Nos différents indicateurs d’incertitude sont complémentaires, en termes de portée et de méthodologie. En commençant en haut à gauche et en continuant dans le sens des aiguilles d’une montre, l’incertitude sur la politique économique aux États-Unis, fondée sur la couverture médiatique, a quelque peu reflué ces dernières semaines. Cela fait suite à une hausse significative qui reflétait en partie les préoccupations liées à la perspective d’un resserrement agressif de la politique monétaire par la Réserve fédérale.
Sur le plan conjoncturel, les mois se suivent et se ressemblent dans la zone euro. Ainsi, l’inflation ne cesse d’augmenter et les enquêtes de confiance de reculer, dans une ampleur qui varie et en ordre dispersé. Si la détérioration de la situation et des perspectives économiques est claire, son importance et sa durée restent incertaines. La probabilité d’une récession s’accroît mais ce n’est pas (encore) une certitude. En effet, d’une part, le niveau d’activité reste élevé et tous les voyants économiques ne sont pas au rouge (notamment ceux concernant le marché du travail) et, d’autre part, la croissance bénéficie de vents porteurs ou, à tout le moins, d’amortisseurs.
Les derniers résultats de l’enquête Tankan soulignent des perspectives économiques fragiles mais stables pour l’industrie japonaise (le solde d’opinions passe de 2 à 1), tandis que la confiance dans les services reprend un peu de couleurs (le solde passe de -2 à 4). Le solde d’opinions total progresse de 0 à +2. Au sein des grandes entreprises, le redressement de la confiance est le plus marqué dans le secteur des services à la personne (+32 points, à +18) et dans l’hôtellerie et la restauration (+25 points, à -31), même si la confiance dans ce secteur reste à un niveau très bas.
La hausse des prix continue d’accélérer - l’inflation était de 5,8% a/a en juin - et le pic n’est pas atteint. Fait important, la composante énergie a enregistré une nouvelle hausse mensuelle significative de 5,3% en juin, après +9% en mars. Alors que la première vague ne s’est pas encore totalement répercutée sur les autres prix (alimentaires, biens manufacturés, services), cette nouvelle hausse laisse entrevoir une accélération de l’inflation, notamment sur la composante alimentaire qui avait le plus pâti du premier choc (hausse de 1,4% m/m en avril et de 3,1% en 3 mois).
Face à la normalisation monétaire accélérée de la Réserve fédérale (Fed), l’économie américaine donne des signes de ralentissement marqué. La détérioration de certains indicateurs (enquête de confiance des ménages de l’Université du Michigan, enquête sur le climat des affaires de la Fed de Philadelphie) semble annoncer une récession. Deux indicateurs composites, publiés par le Conference Board, permettent d’apprécier l’état de l’économie et le risque de récession à court terme. Le Coincident Economic Index (CEI), qui évolue de manière coïncidente avec le cycle, donne une indication de l’activité économique actuelle au regard de quatre sous-indicateurs : l’emploi salarié non agricole, le revenu réel des ménages, les ventes au détail, la production industrielle
Aux États-Unis comme dans la zone euro, le niveau d’activité est très élevé mais la croissance a déjà nettement marqué le pas. Elle devrait rester faible en glissement trimestriel jusqu’à la fin de l’année. Les doutes sur les perspectives conjoncturelles se renforcent en raison de la conjonction d’une inflation élevée, de l’incertitude géopolitique et du resserrement des politiques monétaires. D’après les enquêtes, les prix des intrants et les délais de livraison se replient mais demeurent à des niveaux élevés. La croissance des salaires reste forte aux États-Unis et elle se redresse dans la zone euro, laissant craindre une baisse de l’inflation plus lente que prévu.
Le rebond inattendu de l’inflation en mai a contraint la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) à accélérer la normalisation de sa politique monétaire. Mi-juin, le Comité fédéral d’open-market (FOMC) a décidé d’une hausse de 75 points de base (pb) de son principal taux directeur, tandis que la Fed démarre en parallèle son programme de réduction de bilan (QT, quantitative tightening). Pour l’heure, l’économie américaine tient bon, portée par des fondamentaux robustes comme l’emploi. Toutefois, l’activité ralentit face au durcissement des conditions de crédit et à la détérioration des perspectives économiques mondiales. L’atterrissage à venir de l’économie américaine se fera sous tension.
Depuis le début de l’année 2022, le Japon fait face à une remontée de l’inflation, certes modérée, mais inédite depuis 2014, tandis que sa croissance a reculé au T1. Le yen s’est déprécié significativement en raison de la politique très accommodante de la Banque du Japon (BoJ), en décalage avec les autres grandes banques centrales qui ont entamé leur resserrement monétaire. En juin 2022, son gouverneur, Haruhiko Kuroda, jugeait encore la poursuite de la politique de contrôle des taux « nécessaire » pour rehausser l’inflation sous-jacente à un niveau « stable et durable ». Or, la déprécation de la devise accentue l’inflation importée et détériore davantage le pouvoir d’achat des ménages
Jusqu’ici relativement résistante aux chocs, la croissance de la zone euro devrait plus nettement ralentir dans les prochains mois. Une récession n’est pas à exclure mais ce n’est pas notre scénario central, la croissance disposant aussi de relais importants (rattrapage post-Covid-19, surplus d’épargne, besoins d’investissement, soutiens budgétaires). Notre scénario a certaines apparences de la stagflation mais s’en écarte par une hausse du taux de chômage qui resterait contenue. La BCE s’apprête à amorcer la remontée de ses taux directeurs pour contrer le choc inflationniste. Nous tablons sur une hausse cumulée de 250 points de base du taux de dépôt, ce qui le porterait à 2% à l’automne 2023.
L’Allemagne fait partie des pays de la zone euro les plus touchés par le conflit russo-ukrainien, ce qui se traduit par de faibles perspectives de croissance et une inflation élevée. Le PIB allemand progresserait d’à peine +1,3% en 2022, contre +2,5% pour la zone euro. En moyenne annuelle, le PIB resterait inférieur de 0,9% à son niveau de fin 2019. En parallèle, l’inflation atteindrait +8,1% en 2022, sous le poids des prix de l’énergie. Entre la hausse du salaire minimum promise par le gouvernement et les revalorisations attendues dans de nombreuses branches, la croissance des salaires devrait fortement accélérer en 2022, mais serait insuffisante pour compenser le choc inflationniste.
L’économie française est prise en étau entre trois évolutions aux effets divergents : un choc inflationniste qui pèse sur la consommation des ménages, un choc d’offre négatif (contraintes d’approvisionnement dans l’industrie) et la levée des restrictions sanitaires (qui bénéficie à la croissance à partir du 2e trimestre, après avoir pesé au 1er). Les mesures gouvernementales, qui ont limité l’inflation, n’ont pas empêché une croissance négative au 1er trimestre. Toutefois, l’impact positif de la levée des restrictions sanitaires et un rebond du pouvoir d’achat devraient permettre le retour à une croissance positive au 3e trimestre (+0,3% t/t).
À la différence des précédentes récessions, l’économie italienne a déjà rattrapé le terrain perdu en 2020. L’acquis de croissance pour 2022 s’élève à 2,6 % après que le PIB ait progressé de 0,1% au T1 2022. En glissement annuel, la croissance a dépassé les 6 %. La valeur ajoutée du secteur de la construction a continué de croître, l'activité manufacturière a reculé et l’activité dans les services a continué de stagner. La reprise économique est principalement tirée par la vigueur de l'investissement. La consommation privée a décliné, les ménages italiens demeurant extrêmement prudents. Les importations ont connu une forte hausse, ce qui a ramené le solde courant en territoire négatif. En 2021, la reprise économique a été moins soutenue dans les régions du Sud du pays.
Après un rebond d’activité en 2021 plus faible que ses voisins européens, l’Espagne devrait connaitre un taux de croissance soutenu en 2022, supérieur à 4%. Malgré les contrecoups de la guerre en Ukraine sur l’inflation et le pouvoir d’achat, le marché du travail garde le cap avec 186 000 emplois supplémentaires créés au cours des cinq premiers mois de l’année. Cette dynamique devrait se prolonger cet été avec la reprise plus marquée de l’activité touristique, même si les perturbations actuelles qui affectent les compagnies aériennes en Europe pourraient ternir ces perspectives. Par ailleurs, le pic de l’inflation pourrait intervenir tardivement cette année, la hausse des prix dans l’alimentation et les équipements ménagers gagnant actuellement en vigueur.
Avec un mix énergétique composé à près de 90% d’énergies fossiles, les Pays-Bas sont touchés de plein fouet par la forte hausse des prix du gaz et du pétrole depuis le début du conflit russo-ukrainien. Cela se traduit par un taux d’inflation parmi les plus élevés d’Europe. Malgré cela, la consommation des ménages résiste et les entreprises sont une majorité à penser que l’activité restera vigoureuse dans les mois à venir. La bonne tenue de l’activité permet au gouvernement de cantonner son soutien à une série de mesures limitées afin de poursuivre le désendettement des administrations publiques. Par ailleurs, le pays doit faire face à un autre type d’inflation, aussi inquiétante, celle de l’immobilier, le nombre trop faible de logements ne répondant pas aux besoins
Le PIB belge a progressé de 0,5% au premier trimestre 2022, tandis que l’inflation continue de battre des records. La confiance des ménages a été mise à mal au début de l’invasion russe en Ukraine, ce qui pourrait plomber la croissance du PIB belge. L’indexation des salaires devrait atténuer l’impact de l’inflation sur la consommation du secteur privé au détriment de la compétitivité des entreprises belges. Dans un environnement de hausse des taux, l’assainissement budgétaire demeure essentiel.
À plus de 10% au printemps, l’inflation constituera le principal frein à l’activité en Grèce en 2022. L’économie a néanmoins bien résisté jusqu’à présent. Le taux de chômage est au plus bas depuis 2010 et le rebond du PIB est soutenu depuis la fin du confinement de 2020. Une période récessive est peu probable cette année. Le tourisme devrait notamment bénéficier d’une saison estivale solide. Par ailleurs, la Grèce sortira officiellement le 20 août 2022 du programme de surveillance de la Commission européenne, démarré en juin 2018. Le pays a aussi procédé, en mai dernier, au dernier remboursement des créances contractées auprès du FMI durant la crise de 2011 (EUR 1,9 md)
L’inflation se poursuit, portée par les singularités de l’économie britannique. D’un côté, le marché du travail opère au plein emploi, ce qui favorise les hausses de salaires ; de l’autre, l’économie britannique, très exposée aux répercussions de l’invasion de l’Ukraine, subit une forte pression sur les prix de l’énergie. Malgré une remontée de son taux directeur précoce, alimentée ensuite par plusieurs hausses successives, la Banque d’Angleterre peine à enrayer la dynamique des prix. Le gouvernement n’a d’autre solution que de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Déjà à l’œuvre, le ralentissement de l’économie risque de s’aggraver.
Le Danemark se singularise par une reprise économique bien plus forte que dans les autres pays européens. L’économie danoise a ainsi retrouvé très vite son niveau d’avant-crise, et même dépassé sa trajectoire de croissance pré-pandémie. L’industrie est en pleine expansion grâce à son positionnement sur des segments de marché à haute valeur ajoutée. Pour autant, cette dynamique est menacée à court terme par les pressions inflationnistes dans un contexte de tensions sur le marché du travail. La Banque centrale n’a pas encore enclenché de mouvement en direction d’une normalisation de sa politique monétaire, mais elle prévoit un resserrement graduel et progressif à venir des conditions monétaires.
Après avoir été pénalisée par le variant Omicron, l’activité économique est repartie à la hausse dès le mois de février et devrait continuer de progresser, permettant à la croissance d’atteindre 4% en 2022. À son corps défendant, la Norvège est la grande gagnante de la guerre en Ukraine grâce à la hausse substantielle de ses rentes pétro-gazières qui devraient atteindre NOK 1 500 mds en 2022 (environ EUR 143 mds). Malgré une inflation plus modérée que dans les autres pays européens, la Banque centrale norvégienne s’est dite déterminée à resserrer autant que nécessaire les conditions monétaires pour casser la dynamique inflationniste. Pour ramener l’inflation à sa cible, la NorgesBank prévoit de relever, progressivement, son taux de dépôt jusqu’à 2,5% d’ici la fin 2023.
Le pays sort fragilisé de l’épidémie de Covid-19. Deux ans après la crise, le PIB indonésien a retrouvé son niveau de 2019. Néanmoins, le marché du travail demeure fragile, les ménages se sont appauvris et les investissements restent modestes. Selon la Banque mondiale, l’épidémie va coûter 0,1 point de croissance potentielle au pays en raison de ses conséquences durables sur l’éducation et le marché de l’emploi. Aujourd’hui, le pays doit faire face à un nouvel environnement économique extérieur complexe avec la hausse des prix des matières premières induite par le conflit en Ukraine et les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Même si le conflit en Ukraine ne sera pas sans conséquence sur la croissance, les comptes extérieurs devraient rester solides et la hausse des prix contenue
Ces dernières semaines, la perspective de plusieurs relèvements de taux par la BCE a provoqué une hausse des rendements des obligations d’État allemandes et de certains spreads souverains de la zone euro. Au-delà d’un certain point, l’augmentation des spreads ne se justifie pas. Dans ces circonstances, la banque centrale pourrait décider d’intervenir pour éviter que cela n’entrave la transmission de la politique monétaire. Or, il est difficile de déterminer quand une hausse de spread souverain est trop forte. Historiquement, la relation (bêta) entre le spread BTP-Bund et les rendements du Bund, calculée sur une fenêtre mobile de 20 semaines, fluctue beaucoup. Il est donc nécessaire de considérer une perspective plus longue
L’importante contraction de la zone bleue par rapport à la zone en pointillés illustre l’ampleur du choc subi par l’économie chinoise depuis le mois de mars 2022. La résurgence de l’épidémie de Covid-19 a conduit plusieurs provinces à introduire de nouvelles restrictions à la mobilité, les confinements les plus stricts étant imposés dans des régions industrielles et portuaires majeures du pays, à Shanghai en particulier. Les restrictions ont affaibli les dépenses des ménages, interrompu l’activité des usines, gêné le transport et l’exportation de marchandises et provoqué des difficultés d’approvisionnement en Chine et à l’étranger.
Après une contraction sans précédent en 2020, le fort rebond de l’activité économique en 2021 n’a pas permis à l’Afrique du Sud de renouer avec son niveau de PIB d’avant-crise, contrairement à la plupart des pays émergents. En 2022, l’activité devrait rester modérée et la croissance inférieure à 2% à moyen terme. Les perspectives économiques demeurent largement contraintes par la nécessité d’une consolidation budgétaire, le climat social et politique tendu et, de façon structurelle, par les fortes contraintes pesant sur les infrastructures, en particulier l’approvisionnement en électricité. Le choc induit par le conflit en Ukraine pourrait par ailleurs compliquer les efforts d’assainissement budgétaire engagés
L’économie mondiale subit de nombreux chocs cette année : la résurgence de cas de Covid-19 en Chine, la guerre en Ukraine, la hausse des taux d’intérêt. Le comportement des marchés financiers et l’enquête américaine auprès des prévisionnistes professionnels traduisent l’inquiétude croissante entourant le risque de récession. Or, celle-ci a un coût pour l’économie et pourrait aggraver le ralentissement de la croissance. Un certain degré d’inquiétude contribue à la transmission efficace d’une politique monétaire restrictive. Au-delà d’un certain seuil, néanmoins, les craintes de ralentissement deviennent auto-réalisatrices. Un mécanisme qu’il serait difficile d’endiguer si l’inflation ne convergeait pas suffisamment vers l’objectif des banques centrales.
Les perspectives défavorables pour le deuxième trimestre 2022, d’abord considérées comme un risque dans les enquêtes de conjoncture, se matérialisent concrètement en Allemagne. Après le très net repli du commerce extérieur en mars (provenant d’une baisse de 4 % des exportations en volume et d’une hausse symétrique de 4,1% des importations), l’excédent commercial allemand s’est à peine amélioré en avril grâce à un léger redémarrage des exportations (+1 % m/m), mais il reste à un niveau extrêmement bas.