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BCE, un objectif à atteindre

11/09/2019
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La BCE envoie un signal fort. Les autorités monétaires de la zone euro ont annoncé la mise en place d’un nouvel ensemble de mesures d’assouplissement monétaire, allant au-delà des anticipations.

Renforcement net de la forward guidance, baisse du taux de dépôt, assouplissement des conditions des prêts à long terme aux banques, réactivation des achats nets d’actifs : l’institution de Francfort a largement mobilisé ses outils.

Si l’efficacité de telles mesures reste incertaine, la grande proactivité de la BCE doit être saluée.

Les banquiers centraux, conscients de certains effets pervers de leur politique, passent désormais, et pour un long moment, le relais aux gouvernements.

Un package de mesures très volontaristes…

Au centre de nombreuses discussions et débats durant l’été, la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) a pris un nouveau virage expansionniste jeudi 12 septembre 2019. La BCE s’est montrée assez agressive. Depuis le déjà célèbre discours de Sintra mi-juin et la réunion de politique monétaire de juillet, la BCE par la voix de son Président met tout en œuvre pour respecter son engagement dans le cadre de son mandat.

Toujours loin de son objectif d’une inflation « inférieure à, mais proche de 2% à moyen terme » et malgré les réticences affichées de certains membres du Conseil des gouverneurs, plusieurs mesures fortes ont été annoncées par la BCE :

  • Un renforcement de la « forward guidance » qui exclut toute hausse de taux avant que l’inflation ne converge de manière robuste vers 2%. La communication fait par ailleurs explicitement référence à la composante sous-jacente de l’inflation.
  • Un assouplissement des conditions assorties aux prêts à long terme accordés aux banques de la zone euro (TLTRO), en termes de taux et de durée ;
  • Une réduction du taux de dépôt, appliqué notamment aux réserves excédentaires des banques, à -0,5% (après -0,4%), qui s’accompagne de la mise en place d’un système de « tiering ». Ce système permet d’exempter de taux négatifs une partie des réserves des banques afin de limiter les effets négatifs sur les marges d’intérêt ;
  • La réactivation des achats nets d’actifs dans le cadre du Quantitative easing (QE) à hauteur de EUR 20 mds par mois à partir de novembre 2019, pour une durée pour le moment indéterminée. Ces opérations permettraient d’augmenter de nouveau le bilan de la BCE, aujourd’hui à environ 40% du PIB de la zone, et ainsi de maintenir une pression baissière sur les taux longs en zone euro.

Sous l’angle strict du respect de son objectif de progression des prix, Mario Draghi a indiqué que la BCE devait agir maintenant. Des critiques s’élèvent toutefois pour pointer les effets potentiellement négatifs de taux durablement bas voire en territoire négatif sur, notamment, la rentabilité du secteur bancaire ou l’allocation du capital.

… et des projections revues à la baisse

Les mesures non conventionnelles de politique monétaire ont eu un effet macroéconomique positif. En l’absence de telles mesures, la croissance du PIB et l’inflation auraient été inférieures[1]. Les incertitudes actuelles qui pèsent sur la zone euro sont en grande partie d’origine externe. Dans ce contexte, l’efficacité des mesures annoncées pourrait être plus limitée que lors des phases précédentes d’assouplissement monétaire.

Les projections macroéconomiques des équipes de la BCE sont d’ailleurs globalement revues à la baisse (voir tableau ci-dessous). La croissance du PIB est revue de -0,2 point en 2020, à +1,2%, mais reste inchangée en 2021 (à +1,4%). L’inflation est, en 2020, nettement inférieure au scénario de juin (+1,0% après +1,4%) et augmente sensiblement en 2021, à +1,5%. La composante sous-jacente accélère et atteint 1,5% en 2021, en légère baisse par rapport à juin.

BCE_Projections Macroéconomiques septembre 2019)

Point-clé de la conférence de presse, M. Draghi a de nouveau clairement appelé les gouvernements qui disposent de marges de manœuvre budgétaires à les utiliser plus activement. Cette nouvelle phase d’assouplissement monétaire continue, à ce titre, d’assurer à la politique budgétaire un environnement de taux particulièrement confortable.


[1] Discours de Philip R. Lane, « Monetary policy and below-target inflation », Bank of Finland, juillet 2019

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE