La fragilité de la situation budgétaire exacerbée à la pandémie
Les finances publiques de l’Afrique du Sud se sont très largement dégradées au cours des dernières années sur fond de croissance anémique, de baisse de la productivité et d’augmentation continue des dépenses publiques. Ces éléments ont creusé le déficit, passé de -4,1%% du PIB sur l’exercice 2014/15 à -6,1% en 2019/20. Les espoirs de redressement budgétaire en 2018, avec l’arrivée du gouvernement Ramaphosa, se sont rapidement dissipés. La situation n’a cessé de se dégrader avec notamment une progression continue du service de la dette (+12,5% par an) et des salaires du secteur public (+6,5% par an entre 2014/15 et 2019/20).
Le dérapage budgétaire s’est encore accéléré au cours des trois années passées. En 2019, le plan de soutien à Eskom, la société publique de fourniture d’électricité (près de ZAR 60 mds soit 1% du PIB), creuse davantage le déficit. En 2020, confrontées à une récession économique sans précédent, les autorités ont maintenu et accentué la politique expansionniste à travers un vaste plan de relance. Estimées à ZAR 500 milliards (USD 27 mds ou 10% du PIB), les mesures d’urgence ont augmenté considérablement les dépenses (+9% en moyenne annuel sur 2018/19 et 2019/20 par rapport à l’exercice fiscal précédent). Dans le même temps, les revenus ont marqué un recul moyen de -4%, alimentant les inquiétudes sur le dérapage budgétaire et la dynamique de la dette.
Le déficit a atteint -9,9% du PIB en 2020/21 dont la dette publique représente près de 71%. Le soutien accru des créanciers officiels via des lignes de créances à taux d’intérêt faible et le recours accru à l’émission de bons du Trésor sur le marché domestique ont permis de financer le déficit à un coût encore raisonnable. En 2021, dans un contexte de reprise, le déficit a pu se réduire légèrement mais le ratio de dette publique a lui continué d’augmenter.
Des prévisions budgétaire optimiste à modérer
Pour l’année fiscale à venir, le gouvernement a publié fin février des prévisions budgétaires plus favorables que celles de fin 2021. Néanmoins, l’optimisme est alimenté principalement par des facteurs cycliques et les fragilités structurelles demeurent.
Le déficit pour l’année budgétaire 2021/2022 a été révisé à la baisse, grâce à une croissance plus rapide que prévu des recettes fiscales, tirée par le cycle haussier des prix du secteur minier.
Pour l’année budgétaire 2022/23, les prix élevés des principales exportations (aluminium, or et diamants) devraient continuer d’accroître les retombées fiscales. En revanche, et de manière inédite, les taxes sur le carburant ne devraient pas être augmentées, le gouvernement veillant à contenir les prix à la pompe.
Du côté des dépenses, le projet de maîtrise des dépenses courantes est maintenu avec une hausse de 4% par rapport à 2021. Cette augmentation est en ligne avec la hausse des programmes sociaux, et notamment l’extension de l’allocation sociale exceptionnelle mise en place pendant la pandémie. La subvention de 350 ZAR a été prolongée jusqu'à mars 2023, pour un coût total estimé à ZAR 44 mds, soit 0,7 % du PIB. La stratégie de consolidation des dépenses repose principalement sur la maîtrise des salaires dans la fonction publique (près de 35% des dépenses courantes totales) et l’absence de soutiens supplémentaires aux entreprises publiques. Le coût du service de la dette reste le poste de dépenses qui augmente le plus (+12% par an en moyenne sur 2022/23 et 2023/24), soit un rythme bien supérieur à la croissance nominale anticipée. Ainsi, le budget se base sur des projections optimistes de croissance du PIB en termes réels de 1,9% sur 2022/23 et 1,7% sur 2023/24. Or, le budget ayant été élaboré avant le début du conflit en Ukraine, on estime que la croissance réalisée sera plus faible (respectivement +1,5% et +1% en 2022/23 et 2023/24 selon nos prévisions) principalement à cause d’une baisse de la demande intérieure.
Le conflit en Ukraine risque en effet d’accroître l’inflation, ce qui pénaliserait la demande intérieure. L’Afrique du Sud a noué peu de liens directs avec l’Ukraine et la Russie (0,8% des importations totales en 2020) mais son statut d’importateur net d’hydrocarbures et de céréales l’expose à l’augmentation générale des prix et aux ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Déjà constatées sous l’effet de la reprise mondiale, via la hausse du prix de l’énergie, les tensions sur les prix commencent à se propager à d’autres postes tels que l’alimentation. En conséquence, nous avons révisé drastiquement notre prévision d’inflation. Elle devrait atteindre +6,5% sur l’année civile 2022 et 4,5% en 2023.