L’importante contraction de la zone bleue par rapport à la zone en pointillés illustre l’ampleur du choc subi par l’économie chinoise depuis le mois de mars 2022. La résurgence de l’épidémie de Covid-19 a conduit plusieurs provinces à introduire de nouvelles restrictions à la mobilité, les confinements les plus stricts étant imposés dans des régions industrielles et portuaires majeures du pays, à Shanghai en particulier. Les restrictions ont affaibli les dépenses des ménages, interrompu l’activité des usines, gêné le transport et l’exportation de marchandises et provoqué des difficultés d’approvisionnement en Chine et à l’étranger.
Après une contraction sans précédent en 2020, le fort rebond de l’activité économique en 2021 n’a pas permis à l’Afrique du Sud de renouer avec son niveau de PIB d’avant-crise, contrairement à la plupart des pays émergents. En 2022, l’activité devrait rester modérée et la croissance inférieure à 2% à moyen terme. Les perspectives économiques demeurent largement contraintes par la nécessité d’une consolidation budgétaire, le climat social et politique tendu et, de façon structurelle, par les fortes contraintes pesant sur les infrastructures, en particulier l’approvisionnement en électricité. Le choc induit par le conflit en Ukraine pourrait par ailleurs compliquer les efforts d’assainissement budgétaire engagés
L’économie mondiale subit de nombreux chocs cette année : la résurgence de cas de Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, la hausse des taux d’intérêt. Le comportement des marchés financiers et l’enquête américaine auprès des prévisionnistes professionnels traduisent l’inquiétude croissante entourant le risque de récession. Or, celle-ci a un coût pour l’économie et pourrait aggraver le ralentissement de la croissance. Un certain degré d’inquiétude contribue à la transmission efficace d’une politique monétaire restrictive. Au-delà d’un certain seuil, néanmoins, les craintes de ralentissement deviennent auto-réalisatrices. Un mécanisme qu’il serait difficile d’endiguer si l’inflation ne convergeait pas suffisamment vers l’objectif des banques centrales.
Les perspectives défavorables pour le deuxième trimestre 2022, d’abord considérées comme un risque dans les enquêtes de conjoncture, se matérialisent concrètement en Allemagne. Après le très net repli du commerce extérieur en mars (provenant d’une baisse de 4 % des exportations en volume et d’une hausse symétrique de 4,1% des importations), l’excédent commercial allemand s’est à peine amélioré en avril grâce à un léger redémarrage des exportations (+1 % m/m), mais il reste à un niveau extrêmement bas.
Les dernières données conjoncturelles publiées par l’Insee ont permis de préciser le timing et l’ampleur du choc de pouvoir d’achat sur la consommation des ménages, avec trois chiffres marquants : la baisse de 1,8% t/t au 1er trimestre du pouvoir d’achat du revenu disponible brut, la baisse révisée à -1,5% t/t (contre -1,3% en première estimation) de la consommation des ménages et la croissance du PIB révisée en baisse à -0,2% t/t (0% en première estimation).
La dégradation des enquêtes sur le climat des affaires s’est poursuivie en mai, en particulier dans le secteur manufacturier, bien que la production industrielle ait résisté en avril. Cette dernière a progressé de 1,6% m/m, atteignant son niveau le plus élevé depuis décembre 2007. Le PMI manufacturier a néanmoins chuté de 2,6 points en mai, à 51,9. C’est son sixième mois de baisse consécutive.
En 2021, près d’un quart des ventes des entreprises industrielles japonaises provenaient des filiales étrangères. La Chine est le principal pays d’ancrage, en particulier pour l’industrie automobile. Malgré cela, le Japon a conservé sur son sol un socle industriel bien plus important que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Le secteur représentait toujours plus de 20% de la valeur ajoutée totale nationale. La part des exportations de biens dans le PIB a également progressé pour atteindre 16,4% au T1 2022. Cette structure de production des entreprises japonaises, qui repose sur la complémentarité entre le territoire national et les filiales à l’étranger, a soutenu les profits qui ont atteint, en part du PIB, un nouveau record au T1 2022
Depuis le début de l'année, le terme « récession » apparaît de plus en plus souvent dans les médias, tandis que l’on observe au même moment une hausse significative des rendements des bons du Trésor américain. Les deux phénomènes sont sans doute liés, dans une large mesure, au ton plus restrictif de la Réserve fédérale. L’inquiétude entourant un risque de récession apparaît aussi dans la dernière enquête trimestrielle de la Réserve fédérale de Philadelphie. Les probabilités de récession sur l'horizon de projection se sont accrues et dépassent de beaucoup les niveaux observés par le passé à ce stade du cycle de resserrement. Or, l'inflation est exceptionnellement forte, ce qui justifie des hausses des taux beaucoup plus radicales
Le PMI manufacturier mondial poursuit son mouvement latéral depuis mars, période à laquelle il avait décliné en raison de la guerre en Ukraine. Le mois de mai a été marqué par un affaiblissement des données aux États-Unis et dans la zone euro, où l’Italie, tout particulièrement, a enregistré un recul considérable. En Australie, l’indice PMI a enregistré une forte baisse. Celui de la Chine a connu un rebond après l’assouplissement des restrictions de mobilité. En Inde, le PMI se stabilise à un niveau élevé depuis plusieurs mois et le Vietnam a connu une amélioration sensible en mai.
La croissance américaine a fait l’objet d’une légère révision à la baisse au T1 2022 (-0,1 point), ce qui porte la contraction du PIB à -1,5% en rythme trimestriel annualisé, alors que les anticipations misaient sur une révision moins marquée (-1,3% en rythme trimestriel annualisé). Cette correction est imputable à un déstockage plus important qu’annoncé (-1,1 point de contribution) ainsi qu’à une moindre contribution de l’investissement (+1,2 point), notamment résidentiel. Ces révisions sont en partie compensées par la hausse de la consommation des biens comme des services (+2,1 points). De leur côté, la hausse des exportations et celle des importations de biens se sont neutralisées, laissant la contribution du commerce extérieur inchangée (-3,2 points).
Lors de sa réunion du 10 mars, la BCE avait ouvert la voie à la remontée du taux de dépôt. Le timing de la première hausse restait néanmoins incertain : septembre apparaissait moins probable comparé à quelques semaines plus tôt, juillet était exclu, restait décembre. La temporisation semblait toujours de mise compte tenu des risques baissiers croissants que le choc inflationniste en cours, la guerre en Ukraine et la stratégie zéro-Covid de la Chine font peser sur la croissance de la zone euro. Les données économiques publiées depuis ainsi que les discours hawkish, prononcés par nombre de membres de la BCE, ont accéléré le tempo.
Nos différents indicateurs d’incertitude sont complémentaires, en termes de portée et de méthodologie. L’incertitude sur la politique économique aux États-Unis, fondée sur la couverture médiatique, a quelque peu reflué après avoir enregistré une hausse significative, reflétant les préoccupations liées à l’impact du resserrement agressif de la politique monétaire.
Les indices PMI globaux indiquent un ralentissement de plus en plus marqué de l’activité mondiale. L’indice relatif aux nouvelles commandes à l’exportation est repassé au mois de mars sous la barre d’expansion (48,1) avant de se stabiliser à ce niveau en avril. Plus particulièrement, les nouvelles commandes à l’exportation en provenance de Taiwan enregistrent une chute marquée en avril (-17,2% m/m), la plus importante depuis quatorze mois. Si un repli était attendu, compte tenu de la hausse importante en mars (+21,6%), son ampleur a néanmoins surpris.
Pour les ménages comme pour les entreprises, l’incertitude est au cœur des prises de décision. Les causes peuvent être économiques, liées à la politique économique, politiques ou même géopolitiques. Les données d’enquête de la Commission européenne montrent que la pandémie de Covid-19 a fait bondir l’incertitude, qui a ensuite diminué progressivement. La guerre en Ukraine a aussi déclenché une hausse mais elle a été plus limitée. Il conviendra de suivre l’évolution de l’incertitude des ménages, des entreprises et des pays dans les prochains mois. Si elle ne baisse pas, l’impact négatif se fera probablement sentir sur les données relatives aux dépenses et à l’activité.
La croissance économique chinoise avait commencé à ralentir en mars puis l’activité s’est contractée en avril (production industrielle : -2,9% en glissement annuel, production de services : -6,1% en g.a.). Cette dégradation rapide résulte essentiellement des restrictions à la mobilité imposées dans diverses régions du pays en réponse à l’importante vague épidémique. Surtout, des confinements stricts ont été imposés dans des régions industrielles et portuaires majeures du pays (Shanghai en particulier), ralentissant l’activité des usines et perturbant le transport de marchandises et l’approvisionnement dans de nombreux secteurs. Dans leur ensemble, la situation épidémique et le niveau des restrictions à la mobilité en Chine montrent des signes d’amélioration au mois de mai
L’économie italienne a démarré l’année 2022 sur un recul, le PIB réel se contractant de 0,2% t/t au T1. L’activité du pays est fortement affectée par la guerre en Ukraine ainsi que par les perturbations durables sur les échanges de biens mondiaux. Deux événements qui impactent davantage les économies avec un socle industriel important, comme l’Italie. L’inflation, qui a atteint 6,3% a/a en avril (en baisse par rapport au mois précédent à 6,8% a/a) pèse également très significativement sur le moral des ménages. Selon la Commission européenne, la confiance des consommateurs est remontée très légèrement en avril (la balance d’opinion a grimpé de 1,9 point, à -22), mais a atteint en mars un plus bas depuis janvier 2014.
La bonne tenue des indices PMI du secteur manufacturier jusqu’en avril surprend tant les contraintes sur l’offre et les pressions sur les prix des intrants se sont amplifiées depuis le début du confit russo-ukrainien le 24 février dernier. C’est notamment le cas en Allemagne. Malgré une industrie fortement exposée au choc, son PMI manufacturier continue de se maintenir bien au-dessus de 50 points (54,6 en avril 2022), suggérant que l’activité dans le secteur demeure confortablement en expansion alors que la production industrielle s’est repliée de - 4,4% entre janvier et mars 2022. Ce message contradictoire tient avant tout à un biais méthodologique : celui de la prise en compte des délais de livraison dans l’indice agrégé
Bien que l’Allemagne ait retrouvé le chemin de la croissance au 1er trimestre 2022, avec un PIB qui a progressé de +0,2 % (t/t) d’après la première estimation publiée par l'Office fédéral de la statistique (Destatis), le mois de mars porte déjà les séquelles du conflit russo-ukrainien et des confinements stricts dans plusieurs régions de Chine. La production industrielle, dont le secteur représente 24 % du PIB allemand, s’est fortement repliée au mois de mars (–4,6 % m/m) après une croissance quasi-nulle en février. Elle reste très éloignée du son niveau d’avant-crise (T4 2019), à –5,2 %. Pire, cette nette baisse sur le dernier mois du 1er trimestre constitue un acquis de croissance nettement négatif pour le 2e trimestre à –3 %.
L’inflation continue de se diffuser aux différents postes de l’indice des prix à la consommation. La composante « énergie » a légèrement reflué en avril (-2,5% m/m), après la mise en œuvre de la ristourne gouvernementale sur le carburant, mais cette baisse a été plus que compensée par l’accélération des prix des autres postes de consommation. Les prix alimentaires, singulièrement, ont progressé de 1,4% m/m en avril, une ampleur inédite depuis 20 ans (c’est-à-dire ni en 2007-08 ou en 2011, lors de précédentes vagues de hausse des prix alimentaires). Ce poste est le principal contributeur (0,2 point) à l’inflation mensuelle (+0,4% m/m).
Les derniers chiffres d’inflation offrent un très léger répit au gouvernement espagnol. Après avoir frôlé les 10% en glissement annuel en mars (9,8%), la hausse des prix à la consommation a ralenti en avril (8,4%). Les mesures prises par les autorités afin d’endiguer l’augmentation des prix de l’énergie (principalement via des subventions et des baisses de taxes) ont eu un effet positif. Néanmoins, le renchérissement des produits alimentaires s’intensifie (+10,1% a/a en avril). De plus, leur contribution à l’inflation (1,98 point de pourcentage) atteint désormais le même niveau que les autres postes de dépenses liés à l’énergie (les transports, l’électricité, le gaz et autres combustibles).
La croissance britannique s’est élevée à 0,8% t/t au T1 2022, portant le PIB légèrement au-dessus (0,7 point) de son niveau pré-Covid-19 (T4 2019) mais elle déçoit les attentes (1%). L’ONS publiant également un PIB mensuel, il est possible de suivre l’évolution de l’activité au cours du trimestre. Après un mois de janvier positif (+0,7% m/m), la croissance a marqué le pas en février (0% m/m contre 0,1% initialement estimé) avant que le PIB n’enregistre même une légère contraction en mars (-0,1% m/m). Si le PIB du T1 est décevant, sa composition est aussi inquiétante pour la suite.
Le PMI manufacturier mondial a quelque peu reflué en avril. En légère hausse aux États-Unis et au Royaume-Uni, il s’est nettement amélioré en Australie, en Russie et encore plus à Hong Kong. L’indice a accusé un repli dans la zone euro, mais les tendances divergent selon les pays, avec notamment une progression en France et aux Pays-Bas et un recul en Allemagne et en Italie. En Chine, les contaminations au Covid-19 ont fait chuter l’indice PMI à 46,0. En nette baisse aux États-Unis, l’indice des services a sensiblement progressé dans la zone euro. Ces évolutions sont diamétralement opposées à celles observées dans l’industrie manufacturière. La France et l’Allemagne ont affiché de meilleurs résultats tandis que le sentiment a bondi en Italie et en Espagne
Le PIB américain s’est contracté au T1 2022 de 1,4% en rythme trimestriel annualisé, contrairement aux anticipations (1%). Derrière cette baisse surprise se cache une réalité plus nuancée et moins négative. Les moteurs que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises demeurent robustes et contribuent à hauteur, respectivement, de +1,8 et +1,3 point de contribution. En revanche, le moindre stockage des entreprises (contribution des variations de stocks de -0,8 point) et la diminution de la dépense publique (contribution de -0,5 point), due à l’arrivée à échéance de plusieurs programmes d’aides, pèsent négativement sur la croissance. Mais c’est d’abord la contribution très négative du commerce extérieur (-3,2 points) qui explique le repli du PIB trimestriel
En l’espace de quelques mois, les perspectives de croissance de la zone euro se sont fortement détériorées, au point de craindre désormais une récession dans le courant de l’année. Entre notre prévision de début 2021 – moment où elle a été la plus élevée (5,5%) – et notre scénario actuel établi mi-mars 2022, la croissance attendue a été divisée par deux environ : nous tablons désormais sur 2,8%. En novembre 2021, nous prévoyions encore 4,2%. Ce chiffre de 2,8% est certes très élevé en apparence, bien supérieur à son rythme tendanciel (1,6% en moyenne par an entre 1996 et 2019), mais il s’appuie sur un acquis de croissance exceptionnellement important de 2,1% au T1 2022 et, pour les trimestres suivants, sur une croissance peu élevée mais positive
L’incertitude entourant la politique économique américaine, fondée sur la couverture médiatique, diminue depuis le début de l’année. Toujours aux Etats-Unis, l’incertitude des entreprises concernant la croissance des revenus des ventes est en hausse tandis que celle portant sur l’emploi poursuit sa baisse. L’indice de la Commission européenne a bondi avec la guerre en Ukraine, qui a aussi provoqué une hausse spectaculaire de l’indice du risque géopolitique (basé sur la couverture médiatique). Enfin, l’écart-type des rendements journaliers des composantes de l’indice boursier – qui mesure l’incertitude financière – a augmenté aux États-Unis et dans la zone euro, de façon toutefois assez limitée.