Le FOMC a lancé un nouveau cycle de resserrement des taux : ses membres tablent sur six hausses supplémentaires cette année et sur quatre autres en 2023. Compte tenu d’un taux directeur très bas, d’une inflation exceptionnellement élevée et d’une économie robuste, cette orientation restrictive n’a rien de surprenant. La Fed disposant d’un double mandat, le rythme et l’ampleur des relèvements de taux dépendront de l’évolution de l’inflation, mais aussi du taux de chômage. Comme le montrent les cycles de resserrement précédents, les inquiétudes sur le risque de hausse du chômage jouent un rôle important dans la décision de mettre un terme à la politique de restriction monétaire. La banque centrale devra espérer que l’inflation aura suffisamment reculé au moment où ce risque réapparaîtra.
Le FOMC a amorcé un nouveau cycle de resserrement monétaire1 et, lors de sa conférence de presse, Jerome Powell a délivré un message au ton ferme. Ce tournant est compréhensible : outre un taux directeur très bas et une inflation particulièrement élevée, l’économie est robuste et devrait, par conséquent, être capable de supporter cette hausse des taux d’intérêt. On peut néanmoins s’interroger sur le nombre de relèvements qui seront nécessaires pour maîtriser l’inflation. La question du resserrement cumulé a, en effet, une incidence sur le niveau des rendements des Treasuries, la fixation du prix des autres catégories d’actifs – actions, obligations d’entreprises, immobilier, etc.– mais aussi sur l’économie réelle, compte tenu du rôle des taux d’intérêt dans les décisions d’investissement et de dépense des entreprises et des ménages. Elle est également importante pour les finances publiques et, compte tenu du rôle du dollar au niveau mondial, pour les flux de capitaux internationaux. Les mesures de politique monétaire de la Réserve fédérale ont tendance à avoir des répercussions à l’échelle mondiale, en particulier, dans les économies en développement2.
La projection médiane des membres du FOMC est de six hausses supplémentaires cette année, suivies de quatre autres en 2023, avec un taux des fonds fédéraux atteignant 2,8%3 , soit 40 points de base au-dessus de la projection à long terme relative au taux directeur. En 2024, ce taux resterait stable. L’inflation est prévue à 2,3%, pour cette même année, chiffre qui semble suffisamment proche de l’objectif pour ne pas justifier de relèvements supplémentaires.
Il convient de noter que, malgré le resserrement monétaire et le ralentissement consécutif de la croissance – de 2,8 % en 2022 à 2,2% en 2023 et 2,0% l’année suivante – la projection relative au taux de chômage est remarquablement stable : 3,5 % cette année et la suivante et 3,6% en 2024. Autrement dit, le FOMC table sur un atterrissage en douceur – retour de l’inflation vers l’objectif sans provoquer une récession – même si l’histoire montre qu’un tel résultat est difficile à atteindre4 . Eu égard au double mandat de la Fed, l’évolution du taux de chômage comme du taux d’inflation déterminera le rythme et l’importance du resserrement monétaire, mais on peut se demander lequel des deux occupera la plus grande place dans sa fonction de réaction. Généralement, la première phase d’un cycle de resserrement est associée à une baisse continue du taux de chômage, qui est cependant suivie, dans une deuxième phase, d’une stabilisation de ce taux et la fin du cycle de resserrement monétaire (graphique 1 et graphiques 2-7 pour un examen plus approfondi des divers cycles). Cela semble indiquer que l’inquiétude du FOMC grandit alors face au risque de hausse imminente du taux de chômage, susceptible d’entraîner une récession. En effet, une augmentation, même minime, du taux de chômage survient toujours dans un contexte de récession5.
C’est ce qui rend l’actuel cycle de hausse des taux particulièrement périlleux. L’inflation est, en effet, nettement plus élevée par rapport à l’objectif que lors des cycles précédents, ce qui, a priori, devrait justifier de nombreux tours de vis. Cependant, le taux de chômage est aussi plus faible qu’à l’amorce des cycles de resserrement précédents. Cela pourrait induire que le point du taux de chômage dans ce cycle serait atteint plus rapidement. Il reste à savoir si l’inflation, qui est anormalement élevée, aura alors suffisamment diminué pour justifier la fin du cycle de resserrement. À défaut, la Fed sera confrontée à un choix difficile : poursuivre la lutte contre l’inflation au risque de provoquer une récession ou préserver la croissance et le marché du travail, au risque de nuire à sa réputation anti-inflationniste. Lors de l’audition récente de Jerome Powell devant le Congrès, ce dernier lui a demandé s’il était prêt, à l’instar de Paul Volcker au début des années 1980, à mettre tout en œuvre pour juguler l’inflation. « J’espère que l’histoire retiendra que la réponse à votre question est : oui »6, a déclaré sans équivoque le président de la Fed.
Le FOMC est confronté à un exercice d’équilibriste : juguler l’inflation tout en espérant que le marché du travail ne pâtira pas trop de la hausse des taux d’intérêt.