’une boucle prix-salaires comme condition préalable à un réajustement de sa politique monétaire. Or, celle-ci ne se matérialise pas. Les salaires sont même en baisse de 2,1% a/a en juillet en termes nominaux et de 4,7% a/a en termes réels.[2] Le faible dynamisme des salaires reflète en partie des rigidités structurelles très ancrées dans le pays. Mais la remontée de l’inflation et des problèmes de recrutements toujours très importants, visibles notamment dans les enquêtes du Tankan, constituent une conjonction inédite propice à tirer les salaires vers le haut. Le taux de chômage avait atteint un record à 2,2% juste avant la pandémie mondiale. Il pourrait s’en rapprocher à nouveau, certains indicateurs de tensions sur le marché du travail étant revenus cet été tout proches des records d’avant-crise.[3]
De plus, les entreprises nippones possèdent des marges de manœuvre conséquentes pour rehausser les salaires si nécessaire. Selon les chiffres du ministère des Finances, elles ont enregistré des bénéfices avant impôts records au deuxième trimestre 2022 (en niveau [Y24,6 tr] et en part de PIB [18%]). La hausse des coûts de production, exacerbée par la baisse du yen, semble donc, pour l’heure, avoir été bien absorbée par les entreprises, qui ont répercuté une grande partie de cette augmentation sur les consommateurs. Néanmoins, le renchérissement des importations a laissé ses marques sur la balance commerciale du pays : celle-ci, qui enregistrait encore un excédent confortable de Y262 mds (USD 1,82 mds) en juillet 2021, accusait un déficit record de Y1808,7 mds (USD 12,6 mds) douze mois plus tard.
La crise énergétique mondiale et l’exacerbation des tensions géopolitiques en mer de Chine ont engendré, au cours des dernières semaines, des revirements politiques majeurs au Japon. Le gouvernement de Fumio Kishida a, tout d’abord, annoncé le redémarrage, d’ici à l’été 2023, de 17 réacteurs nucléaires à l’arrêt depuis la catastrophe de Fukushima en 2011. De nouvelles constructions d’usines nucléaires pourraient également voir le jour. Au cours de la dernière décennie, la part du nucléaire dans le mix énergétique du pays s’est considérablement réduite, passant de 13% (2009) à 3% (2019), une baisse compensée surtout par les énergies fossiles et le solaire.
Second bouleversement majeur, les investissements militaires devraient être revus à la hausse drastiquement au cours des cinq prochaines années, avec un doublement possible des dépenses publiques vers ce secteur d’ici à 2027. Des chiffres plus précis seront dévoilés en fin d’année, avec la validation du budget pour 2023 et la présentation de la nouvelle stratégie de sécurité nationale. Les dépenses militaires n’avaient oscillé qu’entre 0,8% et 1,0% au cours des soixante dernières années. Ces dépenses viendront néanmoins alimenter le déficit et la dette publics, prévus, dans le budget 2022, à respectivement 6,5% et 249,6% du PIB. Dans ce contexte politico-économique difficile, freiner les dépenses publiques ne sera pas, une nouvelle fois, une priorité pour l’administration en place.