Bien que l’Allemagne ait retrouvé le chemin de la croissance au 1er trimestre 2022, avec un PIB qui a progressé de +0,2% (t/t) d’après la première estimation publiée par l'Office fédéral de la statistique (Destatis), le mois de mars porte déjà les séquelles du conflit russo-ukrainien et des confinements stricts dans plusieurs régions de Chine. La production industrielle, dont le secteur représente 24% du PIB allemand, s’est fortement repliée au mois de mars (-4,6% m/m) après une croissance quasi-nulle en février.
Elle reste très éloignée du son niveau d’avant-crise (T4 2019), à –5,2%. Pire, cette nette baisse sur le dernier mois du 1er trimestre constitue un acquis de croissance nettement négatif pour le 2e trimestre à –3%. Parmi les facteurs limitant fortement la production, selon l’enquête trimestrielle dans l’industrie de la Commission européenne, les chefs d’entreprises sont 90% au 1e trimestre à mentionner des difficultés d’approvisionnement en intrants contre moins de 6% en temps normal1 et ces facteurs limitants resteraient prégnants au 2e trimestre (77%). Le manque de personnel est également un frein à la production pour 38% des entreprises dans un contexte de marché du travail tendu.
La baisse de l’activité industrielle s’est accompagnée d’un repli des exportations de –3,3% (m/m) au mois de mars, tandis que les importations sont restées dynamiques (+3,4% m/m). La résultante de cet « effet ciseau » est que l’excédent commercial allemand s’est très fortement réduit, à EUR 3,2 mds (après EUR 11,1 mds), et retrouve son plus bas niveau observé durant le premier confinement en avril 2020 (EUR 3,5 mds). Le contexte géopolitique a fait chuter les exportations en direction de la Russie (–62,3% m/m) contrairement aux importations, qui n’ont que légèrement baissé (–2,4% m/m), reflet de la dépendance énergétique allemande. Entre le conflit russo-ukrainien et les mesures anti-Covid hautement restrictives en Chine, la demande mondiale adressée à l’Allemagne est en net retrait : les nouvelles commandes venues de l’étranger en mars ont reculé pour le deuxième mois consécutif (–6,7% m/m) et la chute est encore plus marquée concernant les nouvelles commandes venant de pays en dehors de la zone euro (-13,2% m/m).
Les perspectives pour l’Allemagne restent négatives pour le 2e trimestre 2022. L’inflation a atteint un niveau record depuis la réunification de l'Allemagne en 1990, à 7,4% en avril sur un an. Il faut remonter à octobre 1981 en Allemagne de l’Ouest, durant la guerre irano-irakienne, pour retrouver des rythmes d’inflation semblables. Les analystes interrogés par le ZEW pour le mois de mai estiment que l’activité récente s’est nettement dégradée en Allemagne : l’indicateur évaluant la situation actuelle perd –5,7 points, à –36,5. Si l'indicateur portant sur les prochains mois s’est redressé (+6,7 points), il reste nettement en territoire négatif (–34,3).