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Malaisie : reprise à peine déstabilisée

21/04/2022
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Après avoir enregistré une croissance modeste en 2021, l’activité économique en Malaisie devrait rebondir plus sensiblement en 2022. Elle sera soutenue par le dynamisme de la demande intérieure, une politique budgétaire toujours expansionniste et la réouverture des frontières aux touristes. Exportateur de matières premières (pétrole, huile de palme principalement), le pays devrait profiter de la hausse des prix internationaux sans pour autant être affecté directement par le conflit en Ukraine. Grâce au supplément de revenus généré par la hausse des prix du pétrole, le gouvernement devrait être en mesure de prendre à sa charge en grande partie la hausse des prix, pour ne pas fragiliser les ménages déjà appauvris par la crise de 2020. Dans cet environnement déjà incertain, une grosse inconnue persiste : la durée et l’ampleur du confinement en Chine qui pourrait peser sur les exportations de la Malaisie.

PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES DE LA MALAISIE
INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION

Accélération de la croissance en 2022

En 2021, le PIB réel a progressé de seulement 3,1% après s’être contracté de 5,6% en 2020. A prix constants, le PIB de la Malaisie était donc toujours 2,7% en deçà du niveau qui prévalait avant la crise de la COVID-19. Ce modeste rebond de 2021 s’explique notamment par les différentes vagues épidémiques enregistrées dans le courant de l’année qui ont fortement pesé sur la demande intérieure.

En 2022, l’activité économique devrait rebondir sensiblement. Elle sera soutenue par le dynamisme de la demande intérieure, favorisée par une hausse des investissements publics, un allègement des contraintes sanitaires (80% de la population était totalement vaccinée début avril), la consolidation du marché du travail (encore dégradé par rapport à 2019 mais en nette amélioration depuis la fin 2021) et la ré-ouverture du pays aux touristes à partir du 1er avril 2022 (les revenus du tourisme s’élevaient en moyenne à 6% du PIB avant la pandémie).

Par ailleurs, la Malaisie devrait bénéficier de la hausse des prix des matières premières, surtout si le gouvernement limite les répercussions négatives pour les ménages.

Les principales matières premières exportées (hydrocarbures, huile de palme) représentent 19% des exportations du pays. L’augmentation des cours mondiaux, induite par le conflit en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie, va générer un surplus de revenus pour les entreprises exportatrices et le gouvernement. Selon une étude publiée par AMRO, une hausse des prix du pétrole de 10% aurait un impact positif de 0,4 point de pourcentage sur la croissance de la Malaisie.

Cependant, à ces facteurs de soutien à la croissance s’opposent les contraintes générées par le conflit en Ukraine qui se sont déjà traduites par une baisse de l’indice de confiance des entrepreneurs au mois de mars (l’indice PMI dans le secteur manufacturier a baissé à 49,6).

L’impact direct du conflit sera limité pour la Malaisie car ses relations commerciales et financières avec l’Ukraine et la Russie sont limitées. En revanche, la Malaisie sera indirectement impactée par les nouvelles perturbations dans l’approvisionnement des chaînes de valeur mondiales, en particulier sur le marché des semi-conducteurs (qui constituent près de 22% des exportations de la Malaisie). En effet, le palladium et le gaz néon, tous deux essentiels à la production des puces, sont produits principalement en Russie et en Ukraine.

Par ailleurs, la recrudescence de l’épidémie de COVID-19 en Chine en mars-avril et les confinements qui en résultent devraient peser sur les exportations de la Malaisie (15,5% sont à destination de la Chine) et perturber les approvisionnements mondiaux.

Pour finir, si les entreprises exportatrices et le gouvernement devraient bénéficier de la hausse des prix des matières premières, ce ne sera pas le cas des ménages. On redoute en particulier l’impact de la hausse des prix alimentaires sur les ménages les plus fragilisés par la crise de 2020. Le taux de pauvreté a augmenté de 5,6% en 2019 à 8,4% en 2020. Par ailleurs, en février 2022, le marché du travail n’avait pas encore retrouvé sa situation d’avant crise (le taux de chômage s’établissait à 4,1% vs 3,3% en 2019). En outre, la progression nominale des salaires dans le secteur privé n’a pas été suffisante en 2021 (+0,4% après une contraction de 2,4% en 2020) pour permettre aux ménages de faire face à un nouveau choc inflationniste.

Le gouvernement devrait retenir le risque inflationniste

En février 2022, l’inflation globale est restée contenue à seulement 2,2% en glissement annuel (g.a). Néanmoins des tensions sur les prix des produits alimentaires et des transports ont été enregistrées depuis la fin de l’année 2021.

La Malaisie importe des produits alimentaires (céréales, viande, fruits et végétaux) et des engrais. Même si ses importations de céréales restent modestes (l’équivalent de 0,6% du PIB en 2021), la hausse des prix alimentaires provoquée par le conflit en Ukraine pourrait générer une augmentation générale des prix estimée à 22 points de base (pb) en 2022, sans parler de l’effet induit par la hausse des prix des engrais sur les prix de 2023. On estime, en effet, que l’élasticité des prix alimentaires aux prix internationaux est de 0,6 alors que l’alimentaire constitue 28,4% du panier de consommation des ménages. Mais pour les ménages les plus pauvres, les produits alimentaires représentent 38,5% de leur consommation. En outre, ces prix ont déjà augmenté de 3,9% en g.a. en février vs 1.5% à la même époque l’année dernière.

L’augmentation des prix du pétrole pourrait quant à elle générer une hausse des prix domestiques de 60pb si elle était intégralement répercutée. A ce jour, le gouvernement a maintenu inchangés les prix des principaux carburants (diesel et sans-plomb 95) afin de protéger les ménages déjà fortement fragilisés par la crise sanitaire.

En outre, l’augmentation des recettes budgétaires (induite par la hausse des prix du pétrole), pourrait permettre au gouvernement de prendre à sa charge l’intégralité de la hausse des prix internationaux du pétrole sans fragiliser ses finances publiques. Le budget du gouvernement a été établi avec un prix moyen du pétrole de USD67 par baril. Le gouvernement prévoyait alors d’encaisser RM43.9 mds (2,7% du PIB) de revenus issus du pétrole (sous la forme de taxes directes et indirectes mais aussi de dividendes versés par Petronas).

Avec la hausse des prix du pétrole portés à 102USD le baril en moyenne sur les trois premiers mois de l’année 2022 (+52% par rapport au budget prévisionnel du gouvernement), les recettes pétrolières pourraient s’élever à RM85 mds (5,2% du PIB), générant ainsi un surplus de RM41.1 mds par rapport au budget initial. Le gouvernement estime par ailleurs que le surcoût en termes de subventions sur le prix au détail de l’essence, pour le maintenir inchangé, serait de RM17 mds par rapport à 2021. Même en supportant l’intégralité de la hausse des prix du pétrole, le gouvernement disposerait encore d’un excès de recettes par rapport à son budget prévisionnel, équivalent à 1,4% du PIB.

Dans ces conditions, même si aucune annonce n’a encore été faite concernant l’adoption de subventions, il apparait probable que le gouvernement mette en place une politique de soutien, à minima pour les ménages les plus fragiles, et ce d’autant plus que des élections pourraient avoir lieu au S2 2022. Le gouvernement et les partis d’opposition se sont accordés en septembre 2021 pour assurer une certaine stabilité politique jusqu’en juillet 2022.

Les comptes extérieures sont soutenus par la hausse des matières premières

La balance des paiements est solide. En 2021, pour la deuxième année consécutive, la position extérieure nette du pays a enregistré un solde créditeur équivalent à 5,9% du PIB. En février les réserves de change s’élevaient à USD103 mds, l’équivalent de 4,9 mois d’importations de biens et services.

Le pays a un excédent structurel de son compte courant. En 2021, cet excédent s’est légèrement réduit (-0,7pp à 3,5% du PIB) en raison de la hausse du déficit du compte des services (due à l’effondrement des recettes de tourisme) mais son surplus commercial a atteint 11% du PIB. La Malaisie a bénéficié de la hausse des prix des matières premières et du rebond du commerce mondial. Par ailleurs, les investissements directs étrangers ont sensiblement accéléré pour atteindre 4,7% du PIB alors qu’ils s’élevaient à seulement 2,7% du PIB en moyenne sur les cinq années précédant la crise de la COVID-19.

MALAISIE : SOLDE DU COMPTE COURANT

Les comptes extérieurs devraient rester solides en 2022, soutenus, d’une part, par les prix élevés des matières premières et, d’autre part, par la réouverture des frontières aux touristes (le déficit du compte des services a atteint 4% du PIB en 2021 contre seulement 1,4% en moyenne sur la période 2015-2019). Sur les deux premiers mois de 2022, les exportations ont enregistré une croissance très solide (+20,2% corrigée des variations saisonnières) contribuant à accroître le surplus commercial. Les combustibles ainsi que les huiles végétales et animales ont enregistré les hausses les plus fortes.

Les risques sur le compte courant ne sont pour autant pas nuls. L’ampleur du choc inflationniste mondial et du choc épidémique en Chine vont peser sur la demande mondiale. Par ailleurs, l’afflux de touristes sera contraint par l’absence de visiteurs chinois (dont les recettes constituaient près de 18% des recettes touristiques de la Malaisie avant la crise de la Covid) et par la perte de pouvoir d’achat des consommateurs de tous les pays d’Asie (l’ASEAN représente 50,8% des touristes).

Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt américains pourrait générer des sorties de capitaux, surtout si la banque centrale de Malaisie maintient une politique monétaire accommodante. Cependant, en février et mars, le pays a continué d’enregistrer des entrées nettes d’investissements de portefeuille (selon les données de l’IIF). La Malaisie, comme la majorité des pays exportateurs de matières premières, a en effet bénéficié d’un regain de confiance des investisseurs. Contrairement aux monnaies des autres pays de l’ASEAN, le ringgit est resté relativement stable face au dollar depuis le début de l’année.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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