Au cours des trente-cinq dernières années, le monde a connu de profonds changements. D'une situation d'équilibre au début des années 1990 — le dividende de la paix, la Grande Modération, la mondialisation —, nous sommes passés à un monde caractérisé par un certain nombre de perturbations géopolitiques, économiques (économie de l'offre) et environnementales. Une caractéristique singulière et fascinante de cette nouvelle ère réside dans la coexistence de l'abondance (production et diffusion des données, besoins d'investissement) et de la rareté (pénurie d'effectifs qualifiés dans un contexte de vieillissement de la population, difficulté à trouver des financements). Ces développements soulèvent d'importantes questions
Après un rebond à +1,5% en rythme trimestriel au T1 2024, la croissance économique chinoise a ralenti à +0,7% t/t. Elle s’est établie à +5% en glissement annuel sur la première moitié de l’année. L’objectif de croissance de « 5% environ » fixé par Pékin pour 2024 reste atteignable.
Croissance du PIB, inflation, taux d'intérêt et de change.
Alors que les données conjoncturelles récentes suggèrent partout une croissance bien orientée au 2e trimestre, les indicateurs avancés (climat des affaires, confiance des ménages) sont plus mitigés en juin, laissant prévoir un 3e trimestre plus difficile.
Les difficultés du secteur manufacturier en zone euro se renforcent. La production industrielle est repartie à la baisse en mai, à -0,6% m/m (-0,8% m/m pour l’indice manufacturier). Le repli des indicateurs PMI en juin pour la zone euro n’augure rien d’encourageant pour le T3, avec une rechute de l’indice manufacturier (-1,5 point à 45,8) et une baisse de l’ensemble des indicateurs sous-jacents (production, emploi, nouvelles commandes, achat de stocks, délais de livraison). L’indice pour le prix des intrants (qui ne rentre pas dans le calcul de l’indice manufacturier agrégé) repasse au-dessus de la zone d’expansion pour la première fois depuis février 2023
La croissance des exportations vers les États-Unis (premier client à l’exportation pour l’Allemagne) a continué de porter le commerce extérieur allemand ces dernières années alors que les échanges avec la zone euro et la Chine étaient en relative stagnation. Depuis 4 mois, toutefois, le PMI allemand des conditions à l’export est supérieur au seuil de 50 (bien que plus bas en juin à 50,8 qu’en mai à 51,9) suggérant une dynamique plus globale.
La conjoncture française subit de nouveau le poids des aléas conjoncturels, comme en témoigne le rebond de l’indicateur d’incertitude de la Banque de France qui atteint en juillet un plus haut depuis l’automne 2022 (crise énergétique). Ceci pourrait fragiliser un climat des affaires déjà un peu moins favorable en France (PMI composite à 48,8 en juin) qu’en zone euro (PMI supérieur à 50 depuis 4 mois).
L’inflation italienne se stabilise sous la barre des 1% en juin (à 0,9% a/a) en raison de la déflation, toujours importante, de la composante énergétique (-8,6% a/a), et du ralentissement des prix des biens alimentaires (2,1% a/a en mai ; -1,8 pp sur trois mois). Bien que l’évolution de l’indice des prix à la production soit toujours négative en variation annuelle (-3,5% en mai), elle commence à se renforcer sur une base mensuelle (+0,3% m/m), ce qui laisse présager que la phase désinflationniste des prix à la consommation pourrait s’inverser durant les prochains mois.
2024 s’annonce comme l’année des records touristiques. Entre janvier et mai, le nombre d’arrivées de touristes en Espagne a atteint 33,2 millions, surpassant largement le niveau enregistré au cours de la même période de l’année 2023 (de 13,6%). Les dépenses touristiques (+21%), qui ont significativement stimulé les exportations de services au T1 (+10,8% t/t), ont vraisemblablement continué de le faire au T2. Néanmoins, bien qu’il ait d’indéniables effets sur la croissance espagnole, le tourisme de masse devient une source de tension dans le pays en raison de son implication sur l’accessibilité aux logements et aux ressources
Les attentes en termes de croissance pour le T2 restent favorables : nous l’anticipons à +0,6% t/t contre +0,5% t/t pour le GDPnow de la Fed d’Atlanta. Toutefois, plusieurs éléments suggèrent un T3 plus difficile. Les enquêtes ISM du mois de juin renvoient un signal négatif : mitigé pour la composante manufacturière qui se détériore marginalement, à 48,5 (-0,2 point), sur fond de baisse de la production (48,5, -1,7 point), plus marqué pour l’indice non-manufacturier qui passe en zone de contraction à 48,8 (-5,0 points), sur fond de correction sur l’activité (49,6, -11,6 points) et de détérioration des nouvelles commandes (47,3, -6,8 points)
La hausse de l’activité est bienvenue pour le parti travailliste, fraîchement élu. Les chiffres mensuels du PIB réel (plus précisément de la valeur ajoutée réelle) indiquent une progression de l’activité au Royaume-Uni de 0,4% m/m en mai selon l’ONS, qui fait suite à une stabilisation en avril. Si le secteur manufacturier (+0,4% m/m) et la construction (+1,9% m/m) ont davantage soutenu la croissance que les services (+0,3% m/m) en mai, ce sont bien ces derniers qui ont porté l’activité depuis un an, avec un rebond dans le transport et la logistique (+7,3% a/a) et une nette accélération dans les activités « professionnelles, scientifiques et techniques » (+4,1% a/a).
La croissance économique nippone devrait bénéficier d’un rebond technique au 2e trimestre : nous attendons +0,5% t/t après la contraction du T1 (révisée à la baisse à -0,7% t/t). Les perspectives demeurent négatives – notamment pour la demande, en dépit des baisses d’impôts introduites en juin – alors que la dépense de consommation des ménages s’est contractée de -1,8% a/a en mai. Par ailleurs, si l’augmentation des salaires (hors bonus) atteint en mai un record depuis 1993 (+2,5% a/a), signe de la transmission croissante de la hausse des salaires négociés (+5,1% a/a selon le syndicat Rengo), les revenus réels ne progressent toujours pas (-1,4% a/a).
L’économie italienne a fortement rebondi depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Depuis 2021, sa croissance annuelle a largement surpassé celle enregistrée en moyenne dans la zone euro grâce à la mise en œuvre de politiques fiscales expansionnistes, qui ont soutenu la consommation et l’investissement, et à la reprise progressive de l’activité touristique. Depuis le début de l’année 2023, l’activité économique a toutefois commencé à se modérer, en raison d’un environnement international défavorable et de la suppression progressive de ces mesures fiscales. En outre, ces dernières ont, par nature, pesé sur les Finances publiques de l’État, plaçant le pays sous le coup de la procédure pour déficit excessif par la Commission européenne en juin 2024.
Les enquêtes de conjoncture jouent un rôle important dans l'évaluation de l'environnement cyclique. Si l'on en juge par l’indice des directeurs d'achat (PMI) du secteur manufacturier, de nombreux pays ont enregistré une perte de momentum au deuxième trimestre par rapport au premier trimestre. Toutefois, pour la plupart de ces pays, le niveau de l'indice PMI de juin demeure plus élevé qu'en décembre 2023. En outre, 17 pays sur 31 affichent encore un PMI d'au moins 50, ce qui implique que l'activité économique reste orientée à la hausse
Aux États-Unis, l’incertitude relative à la politique économique, basée sur la couverture médiatique, a rebondi en juin, après une courte baisse en mai. Cette hausse est probablement en lien avec le climat d’incertitude politique et monétaire aux États-Unis à quelques mois de l’élection présidentielle.
En Chine, l’activité du secteur manufacturier reste dynamique, mais la montée des tensions avec la plupart de ses partenaires commerciaux et la multiplication des mesures protectionnistes pèsent dorénavant sur les perspectives d’exportations. Dans le même temps, la demande intérieure reste bridée par la crise du secteur immobilier et la croissance du crédit ralentit malgré les mesures d’assouplissement monétaire. Les autorités devraient donc encore assouplir, de manière prudente, leur politique économique à court terme. Les difficultés financières des collectivités locales et, plus généralement, la dégradation des finances publiques ont réduit la marge de manœuvre budgétaire. Le gouvernement central est contraint à prendre un rôle plus direct dans les mesures de soutien.
La croissance économique indienne a atteint 8,2% pour l’année budgétaire 2023/2024. Mais une telle performance n’a pas permis au BJP, le parti au pouvoir de Narendra Modi, de conserver la majorité au parlement. Au cours des cinq prochaines années, le BJP devra composer avec les petits partis partenaires de la coalition qu’il conduit pour diriger le pays. L’adoption de nouvelles réformes pour libéraliser davantage l’économie pourrait être difficile. Par ailleurs, le Premier ministre pourrait avoir à modifier la structure des dépenses budgétaires afin d’accroître de nouveau la part des subventions et autres transferts sociaux, en baisse depuis cinq ans
Le nouveau président taiwanais Lai Ching-te a pris ses fonctions le 20 mai dernier. Il devrait poursuivre l’agenda de politique intérieure et de politique étrangère de sa prédécesseuse, dans un climat plus tendu. D’une part, Pékin pourrait accroître ses manœuvres militaires autour de l’île. D’autre part, le Parlement est désormais dominé par les partis d’opposition, qui devraient ralentir ou bloquer de nombreux projets du gouvernement. Au moins la nouvelle administration pourra-t-elle compter sur une conjoncture économique favorable pour entamer son mandat. La croissance accélère depuis un an, tirée par le rebond du cycle électronique mondial
L’entrée de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale au sein de l’UE en 2004 s’est accompagnée d’une progression impressionnante de leurs économies respectives. L’amélioration de la productivité du travail a permis un rattrapage des salaires réels au cours des 20 dernières années, mais les pressions salariales sont restées très fortes sur la période récente sans toutefois entamer la compétitivité des économies jusqu’à présent. La région reste par ailleurs attractive pour les investissements directs étrangers et continue de bénéficier des activités de nearshoring. A court terme, la consolidation des comptes publics constitue une priorité pour tenir les engagements dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance
Les perspectives de croissance s’améliorent pour 2024 mais le rebond sera sans doute contenu en raison d’une demande domestique encore peu dynamique. Sur le marché des changes, le forint hongrois subit des pressions baissières sur la période récente. Du côté des comptes publics, la consolidation budgétaire commencée depuis l’été 2022 n’a pas permis de réduire significativement le déficit. Pour 2024, il sera probablement moins prononcé que l’an dernier mais restera de toute façon élevé (autour de 5% du PIB). Ainsi, la Hongrie, fera probablement l’objet d’une procédure de déficit excessif en 2024
Les messages envoyés par les marchés financiers et ceux de l’économie réelle peinent à s’harmoniser. La vigueur de la croissance économique, la faiblesse du chômage et une inflation contenue ont en effet été éclipsées par la montée des risques politiques et budgétaires, qui pèsent plus fortement sur la monnaie, le cours des actions et la courbe des taux. Les déroutes parlementaires de Lula, ses frictions avec la banque centrale et un interventionnisme plus marqué agitent les investisseurs, déjà ébranlés par d’importantes révisions de projections de taux d’intérêt aux niveaux mondial et local. Le défi pour la seconde moitié de l’année sera de renforcer la confiance des agents économiques et stabiliser leurs anticipations.
Claudia Sheinbaum a été élue présidente du Mexique le 2 juin dernier. Les défis politiques et économiques auxquels elle sera confrontée au cours de son mandat sont nombreux et concernent surtout la soutenabilité des finances publiques, la réforme du secteur de l’énergie (point particulièrement sensible au Mexique, surtout dans le contexte de nearshoring et d’un regain d’attraction de la part des investisseurs étrangers) et la renégociation du traité commercial avec le Canada et les États-Unis (UMSCA) en 2026. Dans l’immédiat, membre du parti la Morena de l’ancien président sortant, la nouvelle présidente doit trouver la bonne distance vis-à-vis d’Andres Manuel Lopes Obrador et de ses soutiens. Les discussions concernent notamment la réforme de la justice qu’il avait lui-même proposée.
La Ley Bases (ensemble de mesures destinées à la libéralisation de l’économie et, plus généralement, de la société) présentée par J. Milei au sortir de son investiture en décembre dernier a finalement été adoptée fin juin. Le parti du président ne disposant de majorité ni à la Chambre des députés, ni au Sénat, la version finale a été édulcorée. Pour autant, c’est une victoire pour J. Milei qui mène une course contre la montre entre une économie qui sombre dans une récession profonde et les premiers signes de désinflation. La lutte contre l’inflation justifie, pour le gouvernement, les coupes sombres dans les dépenses publiques et le maintien d’une stratégie d’appréciation du taux de change réel
Portée par des cours mondiaux de l’énergie relativement élevés et une demande soutenue pour son gaz, l’économie algérienne continue d’enregistrer des performances solides. En 2023, la croissance a été une des plus fortes des pays producteurs d’hydrocarbures de la région, et les perspectives pour 2024 restent favorables. Cependant, l’orientation expansionniste de la politique économique commence à montrer certaines limites, en particulier à cause de la hausse des déséquilibres budgétaires. Si les risques d’instabilité macroéconomique sont largement contenus à court terme, le rééquilibrage des moteurs de la croissance reste un défi d’envergure à moyen terme