Les premiers indicateurs disponibles pour le mois d’octobre, qu’il s’agisse de la consommation des ménages ou de la production industrielle, suggèrent que la croissance du PIB serait entrée en territoire négatif à l’orée du 4e trimestre. Notre scénario table sur -0,3% t/t.
La consommation des ménages s’est repliée de 2,8% m/m au mois d’octobre, pénalisée par l’accélération de l’inflation, notamment alimentaire. Cet effet négatif a pu être accru par l’impact des pénuries de carburant, qui ont réduit la présence des consommateurs dans les centres commerciaux en milieu de mois. Enfin, la très nette baisse de la consommation d’énergie (poste énergie, eau, déchets) de 10,2% m/m s’expliquerait, pour deux tiers, par de réels efforts d’économie (selon les estimations de RTE – Réseau de Transport d’électricité) et donc, pour près du tiers, par le climat très doux du mois d’octobre. Ces efforts d’économie semblent s’être prolongés en novembre, selon les données de RTE. L’enquête de l’Insee sur le climat des affaires dans le commerce de détail en novembre signale un rebond des ventes après la fin des pénuries de carburant. Ce rebond devrait toutefois rester relatif étant donné la dynamique de l’inflation, attendue en accélération à près de 7% en début d’année 2023 (contre 6,2% a/a en novembre).
La baisse de la consommation d’énergie fait écho au déclin de la production énergétique (-6,9% m/m en octobre). Cette évolution est désaisonnalisée : elle souligne le fait que la production d’origine nucléaire est restée nettement en deçà de l’augmentation qu’elle enregistre habituellement en début d’automne. Les données de RTE suggèrent que ce décalage par rapport aux données saisonnières s’est plutôt accru en novembre.
La baisse de cette production a contribué à la diminution de 2,6% m/m de la production industrielle en octobre, également expliquée par le repli marqué de la production manufacturière (-2%). Ce recul intervient après les niveaux élevés de production observés en août et septembre. Un effort de production semble avoir été effectué en amont de l’hiver afin de dégager un surplus destiné à être en partie stocké (les stocks ont contribué pour 0,3pp à la croissance du PIB au 3e trimestre) ; ce surplus permettant un ralentissement du rythme de production par la suite. La diminution de l’indicateur relatif à la production récente dans l’enquête de l’Insee sur le climat des affaires (que ce soit dans l’industrie, la construction ou même les services) du mois de novembre va dans ce sens. Au global, la production industrielle pourrait avoir baissé de 3% au 4e trimestre t/t selon nos estimations.
L’ensemble de ces éléments sont révélateurs d’une économie française qui se prépare à passer l’hiver, et à faire face tant au risque de pénuries d’énergie qu’au choc des prix. Les entreprises subissent déjà cette hausse des prix et les ménages y seront exposés avec l’augmentation des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité (de 15% respectivement) en janvier et en février. Cette anticipation passe par des mesures d’économies qui devraient faire de nouveau progresser le taux d’épargne des ménages. Ce dernier pourrait atteindre près de 18% au 4e trimestre selon nos prévisions. Ce taux se situe dans le haut de la fourchette des niveaux enregistrés depuis que l’économie française a effacé la perte d’activité liée à la Covid-19 au 3e trimestre 2021.
Les données publiées pour le mois d’octobre confortent notre scenario d’une croissance négative (-0,3%) au 4e trimestre. Dans son estimation publiée le 8 décembre, la Banque de France anticipe une croissance de +0,1% tandis que lors de son point de conjoncture du 6 octobre, l’Insee tablait sur une stagnation.
Stéphane Colliac