Eco Insight

Le marché des Treasuries, un colosse aux pieds d’argile : une valeur refuge mise au défi

12/09/2025
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La typologie des créanciers de l’État fédéral américain a beaucoup évolué au cours des vingt dernières années. L’attrait des investisseurs dits « de long terme » pour les Treasuries (i.e. banques centrales étrangères, fonds de pension et assureurs résidents) s’est essoufflé. Des investisseurs davantage « court-termistes » (i.e. fonds à effet de levier), qui privilégient des stratégies procycliques, sont aujourd’hui très actifs sur ce marché. Cette évolution a contribué à écorner le statut de valeur refuge des Treasuries, désormais plus sensibles aux épisodes de stress.

Certes, l’intérêt des fonds monétaires, de la Réserve fédérale et des émetteurs de stablecoins pour les titres courts
(T-bills) pourrait soutenir le programme d’émissions du Trésor américain au cours des prochains trimestres. Néanmoins, la confiance des investisseurs pourrait être compromise par le climat d’incertitudes actuel. En cause : les rumeurs de taxation des non-résidents, en contrepartie du « privilège » de détenir des dollars comme avoirs de réserve, les menaces qui pèsent sur l’indépendance de la Fed ou ses prêts en dollar aux banques centrales étrangères.

Des investisseurs aux stratégies plus « court-termistes »

Recul du poids des investisseurs officiels non-résidents

Les investisseurs non-résidents figurent parmi les principaux créanciers de l’État fédéral américain. La valeur de leurs avoirs a atteint près de USD 9 000 mds au T1 2025, soit 34% de la dette fédérale américaine négociable. Certes, cette proportion s’est tassée par rapport à la mi-2008 mais elle est stable depuis mi-2020 (graphique 1). À titre de comparaison, la Réserve fédérale (Fed) détenait à la fin du T1 2025 14% de l’encours négociable, les autres secteurs financiers résidents 36% (les fonds monétaires 11%, les fonds de placement collectifs 8%, les banques 7%, les fonds de pension et assureurs 6%). Au même trimestre, les achats nets de Treasuries des non-résidents ont nettement rebondi, en volume (USD 305 mds, un record historique depuis 2008) et en proportion des émissions nettes de titres du Trésor (graphique 2). Ils ont largement compensé les cessions nettes de titres réalisées par les fonds monétaires, les ménages[1] et la Fed.

RÉPARTITION DES TREASURIES PAR SECTEUR DÉTENTEUR
ACHATS NETS DE TITRES DU TRÉSOR
DÉTENTION DE TREASURIES PAR LES NON-RÉSIDENTS
RECUL DE LA PART DES TREASURIES DÉTENUS PAR DES INVESTISSEURS OFFICIELS NON-RÉSIDENTS

L’exposition des investisseurs officiels non-résidents recule. Sur longue période, le recul de la part des non-résidents parmi les investisseurs en Treasuries est exclusivement le fait du secteur officiel (banques centrales, États, fonds souverains, organisations internationales, banques de développement et organismes financiers publics). La valeur de leurs portefeuilles est globalement stable depuis mars 2013 (USD 3 925 mds au T1 2025, dont 75% placés en conservation auprès de la Fed, graphique 3) mais elle a nettement reculé en proportion du stock de Treasuries négociables (14,6% au T1 2025, graphique 4). Soucieux de diversifier leurs réserves de change, les banques centrales et les États étrangers se sont progressivement détournés des Treasuries. Ainsi, alors que le secteur officiel constituait la première contrepartie étrangère du Trésor américain en 2008 (74%), il n’abritait, fin mars 2025, plus que 43,4% de la dette fédérale détenue à l’étranger (respectivement 26% et 56,6% pour le secteur privé non-résident).

Un détenteur de Treasuries peut en cacher un autre. Jusqu’à présent, ce recul de l’attrait pour les bons du Trésor américain ne traduit pas une dégradation profonde de la confiance des investisseurs officiels étrangers dans les Treasuries.

Premièrement, la ventilation de la détention des Treasuries par pays ou secteur détenteur, telle qu’elle est publiée par le Trésor américain, est en partie biaisée. Certains investisseurs étrangers confient, en effet, la gestion de leurs portefeuilles de titres à des conservateurs qui ne sont implantés ni aux États-Unis ni dans leur pays de résidence[2]. Cela tend à déformer la répartition par pays en gonflant les portefeuilles des principales places de conservation de titres (Belgique, Caraïbes, Irlande, Luxembourg, Suisse et Royaume-Uni), ainsi que la répartition par secteur détenteur en augmentant les avoirs des investisseurs privés non-résidents (Tabova et Warnock, 2021). L’exemple le plus connu est celui de la Chine (Setser, 2023).

Deuxièmement, seul un nombre restreint de pays (tous secteurs confondus) a sensiblement réduit son exposition aux Treasuries au cours des dix dernières années (Chine, Japon, Russie, Turquie, Brésil). Les statistiques relatives au mois d’avril 2025 ont par ailleurs infirmé les rumeurs d’une liquidation massive des portefeuilles d’investisseurs officiels à la suite de l’annonce des hausses des droits de douane[3] (graphique 5).

ACHATS NETS DE TREASURIES PAR LES NON-RÉSIDENTS

Troisièmement, le recul du poids des investisseurs officiels a découlé, pour partie, de la faible progression des réserves de change officielles depuis 2014[4] mais aussi des stratégies de diversification des banques centrales étrangères. Certaines d’entre elles disposaient de réserves « excédentaires »[5] et désiraient les investir dans des actifs moins liquides mais plus rentables (Arslanalp, Eichengreen, Simpson-Bell, 2022).

Enfin, les banques centrales étrangères financent aussi le Trésor américain de manière indirecte, en prenant en pension les titres portés au bilan de la Fed. Le 13 août dernier, les encours de « dépôts » des banques centrales auprès de la Fed dans le cadre de la FIMA Reverse Repo facility s’élevaient à un niveau proche de leur plus haut historique, à USD 345 mds.

Poids accru des investisseurs privés non-résidents

La détention de Treasuries par le secteur privé non-résident (sociétés d’assurance, fonds de pension ou hedge funds) a, en revanche, progressé en valeur au cours des dernières années (portée par les achats nets et les effets de valorisation, à USD 5 124 mds au T1 2025) et en proportion de l’encours total de Treasuries (19,1%, graphiques 3 et 4).

Cette ventilation peut être affinée à l’aide des données de la SEC (Securities and Exchange Commission) sur l’exposition globale aux Treasuries (détention ferme, emprunt et positions sur dérivés) des plus grands hedge funds actifs aux États-Unis et des données de la CFTC (Commodity Futures Trading Commission) sur les positions des fonds à effet de levier sur les marchés dérivés des Treasuries (marché à terme et options)[6]. À l’appui de ces données, il apparaît que 43% de l’exposition des investisseurs privés non-résidents aux Treasuries était concentrée chez les fonds à effet de levier non-résidents au T1 2025 (contre 18% à la fin 2014). Au total, les hedge funds (résidents et non-résidents) détenaient 9%[7] de la dette fédérale négociable (graphique 6) contre 4% à la fin 2014.

LES CRÉANCIERS DE L’ÉTAT FÉDÉRAL AMÉRICAIN

Puisque l’horizon de placement de ces investisseurs est plus court et puisqu’ils ne plébiscitent pas les Treasuries pour leur statut de valeur refuge mais pour faire des paris et jouer l’effet de levier, il n’est pas surprenant que leur poids croissant, parmi les créanciers du Trésor, s’accompagne d’une plus grande volatilité des rendements des Treasuries. Lors de la crise Covid en mars 2020 et du choc tarifaire d’avril dernier, leurs arbitrages ont incontestablement dégradé la qualité de valeur refuge des obligations américaines. Pendant ces deux épisodes de tension, ils ont dénoué rapidement leurs positions en réaction aux appels de marge et à la dégradation des conditions d’emprunt sur les marchés de mises en pension en mars 2020 (Duffie, 2020, Vissing-Jorgensen, 2021), puis en réaction à l’évolution des swap spreads[8] en avril 2025 (Perli, 2025). Ces dénouements simultanés ont exacerbé la hausse des rendements due à la révision des anticipations d’inflation et de croissance de l’ensemble des investisseurs.

Des facteurs de soutien à la demande de T-bills

Un cadre monétaire plus favorable

Depuis la réforme de 2016, les fonds monétaires (MMF) manifestent un fort appétit pour les T-bills[9]. Entre la mi-2023 et la fin 2024, la remontée des taux d’intérêt a soutenu la collecte des fonds monétaires. Ces derniers sont largement sortis du dispositif ON RRP[10] et ont réalloué leurs avoirs vers les titres du Trésor et les marchés de mises en pension de titres publics (graphique 7). Au premier semestre 2025, la réintroduction du plafond de la dette fédérale a raréfié les émissions de T-bills. La hausse du plafond (votée cet été) et le contexte de taux d’intérêt plus élevés devraient, à présent, permettre aux MMF de réélargir leurs portefeuilles de T-bills.

RÉÉQUILIBRAGE DES PORTEFEUILLES DES FONDS MONÉTAIRES AMÉRICAINS

Le cadre opérationnel de la Réserve fédérale devrait également être favorable aux T-bills. La Fed a présenté début juin une trajectoire possible d’évolution de son bilan. Elle suppose un arrêt de son programme de réduction de bilan (QT2) en janvier 2026 puis, au terme d’une pause de six mois, une reprise des achats de Treasuries d’environ USD 30 mds chaque mois afin de préserver le stock de réserves à hauteur de 8,7% du PIB[11]. Plusieurs membres du Comité de politique monétaire ont par ailleurs indiqué leur souhait qu’à terme, le portefeuille titres de la Fed devienne « globalement neutre », c’est-à-dire que sa structure par échéances soit similaire à celle de l’encours de Treasuries. Compte tenu du poids des T-bills dans les portefeuilles de Treasuries de la Fed (4,7% au premier semestre 2025 contre 22% au total sur le marché), celle-ci devrait ainsi largement concentrer ses achats sur les T-bills.

Stimuler la demande des émetteurs de stablecoins

Promulgué le 18 juillet dernier, le Genius Act (Guilding and Establishing National Innovation for US Stablecoins) va renforcer l’intérêt des émetteurs de stablecoins pour les T-bills. Ce texte de loi impose aux émetteurs de stablecoins[12] en dollars d’adosser intégralement leurs émissions à des réserves constituées de pièces et de billets, de dépôts bancaires, de bons du Trésor d’une maturité résiduelle de 93 jours maximum, de mises ou prises en pension de T-bills, de parts de fonds monétaires investis en T-bills ou de dépôts auprès de la Fed. Le Treasury Borrowing Advisory Committee (TBAC)[13] estime que le Genius Act pourrait porter la capitalisation boursière des stablecoins à USD 2 000 mds d’ici 2028 (contre environ USD 250 mds actuellement) et accroître la demande en T-bills des émetteurs de stablecoins de USD 800 mds au moins en quatre ans (portant leurs avoirs à plus de USD 1 000 mds contre USD 120 mds en 2024).

Cette impulsion n’est toutefois pas exempte de risques. S’il facilite le placement de la dette fédérale et tend à abaisser les rendements des titres courts, l’essor des stablecoins pourrait accroître la vulnérabilité du marché des Treasuries en période de tension (Ahmed et Aldasoro, 2025 ; Shin, 2025). En cas de ruée sur les passifs des émetteurs (demandes de rachat), ces derniers pourraient, en effet, être contraints à des ventes massives de titres en urgence, provoquant une remontée des rendements obligataires et des pertes pour les épargnants. Par ailleurs, l’effet net sur la demande de Treasuries pourrait ne pas être aussi élevé qu’escompté (Choulet et Quignon, 2025). L’incidence dépendra de la structure des réserves des émetteurs de stablecoins, de l’origine des fonds mobilisés par les souscripteurs et de la manière dont la Banque centrale et les banques commerciales ajusteront leurs portefeuilles de titres. La souscription de stablecoins par les particuliers pourrait, en effet, se faire au détriment de leur détention de titres du Trésor[14] ou de leurs dépôts et espèces.

Les menaces à l’égard des non-résidents fragilisent l’attrait des Treasuries

Des rumeurs de taxation

Le statut d’actif refuge des Treasuries est le produit des accords de Bretton Woods qui ont, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, placé le dollar au cœur du système financier et monétaire international. Même lorsque les États-Unis ont suspendu unilatéralement la convertibilité du dollar en or en 1971 et, de fait, mis un terme aux accords de Bretton Woods, la place centrale du billet vert dans le monde a perduré, soutenue par les institutions mises en place par les décideurs américains : une Réserve fédérale indépendante, un système commercial mondial ouvert, une alliance géopolitique solide, un état de droit inébranlable (Eighengreen, 2025). La domination continue du dollar découle de chiffres bruts — la taille de l’économie américaine, la profondeur de ses marchés financiers, le poids du billet vert dans les échanges commerciaux et les transactions financières — mais aussi de relations et de réciprocité.

Mais les rumeurs de taxation des non-résidents, en contrepartie du “privilège” de détenir des dollars comme avoirs de réserve, n’ont pas cessé depuis le retour de D. Trump à la Maison Blanche. Elles dégradent l’attrait des Treasuries et vont à l’encontre du statut international du dollar, qui suppose un traitement équitable des investisseurs. Échafaudé à partir d’un diagnostic erroné selon lequel le statut de monnaie de réserve internationale du dollar obligerait les États-Unis à afficher un déficit structurel de sa balance courante, l’« accord de Mar-a-Lago », théorisé par S. Miran, président du Council of Economic Advisors (CEA) et proposé au poste de membre provisoire du Conseil des gouverneurs de la Fed par Trump[15], constitue une menace latente (Miran, 2024). Il suggère de contraindre les principaux détenteurs étrangers de titres du Trésor à réévaluer leur monnaie ou à convertir leurs avoirs en titres à 100 ans voire en titres perpétuels, en échange d'avantages tels que des garanties de sécurité ou un accès privilégié au marché américain. Si cet « accord » n’a pas vu le jour, la vision du dollar américain comme un bien public mondial, fourni par les États-Unis et dont il appartiendrait désormais à tous de supporter le « coût »[16], est désormais inscrite dans le corpus idéologique de la Maison-Blanche.

La version initiale de la Section 899 du One Big Beautiful Bill Act [17] a ravivé ces inquiétudes. Ses dispositions visaient à décourager les pays étrangers de nuire aux intérêts économiques américains en adoptant des taxes considérées comme discriminatoires. En pratique, les profits rapatriés et revenus du capital perçus par les entreprises et investisseurs des pays concernés devaient faire l’objet d’une taxation supplémentaire. Certes, la mesure ne s'appliquait pas aux intérêts de portefeuille[18], donc aux intérêts sur les titres du Trésor américain détenus par les investisseurs étrangers. Son manque de clarté et les menaces passées de taxation ont toutefois accru les craintes des investisseurs étrangers.

Remise en cause du rôle de la Fed

Les menaces de remise en cause de l’indépendance de la Banque centrale, fruit d’un accord conclu en 1951 par la Fed et le Trésor, compromettent, elles aussi, l’attrait des Treasuries. Les menaces les plus explicites de D. Trump quant à un possible remplacement de J. Powell[19] ont provoqué une appréciation de 11 pb des rendements à 10 ans entre les 17 et 22 avril, avant que la distance prise avec ses propres déclarations ne permette une détente les jours suivants. Depuis lors, l’affirmation du caractère unique du statut de la Fed par la Cour suprême[20] semble avoir réduit la sensibilité des marchés obligataires aux déclarations du président américain.

Le mandat de J. Powell arrivera néanmoins à expiration en mai 2026 et le choix de son successeur sera particulièrement scruté. D’une part, une banque centrale affichant une plus grande tolérance, même indirecte, à l’inflation risquerait de se traduire par une hausse des taux d’emprunt des États-Unis via une appréciation de la prime d’inflation. D’autre part, une banque centrale plus disposée à recourir à des achats massifs de titres publics, hors périodes de tension, pour pallier le manque de demande serait un important vecteur de déstabilisation.

Le rôle de banquier central global de la Fed a, lui aussi, été remis en question. De fait, les accords de swap conclus entre la Fed et de grandes banques centrales étrangères[21] reposent sur une base juridique peu protectrice. Pour les déployer, la Fed s’appuie sur une interprétation de l’article 14 du Federal Reserve Act, qui ne contient aucune référence directe aux swaps de liquidité (Perry, 2020). Le Congrès a tacitement approuvé ces opérations mais aucun cadre légal ne les prévoit formellement. Leur socle est d’autant plus fragile que le Comité de politique monétaire doit, chaque année, les renouveler, y compris dans le cas des accords dits « permanents ». Or, sans ces accords, la Fed n’aurait plus la capacité de jouer le rôle de prêteur en dernier ressort global, que lui confère son statut d’émetteur de la monnaie d’échange et de réserve internationale.

Les lignes de swap de la Fed constituent pourtant un outil efficace pour préserver la stabilité financière mais aussi le statut de valeur refuge des Treasuries (Choulet, 2020). En facilitant l’accès au billet vert des non-résidents, les lignes de swap, comme la FIMA repo[22], écartent en effet le risque de ventes en urgence de titres du Trésor (qui provoqueraient une hausse des rendements) ou d’emprunts massifs sur les marchés FX swaps et de mises en pension américains (qui alourdiraient les bilans des primary dealers et dégraderaient leur capacité à intermédier les marchés). Ce faisant, ces accords réduisent le risque qu’en temps de crise, les difficultés d’accès au dollar déstabilisent le marché des Treasuries et dégradent les conditions de financement de l’économie américaine. Hors périodes de tensions, la FIMA repo constitue de surcroît un instrument susceptible d’accroître la demande en Treasuries des investisseurs officiels. Singh (2023) a d’ailleurs estimé que 80% des avoirs officiels en titres du Trésor américain étaient détenus par des pays ayant passé un accord de swap avec la Fed ou ayant demandé un accès à la FIMA repo.

Achevé de rédiger le 20 août 2025

[1] Dans les Flow of Funds, le secteur des « ménages » (tableau L.101) inclut les particuliers et institutions à but non lucratif mais aussi les hedge funds et private equity funds résidents. Afin de se rapprocher de la définition européenne, nous avons déduit les titres détenus en direct par les hedge funds résidents (tableau B.101f.) et inclus ceux détenus par les entrepreneurs individuels (tableau L.104).

[2] Les détenteurs de titres confient généralement la gestion de leurs portefeuilles soit au dépositaire central désigné par l’émetteur (ici, la Fed) soit aux teneurs de compte conservateurs, américains (State Street, Bank of New York Mellon) ou non (Euroclear en Belgique, Clearstream au Luxembourg). Les « conservateurs » enregistrent les avoirs de leurs clients auprès du dépositaire central, directement ou indirectement via un autre « conservateur », formant ainsi une « chaîne de conservation » (Bidaud, 2025). L’identification de la résidence et de la nature, officielle ou privée, du détenteur ultime des titres, dans les statistiques du Trésor américain, est ainsi en partie erronée.

[3] Au mois d’avril, les avoirs des non-résidents en Treasuries ne se sont que très modestement tassés (-USD 36 mds dont -USD 57 mds au Canada). Les cessions nettes ont principalement concerné des maturités longues (-USD 40,8 mds sur -USD 52,8 mds au total) et des investisseurs privés (-USD 52,9 mds). Au total, au cours du T2, les achats nets de Treasuries par les non-résidents se sont élevés à près de USD 100 mds (dont USD 94 mds par des acteurs privés).

[4] Le poids des portefeuilles de Treasuries dans les réserves de change officielles globales (exprimées en dollar américain) n’a reculé que de 7 points de pourcentage, de son point haut à 37,4% à la fin 2015 à 30,6% à la fin 2024, alors que le poids des investisseurs officiels parmi les créanciers du Trésor diminuait de 17 points de pourcentage sur la même période.

[5] Les gestionnaires de réserves distinguent la « tranche de liquidité », qui correspond au minimum requis pour financer les besoins courants en devises, assurer le service et le remboursement de la dette et intervenir sur le marché des changes et qui est détenue sous forme d’actifs liquides à faible risque, et la « tranche d’investissement », qui peut être placée dans des instruments et des devises non traditionnels, dans une optique de rendement (Hentov, Petrov, Kyriakopoulou et Ortlieb, 2019).

[6] Le périmètre de la CFTC est un peu plus large que celui de la SEC, ce qui biaise en partie les résultats. Nos calculs donnent toutefois des résultats très proches de ceux obtenus par Banegas, Monin et Petrasek (2021).

[7] Puisque la très grande majorité des fonds à effet de levier sont domiciliés à l’étranger (principalement dans les îles Cayman, au Luxembourg, en Irlande ou dans les Iles Vierges), presque 90% des Treasuries détenus par les hedge funds y sont logés aussi.

[8] De nombreux fonds à effet de levier avaient pris des positions afin de tirer profit d'une baisse des rendements des titres du Trésor à long terme par rapport aux swaps de taux d'intérêt à échéance équivalente. Ils anticipaient un assouplissement de la réglementation bancaire susceptible de renforcer la demande des banques pour les titres du Trésor et pariaient sur une hausse des swap spreads. Or, dans la foulée de l'annonce des droits de douane, les swap spreads ont commencé à baisser, rendant ces positions moins rentables. Le swap spread mesure l’écart entre le taux fixe d’un contrat de swap et le rendement d’une obligation souveraine de même échéance. Un swap de taux est un contrat dérivé qui permet de se couvrir contre le risque de taux. Une des deux contreparties verse des flux financiers à taux fixe sur un montant notionnel, une durée et une fréquence convenus d’avance (versement de la « jambe fixe ») et perçoit en retour des flux financiers à taux variable.

[9] Au T1 2025, les MMF ne détenaient que 11% de l’encours de la dette fédérale négociable, mais un tiers de l’encours des T-bills. Fin mai, leurs avoirs étaient constitués à 36% de titres de dette du Trésor (dont 80% sous la forme de T-bills) contre 52% avant la réactivation du dispositif ON RRP en 2021.

[10] Dans le cadre de la facilité ON RRP, la Fed place des titres du Trésor qu’elle détient à son bilan en pension auprès de contreparties et s’engage à reprendre les titres au terme du contrat.

[11] La Fed se donne pour objectif de maintenir son offre de réserves à un niveau suffisamment « ample », pour écarter tout risque de stress qui lui imposerait d’injecter en urgence de la monnaie centrale (Choulet, 2025).

[12] Les stablecoins sont des actifs numériques circulant sur une blockchain dont les émetteurs cherchent à stabiliser la valeur par rapport à un actif de référence par des mécanismes d’adossement ou algorithmiques. L’actif de référence peut être par exemple un indice boursier, une matière première, ou une monnaie officielle contre laquelle le stablecoin peut être échangé à tout moment (la parité n’est toutefois pas assurée).

[13] TBACCharge2Q22025.pdf

[14] Les ménages détiennent de manière directe 10% de la dette fédérale (toutes maturités confondues) et 24% des T-bills via les fonds monétaires.

[15] En remplacement d’A. Kugler, qui a quitté son poste le 8 août avant le terme de son mandat (31 janvier 2026). La nomination de S. Miran est en attente de confirmation par le Sénat.

[16] CEA Chairman Steve Miran Hudson Institute Event Remarks, The White House, 7 April 2025 - Lien

[17] H.R.1 – One Big Beautiful Act, 119th Congress (2025 – 2026)

[18] Voir la note de bas de page 1533 du rapport du Comité budgétaire de la Chambre des représentants sur le projet de loi de réconciliation H. Rept. 119-106,Book 2 - ONE BIG BEAUTIFUL BILL ACT | Congress.gov | Library of Congress

[19] Trump says Powell termination can’t come fast enough, Reuters, 17 April 2025 – https://www.reuters.com/world/us/trump-threatens-try-fire-fed-chief-powell-2025-04-17/

[20] 24A966 Trump v. Wilcox (05/22/2025)

[21] Ces accords sont permanents et sans limite de montants avec l’Angleterre, le Canada, le Japon, la Suisse et la zone euro ; ils sont temporaires et limités en montants avec l’Australie, le Brésil, la Corée, le Danemark, le Mexique, la Norvège, Singapour, la Suède, la Nouvelle-Zélande.

[22] Afin de répondre à plus longue portée aux besoins de liquidités en dollar, la Fed a ouvert la possibilité aux banques centrales de mettre en pension auprès d’elle leurs portefeuilles de Treasuries.

RÉFÉRENCES

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Arslanalp S., Eichengreen B et Simpson-Bell C. (2022), The stealth erosion of dollar dominance: active diversifiers and the rise of nontraditional reserve currencies, IMF WP/22/58

Banegas A., Monin P. et Petrasek L. (2021), Sizing hedge funds' Treasury market activities and holdings, FEDS Notes

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LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE
Equipe : Économies avancées