La crise de la Covid-19 devrait avoir un effet durablement négatif sur la croissance potentielle des pays émergents. Les économistes du FMI prévoient ainsi une croissance du PIB par habitant de seulement 2,5% en 2025. Certes, c’est plus qu’au cours de la décennie passée (+1,8% par an en moyenne), mais loin des 4% de croissance enregistrés au cours des années 2000, période durant laquelle les pays émergents avaient bénéficié du « super cycle » des prix des matières premières. Peut-on espérer une réédition de cette performance passée ? C’est très peu probable
La crise de la Covid-19 a profondément affecté nos économies. Le rebond observé depuis quelques mois semble se confirmer mais des incertitudes demeurent sur les capacités de rattrapage économique des pays. Cet article tend à observer dans le passé les comportements des économies du G7 - en termes de PIB, de consommation et d’investissement - en phase post-récessive. À quelle vitesse les économies rattrapent-elles le niveau et la tendance de PIB d’avant-crise ? Quelles sont les composantes de la demande agrégée les plus dynamiques en sortie de crise ? Peut-on comparer le choc de la Covid-19 avec les chocs passés, compte tenu de sa nature si particulière ? Nous essaierons d’apporter des éléments de réponse à ces questions en insistant sur les disparités sectorielles actuelles.
L’Inde n’a pas été épargnée par la crise de la Covid-19 et comme dans de nombreux pays émergents, la situation économie et sociale s’est sensiblement dégradée. Mais elle avait déjà commencé à se détériorer bien avant l’épidémie, laquelle n’a fait qu’accentuer les fragilités du pays. La très forte contraction de la croissance induite par l’épidémie de Covid-19 a mis en exergue les vulnérabilités structurelles de cette économie et, en particulier, l’importance des travailleurs ne bénéficiant d’aucune protection sociale. Le confinement national en avril et mai 2020 aurait ainsi renvoyé sous le seuil de pauvreté 75 millions d’Indiens et on peut s’inquiéter des effets de la seconde vague
Le rebond de l’activité à la suite du choc du Covid-19 a été particulièrement rapide, mais également caractérisé par des performances différenciées entre secteurs et entre composantes de la demande. La croissance de la production industrielle et des exportations a accéléré vigoureusement jusqu’au début de 2021 et se normalise maintenant progressivement. Le redressement dans les services et de la consommation privée a été plus lent et se révèle toujours fragile au second trimestre. En conséquence, les autorités devraient se montrer de plus en plus prudentes dans le resserrement de la politique économique. Le ralentissement du crédit et l’ajustement des déficits budgétaires devraient toutefois rester leurs priorités.
La deuxième vague épidémique semble être passée, le point haut des contaminations ayant été atteint en mai. La contraction de l’activité devrait être moins forte qu’il y a un an et circonscrite au deuxième trimestre. Cependant, le coût de cette deuxième vague est estimé à plus de 2 points de pourcentage de PIB alors même que les ménages se remettent difficilement de l’impact de la première. En 2020, 75 millions d’Indiens sont passés sous le seuil de pauvreté. De plus, le rebond attendu pour l’année en cours pourrait être insuffisant pour stabiliser le ratio de la dette publique, ce qui pourrait provoquer une dégradation de la note souveraine par les agences de notation. Dans ce contexte très incertain, la roupie ne profite pas de la bonne tenue des comptes extérieurs.
La situation sanitaire peine à s’améliorer aux Philippines. Après une deuxième vague particulièrement sévère, le nombre de nouveaux cas de Covid-19 semble s’être stabilisé, mais leur niveau reste élevé. Dans le même temps, le taux de vaccination complète est très faible, ce qui induit le maintien de contraintes sanitaires strictes qui pèsent sur la demande interne et le secteur du tourisme. Après un recul de plus de 9% du PIB en 2020, le rebond d’activité sera modéré en 2021. Cela dit, le potentiel de croissance reste élevé, les efforts de réforme entrepris au cours de la dernière décennie ayant porté leurs fruits.
Après une contraction modeste de son activité en 2020, l’économie russe enregistre depuis le mois de mars 2021 un très net rebond de sa croissance, soutenue par le dynamisme de la demande intérieure et des exportations. La troisième vague épidémique en cours depuis le mois de juin, associée à la forte hausse des pressions inflationnistes et au durcissement de la politique monétaire qui en a découlé, devrait toutefois peser sur la reprise. Les risques sur l’économie restent néanmoins contenus. Les finances publiques bénéficient de la forte hausse des prix internationaux du pétrole et les risques de refinancement de la dette publique sont faibles en dépit des nouvelles sanctions américaines. Enfin, les réserves de change couvrent l’intégralité de la dette extérieure.
La Covid-19 n’aura été qu’un frein passager à la croissance polonaise. L’économie surperforme celles de ses voisins, avec une récession plus modérée en 2020 et un rebond plus précoce de l’activité. Le risque de crédit apparaît relativement bien contrôlé malgré une participation élevée des entreprises et des ménages au moratoire de remboursement sur les prêts. Les contraintes d’offre font même craindre un risque passager de surchauffe conjoncturelle avec une hausse de l’inflation. Mais le maintien d’un fort excédent courant et la bonne maîtrise de la dette publique sont des éléments stabilisateurs. Le potentiel de croissance reste inchangé même si la perspective d’une harmonisation fiscale internationale peut ralentir les investissements étrangers.
Le rebond de l’économie roumaine est spectaculaire. Le PIB a déjà retrouvé son niveau pré-Covid et la croissance économique devrait être de 8,2% en 2021. Mais cette performance s’accompagne de déficits budgétaire et externe élevés. En conséquence, la dette publique ne devrait pas se réduire à horizon 2022, contrairement aux autres pays d’Europe centrale. Les emprunteurs qui ont bénéficié d’un moratoire sur les remboursements de dette présentent un taux de créances douteuses élevé (10,9%). Le système bancaire devrait pouvoir les absorber. Cependant, la croissance débridée du crédit à l’immobilier mérite d’être surveillée.
L’économie serbe n’a été que modérément affectée par les conséquences de la pandémie de Covid-19 en 2020. L’activité s’est à peine contractée, tandis que la banque centrale a maintenu un niveau de liquidité en devise suffisant dans un contexte d’euroisation élevée de l’économie. Ces bonnes performances sont à relier à l’attractivité de l’économie pour les investisseurs internationaux, ainsi qu’aux efforts passés de consolidation budgétaire, qui ont accru la marge de manœuvre du gouvernement pour soutenir l’activité l’an dernier. À court terme, la reprise devrait être soutenue, grâce notamment aux exportations, et le risque inflationniste maîtrisé. Au-delà, la capacité des autorités à maintenir la compétitivité de l’économie est essentielle pour réduire le risque de change.
Dans un contexte sanitaire très dégradé au T1, l’économie brésilienne a montré de bonnes capacités de résistance. Grâce à un environnement externe plus porteur, une reprise dans les services et un rebond de la confiance, les perspectives à court terme se raffermissent – d’autant que l’épidémie ralentit avec la progression de la vaccination. L’accélération de l’inflation continue toutefois d’inquiéter et pourrait entraîner un resserrement monétaire plus vigoureux d’ici la fin de l’été. Si une hausse des taux plus agressive devrait profiter à la monnaie et aux investissements de portefeuille, elle risque de freiner la reprise et de peser sur les finances publiques
Le succès de la campagne de vaccination, l’amélioration des perspectives de croissance mondiale et la hausse du prix du cuivre permettront un fort rebond d’activité en 2021. D’après l’indice mensuel d’activité, l’économie avait retrouvé au début du deuxième trimestre son niveau de décembre 2019. Au-delà de 2021, les perspectives de croissance peuvent pâtir des tensions politiques qui perdurent dans le pays. Les débats relatifs à l’élection présidentielle, d’une part, et au processus de rédaction de la nouvelle constitution, d’autre part, perturberont probablement la mise en œuvre de la politique économique et les décisions d’investissement privé, domestique et étranger.
L’économie saoudienne a été doublement pénalisée en 2020 : les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont amplifié l’impact récessif de la chute des prix et de la production de pétrole. En plus de l’effet conjoncturel, ces deux chocs exogènes ont des conséquences défavorables sur le processus de réforme, et notamment sur le dynamisme du secteur privé. La reprise attendue en 2021 sera timide, en raison du nouveau ralentissement de l’activité pétrolière. Les déficits budgétaires devraient perdurer à moyen terme, entraînant une hausse de la dette du gouvernement. Les déséquilibres macroéconomiques restent modérés, mais la dépendance persistante au pétrole dans un contexte de transition économique reste une source de vulnérabilité importante.
Après la chute de 1,9% de son PIB, le Nigéria ne devrait connaître qu’une reprise modeste en 2021 en raison de la persistance d’importants déséquilibres macroéconomiques. Malgré des premiers signes de stabilisation, l’inflation demeure très élevée, et les multiples ajustements du naira n’ont toujours pas permis de corriger les dysfonctionnements sur le marché des changes. Si la remontée des cours du pétrole devrait alléger quelque peu les tensions sur la liquidité extérieure, il en faudra sans doute plus pour restaurer la confiance des investisseurs. En l’absence de réformes et sans réelle marge de manœuvre budgétaire, l’économie restera vulnérable à des chocs exogènes.
Déjà fragilisée par plusieurs années de faible croissance et de tensions sociales et politiques, l’Afrique du Sud a été durement affectée par la crise du Covid-19. Le PIB a chuté de 7% en 2020 et les finances publiques se sont fortement dégradées. Toutefois, le pays a également bénéficié d’une amélioration sensible de ses comptes extérieurs, et le boom des recettes d’exportation depuis un an a aidé au rebond de l’activité et des recettes fiscales. Cette meilleure performance macroéconomique a rassuré les investisseurs et facilité la couverture des besoins de financement du gouvernement. Les défis à moyen terme restent néanmoins intacts : de vastes et difficiles réformes demeurent indispensables pour élever le potentiel de croissance et assurer la soutenabilité de la dette publique.
Le PMI manufacturier mondial a accusé une légère baisse en juin, qui masque néanmoins une dynamique divergente : stable aux États-Unis, l’indice a légèrement progressé dans la zone euro, au Royaume-Uni et au Japon et il a reculé en Chine. Il a décroché en Inde, passant en dessous du seuil de 50 et le repli a été encore plus marqué au Vietnam. En résumé, malgré des niveaux toujours très élevés dans les pays développés, la dynamique s’essouffle. Dans les pays émergents, le tableau reste contrasté en termes de niveaux comme de variations par rapport au mois de mai.
Après la catharsis du printemps, qui a vu le vaccin contre la Covid-19 se déployer en même temps que les milliards du plan « Biden », le climat des affaires se tempère légèrement aux États-Unis. En juin, l’indice des directeurs d’achat de l’Institute for Supply Management (ISM) a été mesuré à 60,6 dans le secteur manufacturier, ce qui reste élevé dans l’absolu (la moyenne de long terme se situe plutôt vers 53) mais s’inscrit en retrait par rapport aux mois précédents, notamment mars, qui marquait un record. Dans les services, la même correction modeste était observée.
Entreprises et consommateurs ont été nombreux à voir leurs perspectives s’améliorer dans les économies avancées au premier semestre, mais les enquêtes de conjoncture pourraient désormais marquer le pas. En variation trimestrielle, la croissance du PIB devrait culminer au troisième trimestre de cette année. Toutefois, sur la durée de notre horizon de prévision, qui s’étend jusqu’à la fin de l’année prochaine, la croissance trimestrielle devrait rester supérieure à son potentiel. Ces perspectives favorables pour l’économie réelle soulèvent des défis pour les marchés financiers. Les bonnes surprises sur le plan des performances bénéficiaires risquent de se raréfier. En outre, il va falloir composer avec les perspectives d’inflation
En croissance de près de 7% cette année, l’économie américaine connait un redémarrage aussi spectaculaire qu’inégal, qui efface les pertes causées par la pandémie mais laisse aussi de côté de nombreux actifs. Conséquence du renchérissement des matières premières ainsi que du retour en force de la consommation, l’inflation atteint un pic à 5%, du jamais vu depuis 2008. Tolérante, la Réserve fédérale juge le dérapage transitoire, et évitera de resserrer préventivement la politique monétaire. La généralisation à tous les secteurs de la reprise et le plein rétablissement du marché du travail restent sa priorité.
Le rebond de l’activité à la suite du choc du Covid-19 a été particulièrement rapide, mais également caractérisé par des performances différenciées entre secteurs et entre composantes de la demande. La croissance de la production industrielle et des exportations a accéléré vigoureusement jusqu’au début de 2021 et se normalise maintenant progressivement. Le redressement dans les services et de la consommation privée a été plus lent et se révèle toujours fragile au second trimestre. En conséquence, les autorités chinoises devraient se montrer de plus en plus prudentes dans le resserrement de la politique économique. Le ralentissement du crédit et l’ajustement des déficits budgétaires devraient toutefois rester leurs priorités.
L’économie japonaise a été moins touchée par l’épidémie de Covid-19 que d’autres pays développés. Ainsi, la chute de l’activité en 2020 a été moindre qu’ailleurs. Toutefois, la lenteur de la campagne de vaccination et le manque de confiance des différents agents économiques pèsent sur la dynamique de reprise du pays. Après une belle performance fin 2020, l’économie nippone prendrait donc du retard par rapport aux États-Unis ou à l’Europe. La confiance des consommateurs, élément essentiel à une reprise économique robuste, demeure faible par rapport à son niveau d’avant-crise. Cette dynamique pèse sur la consommation privée et in fine sur la dynamique de l’activité dans le secteur des services marchands. Ces derniers ont beaucoup de mal à retrouver la croissance
Après une forte contraction au premier trimestre 2020, le climat économique s’est nettement amélioré au T2, avec l’ouverture progressive de l’économie. En 2020, le gouvernement allemand a réussi à limiter l’impact de la crise du coronavirus sur les ménages et les entreprises. Cette année, l’orientation de la politique budgétaire restera très accommodante et les mesures de soutien liées à la Covid-19 pourraient représenter 3% du PIB. Les élections législatives fédérales ayant lieu le 26 septembre prochain, le budget pour 2022 sera élaboré par le nouveau gouvernement. D’après les sondages, une coalition serait possible entre la CDU/CSU et les Verts, de sorte que le changement climatique devrait figurer au premier rang des priorités
Au regard des enquêtes sur le climat des affaires en mai et juin, le rebond de l’économie française, au sortir du troisième confinement, est plus vigoureux que prévu. Nous avons rehaussé notre prévision de croissance au T2, d’un chiffre frôlant zéro à presque 1% t/t. Au T3, le rebond mécanique porterait la croissance à environ 3% t/t. Elle refluerait ensuite, l’effet de rattrapage se dissipant, mais resterait élevée, soutenue par l’impulsion budgétaire. Le revers de la médaille du redressement vigoureux de la demande est la mise sous tension de l’offre. Les contraintes d’approvisionnement, la hausse des prix des intrants, les difficultés de recrutement qui en découlent sont autant de points de friction pouvant freiner la reprise
Au début de l’année, la croissance économique a dépassé les attentes. Au premier trimestre, le PIB réel italien a ainsi progressé de 0,1%. La consommation privée a, de nouveau, reculé, reflétant l’évolution décevante des revenus et une propension toujours élevée à l’épargne, tandis que l’investissement a grimpé de près de 4%. La reprise a été inégale : l’industrie et le bâtiment ont rapidement rebondi, alors que les services étaient toujours à la peine. La croissance économique devrait se raffermir dans les prochains mois. Avec l’accélération du programme de vaccination et l’amélioration notable des perspectives en matière de santé, consommateurs et entreprises ont retrouvé la confiance
Alors que les voyants semblaient passer au vert sur le front sanitaire, la propagation du variant Delta en Espagne, comme ailleurs en Europe, inquiète. À ce stade, les risques restent contenus et l’activité économique devrait accélérer notablement cet été. Le relâchement des restrictions de voyage et le pass sanitaire européen (en place depuis le 25 juin) permettront au secteur touristique espagnol de relever la tête, ce qui aura des effets d’entraînement sur la consommation et l’emploi. Néanmoins, et malgré un rebond de la croissance important estimé à 6,0% en 2021, les finances publiques espagnoles porteront pour plusieurs années encore les stigmates du coronavirus