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Serbie : secousses passagères

21/04/2022

Les conséquences de la guerre en Ukraine sur l’économie serbe devraient rester modérées. Elles auront néanmoins un négatif sur l’ensemble des indicateurs macroéconomiques. Les perspectives de croissance ont été revues à la baisse en raison de la forte hausse de l’inflation, de l’exposition commerciale à la Russie et d’une conjoncture européenne moins porteuse. Envisageant une poussée inflationniste effet de courte durée, la banque centrale a durci modérément sa politique monétaire pour le moment. Les comptes extérieurs devraient se détériorer en raison du creusement du déficit courant et d’un possible ralentissement des flux d’investissements directs étrangers, mais la banque centrale devrait conserver les moyens de défendre la stabilité du dinar. C’est un élément clé de la stabilité macroéconomique serbe étant donné l’euroisation d’une grande partie des bilans bancaires et de la dette du gouvernement. Dans cet environnement, le rétablissement des comptes publics sera retardé, mais la hausse de la dette publique devrait rester modérée.

PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES DE LA SERBIE
SERBIE : CONTRIBUTIONS À LA CROISSANCE

Baisse des perspectives de croissance

L’économie serbe connaît une croissance vigoureuse depuis plusieurs années et n’a été que modérément affectée par les conséquences de la pandémie. En effet, le PIB ne s’est replié que de 0,9% en termes réels en 2020. Le fort rebond de 2021 (7,5%) est principalement dû au dynamisme de la demande interne. La consommation des ménages (+7,7%) a bénéficié de la hausse des salaires réels (+4,6%), de la baisse du chômage (9,8% à fin 2021 contre 12,8% en mars 2021) et de la croissance du crédit (+11% pour le crédit aux ménages). Le gouvernement a maintenu certaines mesures de soutien direct aux ménages et aux entreprises (environ 2,3% du PIB en 2021). Par ailleurs, le rebond de l’investissement a été significatif (+12,8%), grâce notamment au secteur de la construction.

Pour 2022, nous avons revu à la baisse notre prévision de croissance à 3,5%. Les conséquences directes de la guerre en Ukraine sur l’activité devraient être modérées. La principale dépendance de la Serbie vis-à-vis de la Russie est énergétique puisqu’un quart de ses importations de pétrole, deux-tiers de ses importations de gaz et 10% de ses achats de charbon viennent de Russie, avec des conditions tarifaires favorables. Le mix énergétique serbe est fortement dépendant des énergies fossiles (87% contre 72% en moyenne dans l’UE), et notamment du charbon qui contribue pour moitié à l’énergie consommée dans le pays. Pour le moment, le gouvernement serbe ne s’est pas joint aux sanctions contre la Russie et son approvisionnement énergétique n’est pas perturbé. Du côté des exportations, l’Ukraine et la Russie représentent 6,5% des exportations serbes, principalement des produits alimentaires et des biens d’équipement. Elles pourraient être affectées par le conflit, au moins à court terme.

SERBIE : INFLATION DES PRIX À LA CONSOMMATION

Les conséquences indirectes de la guerre en Ukraine pourraient être plus significatives. La forte hausse de l’inflation devrait freiner la progression du pouvoir d’achat des ménages et la celle des prix des matériaux de construction devrait affecter le secteur de la construction. Les exportations subiraient le ralentissement de la croissance européenne (premier partenaire commercial), et plus particulièrement les difficultés du secteur automobile qui représente environ 10% des exportations totales. L’ampleur de la reprise de l’activité en 2023 sera largement déterminée par celle des pressions inflationnistes. Notre scénario central table sur une réduction progressive de ces pressions au second semestre 2022. Cela devrait contribuer à une légère accélération de la croissance du PIB à 4% en 2023.

Durcissement modéré de la politique monétaire

Le déficit courant devrait augmenter assez fortement cette année et atteindre 6,9% du PIB. En effet, même si le prix de certaines matières premières devraient rester stable (notamment les importations de gaz russe à un prix plus favorable que celui du marché au moins durant le premier semestre de 2022), les prix des importations alimentaires, de matériaux bruts, de métaux et de produits chimiques (environ 35% des importations totales) devraient connaître des augmentations significatives. Du côté des exportations, le ralentissement conjoncturel européen et une possible réduction des exportations vers la Russie et l’Ukraine (6,4% des exportations totales en 2020) devraient peser sur les revenus du pays. Traditionnellement, le déficit du compte courant est couvert par les investissements directs étrangers (IDE) et les émissions de dette souveraine en devises. Jusqu’à maintenant, la hausse des tensions géopolitiques ne s’est pas traduite par une forte augmentation de l’aversion au risque vis-à-vis des actifs serbes. La prime de risque sur les Eurobonds a augmenté modérément de 50 points de base depuis fin février.

Les IDE nets ont atteint 4% du PIB en moyenne au cours des cinq dernières années et ils se tasseraient cette année (autour de 3% du PIB) en raison d’un environnement régional moins favorable. Les émissions souveraines devraient rester soutenues par la persistance d’un déficit budgétaire (modéré). Les comptes extérieurs sont assez peu exposés aux capitaux volatils puisqu’on estime que la dette gouvernementale en dinar de court terme, détenue par les investisseurs étrangers, est équivalente à environ EUR 2 mds, soit 13% des réserves de change de la banque centrale fin 2021. Nous prévoyons une très faible progression des réserves de change qui devraient atteindre EUR 16,6 mds fin 2022, équivalant à 5,6 mois d’importations de biens et services. Cela devrait aider à maintenir la stabilité du dinar par rapport à l’euro. Le principal risque pesant sur ce scénario est celui d’une nouvelle forte hausse des prix des matières premières, qui creuserait le déficit courant et entraînerait une baisse des réserves de change.

Détérioration des comptes extérieurs

Le déficit courant devrait augmenter assez fortement cette année et atteindre 6,9% du PIB. En effet, même si le prix de certaines matières premières devraient rester stable (notamment les importations de gaz russe à un prix plus favorable que celui du marché au moins durant le premier semestre de 2022), les prix des importations alimentaires, de matériaux bruts, de métaux et de produits chimiques (environ 35% des importations totales) devraient connaître des augmentations significatives. Du côté des exportations, le ralentissement conjoncturel européen et une possible réduction des exportations vers la Russie et l’Ukraine (6,4% des exportations totales en 2020) devraient peser sur les revenus du pays. Traditionnellement, le déficit du compte courant est couvert par les investissements directs étrangers (IDE) et les émissions de dette souveraine en devises. Jusqu’à maintenant, la hausse des tensions géopolitiques ne s’est pas traduite par une forte augmentation de l’aversion au risque vis-à-vis des actifs serbes. La prime de risque sur les Eurobonds a augmenté modérément de 50 points de base depuis fin février.

Les IDE nets ont atteint 4% du PIB en moyenne au cours des cinq dernières années et ils se tasseraient cette année (autour de 3% du PIB) en raison d’un environnement régional moins favorable. Les émissions souveraines devraient rester soutenues par la persistance d’un déficit budgétaire (modéré). Les comptes extérieurs sont assez peu exposés aux capitaux volatils puisqu’on estime que la dette gouvernementale en dinar de court terme, détenue par les investisseurs étrangers, est équivalente à environ EUR 2 mds, soit 13% des réserves de change de la banque centrale fin 2021. Nous prévoyons une très faible progression des réserves de change qui devraient atteindre EUR 16,6 mds fin 2022, équivalant à 5,6 mois d’importations de biens et services. Cela devrait aider à maintenir la stabilité du dinar par rapport à l’euro. Le principal risque pesant sur ce scénario est celui d’une nouvelle forte hausse des prix des matières premières, qui creuserait le déficit courant et entraînerait une baisse des réserves de change.

Report de la réduction du déficit budgétaire

Le déficit budgétaire s’est réduit en 2021 grâce au rebond de l’activité et à la forte progression des recettes fiscales (+20% en g.a). Celles-ci ont notamment été portées par la hausse des recettes de TVA (+20% en g.a.) qui représentent un quart des revenus du gouvernement. Le déficit budgétaire est toutefois resté assez élevé, à 4,3% du PIB en 2021, en raison du maintien des dépenses exceptionnelles liées à la pandémie L’important ralentissement de la croissance économique devrait empêcher la réduction du déficit en 2022 (attendu à 4,6% du PIB).

La dette du gouvernement était estimée à 57% en 2021 et devrait décliner très légèrement en 2022 et 2023. La charge de la dette reste modérée (le paiement des intérêts a représenté 4% des revenus budgétaires en 2021). Cependant la composition de la dette est une source de vulnérabilité puisque 71% est libellé en devises étrangères, dont 14% dans une devise autre que l’euro. La consolidation des comptes publics est donc étroitement liée à la capacité de la banque centrale à limiter la volatilité du taux de change.

LES ÉCONOMISTES EXPERTS AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

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