Le paysage économique ne s’améliore guère outre-Rhin. Les enquêtes de conjoncture du mois de novembre confirment qu’il ne s’agit pas d’un simple trou d’air, mais que l’économie allemande est bel et bien en train de s’enliser. Si le PMI composite du pays est ressorti en légère hausse (46,3 après 45,1), il demeure à un niveau très dégradé, bien inférieur au seuil théorique d’expansion. En revanche, l’activité dans les services, qui avait porté la croissance au 3e trimestre, recule significativement avec un PMI publié à 46,1 en novembre, en contraction pour le cinquième mois consécutif.
La détérioration de la conjoncture s’accompagne des premiers signes de reflux des prix à la consommation. L’inflation s’est légèrement repliée entre octobre et novembre (de +10,4% a/a à +10% a/a). Par ailleurs, les indicateurs qui se situent en amont des prix à la consommation, tels que les prix à la production dans l’industrie, ont enregistré une forte baisse, passant d’une hausse +45,9% sur un an en septembre à +34,6% en octobre. Il en va de même pour les prix à l’importation qui reculent (+23,5% en octobre sur un an, après +29,8%).
Les échanges commerciaux allemands ont surpris en octobre avec une amélioration inattendue du solde commercial (EUR 6,9 mds, après EUR 2,8 mds), mais pour de mauvaises raisons. En effet, cela s’explique par un fort repli des importations (-3,7% m/m) suggérant une faiblesse plus forte que prévu de la demande intérieure. Dans le même temps, les exportations ont reculé de -0,6% m/m.
Cette mauvaise performance des exportations tombe au moment où l’Allemagne affiche son ambition de regagner de l’autonomie vis-à-vis de la Chine, qui n’est autre que son premier partenaire commercial depuis 2016, avec des échanges bilatéraux qui ont représenté près de EUR 250 mds en 2021. Dans un document stratégique rendu public, le ministre de l'Économie, Robert Habeck, exprime clairement son souhait de voir la dépendance de l’Allemagne à l’égard de la Chine se réduire. Il soutient que les entreprises allemandes doivent se concentrer sur des marchés alternatifs. Mais cette volonté d’émancipation ne fait pas consensus en Allemagne. La raison est simple : les grands groupes allemands continuent d’investir massivement en Chine alors que les petites et moyennes entreprises (y compris celles du « mittelstand ») ont changé de braquet.
Si les entreprises de tailles intermédiaires n’investissent plus en Chine, d’après les récents travaux du groupe Rhodium, les trois grands constructeurs automobiles allemands que sont Volkswagen, BMW et Mercedes, ainsi que le mastodonte de la chimie BASF ont généré à eux seuls un tiers des investissements émanant du continent européen à destination de la Chine sur les quatre dernières années, toujours selon le Rhodium. Et cette dynamique ne ralentit pas puisque sur les six premiers mois de 2022, les investissements en provenance d’Allemagne vers la Chine ont atteint un record d’environ EUR 10 mds selon une étude de l’institut allemand IW. Cette différence d’appréciation à l’égard du marché chinois est en train de créer une dichotomie entre les géants allemands et le reste du tissu productif, ce qui complique le positionnement du gouvernement.
Anthony Morlet-Lavidalie