L’inflation harmonisée en zone euro a de nouveau surpris défavorablement en octobre, atteignant 10,7% en g.a. d’après l’estimation préliminaire d’Eurostat, contre une prévision du consensus Bloomberg de 10,2%. C’est le deuxième mois d’affilée que les prix accélèrent autant (+0,8 point). Cette mauvaise nouvelle ne vient pas seule : cette accélération est imputable à hauteur de la moitié à l’inflation sous-jacente, de 0,3 point à l’inflation alimentaire et de 0,1 point à la composante énergie. L’inflation continue donc de se propager et de se renforcer. Si la composante commune et persistante de l’inflation (PCCI) semble avoir atteint un pic en mai de cette année (à 6,4%), son reflux (5,5% en septembre, dernier point disponible) n’est pas encore visible dans les autres mesures de l’inflation.
Le détail par pays est moins négatif. En effet, l’accélération des prix n’est pas généralisée à l’ensemble des États membres de la zone euro : neuf d’entre eux enregistrent une hausse de l’inflation, neuf autres une baisse (l’inflation étant stable au Luxembourg). Le caractère dispersé des évolutions est plus frappant encore si l’on considère, d’un côté, l’inflation en Espagne (qui perd 1,7 point et retombe à 7,3% en g.a., rejoignant la France (7,1%) parmi les pays ayant l’inflation la moins élevée) et, de l’autre, l’inflation en Italie qui bondit de 3,4 points, à 12,8% en g.a.
Cette nouvelle surprise défavorable sur l’inflation n’en est cependant pas vraiment une : les forces inflationnistes à l’œuvre sont connues. Ce qui reste incertain, ce sont la date et le niveau du pic ainsi que l’ampleur du reflux à venir. Du côté de la croissance, la situation est moins lisible. La croissance enregistrée au T3 (+0,2% t/t selon l’estimation préliminaire d’Eurostat) est faible mais elle est surtout positive alors que les données d’enquêtes (climat des affaires et confiance des consommateurs) pointaient, semblait-il clairement, vers une baisse.
On ne dispose pas encore des détails de la composition de cette croissance pour mieux comprendre ce qui l’a soutenue, et dans quelle mesure ces facteurs sont susceptibles de se prolonger ou de se retourner au T4. Mais, compte tenu de la détérioration des enquêtes (visible sur notre baromètre) et des effets négatifs du choc inflationniste et de la crise énergétique qui montent en puissance, si la contraction du PIB a été évitée au T3, elle ne devrait pas l’être au T4. Les bonnes nouvelles dans ce panorama conjoncturel qui tire vers le noir continuent de venir du marché du travail et de la poursuite de la baisse du taux de chômage (6,6% de la population active en septembre).
Pour la BCE, après avoir de nouveau augmenté ses taux directeurs de 75 points de base (pb) lors de sa réunion du 27 octobre, il pourrait être l’heure de relâcher quelque peu le rythme à compter de la réunion du 15 décembre, du fait des craintes montantes de récession, du chemin déjà parcouru dans le processus de resserrement, des autres leviers à l’œuvre (remboursements des TLTRO, QT prochainement) et des effets retardés des 200 pb cumulés des hausses passées. Nous tablons désormais sur une hausse de 50 pb (contre 75 précédemment), suivie de deux autres de même ampleur en février et mars 2023, portant le taux de dépôt à 3,00%, ce qui serait nettement en territoire restrictif.