Alors que Gazprom a annoncé le 2 septembre l’interruption jusqu’à nouvel ordre des livraisons de gaz via NordStream1, arguant des fuites d’huile, l’amplification des livraisons promises par l’entreprise russe via d’autres gazoducs (comme ceux traversant l’Ukraine) ne compensera que marginalement l’arrêt de NordStream1. Même si les stocks de gaz devraient être pleins d’ici début novembre, la probabilité de coupures d’électricité cet hiver se renforce. Dans le même temps, les prix à la consommation continuent d’accélérer outre-Rhin. L’inflation, telle que mesurée par Destatis, est ressortie à +7,9% sur un an en août. Le choc énergétique s’est très rapidement propagé aux biens dont les prix sont en hausse de 14,7% a/a, tandis que la dynamique dans les services reste modérée (+2,2% a/a).
Malgré la vive dynamique des prix, les revenus (incluant le salaire et les primes) ont ralenti en terme nominal au 2e trimestre (+2,9% a/a après +4% a/a au 1er trimestre). En cause : une diminution de la part variable, qui conduit à une très forte baisse des salaires réels (-4,4% a/a après -1,8% a/a). Face à une telle perte de pouvoir d’achat, le gouvernement d’Olaf Scholz a annoncé un nouveau paquet de mesures pour un montant de EUR 65 mds (soit 1,8% du PIB). Avec des dépenses totales dépassant 3,5% de son PIB, l’Allemagne est désormais l’un des pays les plus interventionnistes d’Europe face au choc inflationniste et à la crise énergétique. Cette nouvelle batterie de mesures prévoit notamment un chèque énergie de EUR 300 pour les retraités et de EUR 200 pour les étudiants. Le gouvernement va aussi réduire la TVA sur le gaz et réduire les prix de la consommation électrique de base. Enfin, la subvention aux transports ferroviaires sera prolongée et étendue (le tarif mensuel devrait être relevé à EUR 49 au lieu de EUR 9). Des premières estimations montrent que le bouclier tarifaire réduirait d’environ 0,5 point l’inflation totale en glissement annuel.
Par ailleurs, les signes de ralentissement sont de plus en plus perceptibles dans l’appareil productif. La production industrielle a perdu du terrain au mois de juillet (-0,3% m/m) et cède 1,1% sur un an après s’être stabilisée en juin. Le repli est encore plus marqué dans l’industrie manufacturière (-1% m/m, -1,4 sur un an) qui reste 5% sous son niveau d’avant crise. Ce sont les industries énergivores qui ont vu leur production le plus fortement diminuer (papier, chimie, automobile). Les nouvelles commandes adressées à l’industrie ont également reculé (-1,1% m/m). Si celles provenant des pays hors zone euro ont fortement rebondi (+6,4% m/m), les commandes domestiques se sont nettement repliées (-4,5% m/m), signe que la demande intérieure allemande souffre. Les signaux envoyés par les PMI pour le mois d’août indiquent que l’activité continuerait de se dégrader (-1,2 point m/m pour le composite à 46,9). La baisse serait visible dans les services où le PMI perd 2 points sur un mois (à 47,7) et dans l’industrie où le taux d’utilisation des capacités de production se détériore encore (-1,8 point m/m à 54,3). Les analystes interrogés début septembre par le ZEW ont revu à la baisse leur jugement sur la situation actuelle (-1,5 point m/m à 55,3) mais aussi leurs attentes sur les six prochains mois (-1,8 point m/m à 55,3). Enfin, après une amélioration significative de l’excédent commercial en juin, ce dernier s’est réduit en juillet (passant de EUR 6,2 mds à EUR 5,4 mds) sous l’effet d’une baisse plus marquée des exportations (-2,1% m/m) que celle des importations (-1,5% m/m). L’institut de Kiel estime que les exportations ont continué de s’affaisser en août (-0,7% m/m) réduisant encore l’excèdent commercial à seulement EUR 3,6 mds.
Anthony Morlet-Lavidalie