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Baromètre de l'inflation octobre 2023

05/10/2023
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Focus sur les mesures alternatives de l’inflation en zone euro

Autant les chiffres de l’inflation dans la zone euro pour le mois d’août avaient alerté sur la lenteur de la désinflation, autant ceux de septembre (estimations préliminaires d’Eurostat) vont dans le sens d’une accélération et d’une amplification.

L’inflation totale comme celle sous-jacente ont perdu près d’un point en glissement annuel (g.a.). Le recul touche les quatre principaux postes de l’IPCH (indice harmonisé des prix à la consommation) : produits manufacturés (baisse de la contribution de -0,1 point), services (-0,3), alimentation (-0,2), énergie (-0,1). Les deux inflations – totale et sous-jacente - restent élevées (respectivement 4,3 et 4,5% en g.a.) mais le reflux devient plus visible.

Focus sur les mesures alternatives de l’inflation en zone euro

La baisse des différentes mesures alternatives de l’inflation (alternatives au sens moins volatiles et plus représentatives de la tendance), les principales étant représentées sur le graphique, viennent renforcer ce message. Le recul de l’indicateur PCCI (Persistent and Common Component of Inflation) est le plus marqué (seule mesure de l’inflation sous la barre des 3% depuis juin 2023) et le plus précoce (l’indicateur s’est retourné dès le début 2022). C’est un signal désinflationniste fort de la perte de persistance de l’inflation et de son caractère commun à l’ensemble des pays de la zone euro et des sous-composantes de l’IPCH.

La mesure dite supercore ne dérive pas seulement d’une analyse purement statistique, expurgeant l’inflation de ses composantes les plus volatiles : elle présente l’intérêt de faire explicitement un lien avec les conditions macroéconomiques. En effet, l’indice supercore est basé sur les seules composantes sous-jacentes identifiées comme sensibles au degré d’utilisation des capacités de production (mesuré par l’écart de production). Le reflux de cette mesure est engagé mais il s’avère plus modéré, pour le moment, que celui des autres mesures alternatives de l’inflation.

Le profil de l’inflation médiane et de l’indicateur à moyenne tronquée à 10%[1] est plus proche de celui de l’inflation totale : ces deux mesures sont montées nettement plus haut que les autres mesures alternatives de l’inflation et sont plus nettement redescendu depuis leur pic atteint en octobre 2022 (respectivement de -2 et -3,3 points, et de -6,3 points pour l’inflation totale).

À ces évolutions encourageantes de l’inflation et de ses mesures alternatives peuvent s’ajouter les premiers signes de modération de la croissance des salaires. D’après l’indicateur de suivi mensuel (Indeed Wage Tracker) développé par la Banque centrale d’Irlande, la progression des salaires est retombée sous la barre des 4% sur un an en août (3,9%), contre un point haut à 5,3% en septembre 2022.

[1] 5% des taux d’inflation les plus faibles et 5% des plus élevés sont supprimés. L’inflation médiane est une forme extrême de moyenne tronquée (50% des variations mensuelles les plus faibles et 50% des plus élevées sont exclues) : à chaque période est sélectionné le poste individuel dont la variation mensuelle est située à la médiane des variations des 93 postes de l’IPCH. Le glissement annuel de ce poste représente l’inflation médiane.

Les autres points clés :

Aux États-Unis, l‘inflation sous-jacente a de nouveau baissé en août, tout comme la croissance des salaires : elles s’inscrivent à 4,3% a/a. Le reflux de l’inflation dans les services se poursuit (+5,3% a/a), mené par une baisse plus marquée des prix dans la santé (-2,1% a/a) et du gaz (-16,5% a/a). À l’inverse, le prix des assurances automobiles grimpe plus fortement (+19,1% a/a). La composante « logement », incluse dans les services et qui pèse pour un tiers de l’IPC, continue de décélérer mais son rythme de hausse demeure élevé (+7,3% a/a). Les indices de l’Université de Michigan montrent, par ailleurs, un recalage à la baisse des anticipations d’inflation des ménages à 1 an sur celles à 5 ans. Ces deux mesures évoluent désormais autour de 3%, soit des niveaux très proches de ceux répertoriés dans l’enquête des prévisionnistes professionnels.

En zone euro, l’inflation headline est repassée, depuis juillet, légèrement en dessous de la mesure sous-jacente. Toutes les mesures alternatives de l’inflation reculent ; l’indicateur PPCI enregistre toutefois la baisse la plus marquée et se situe désormais sous les 3%. Les écarts d’inflation restent très importants entre les États membres : alors que les Pays-Bas connaissaient une légère déflation en septembre (-0,3% a/a), la Slovaquie flirte encore avec les 9% (8,9%). Parmi les quatre grandes économies, l’Espagne (+3,2%) et l’Italie (+5,7%) affichent une légère hausse, alors que l’inflation en France (5,6%), et surtout en Allemagne (4,3%), a reculé. Les salaires négociés en zone euro devraient enfin rattraper l’inflation au troisième trimestre, ce qui devrait soutenir le pouvoir d’achat des ménages mais freiner l’ampleur de la désinflation.

La situation au Royaume-Uni reste la plus dégradée mais les dernières évolutions sont plutôt positives. L’inflation headline a reculé de 0,3 point de pourcentage, à 6,3% a/a en août, et la mesure de court terme (3m/3m) laisse présager une baisse plus franche durant l’automne. La mesure sous-jacente (6,2% a/a) devrait également enregistrer une baisse plus importante au quatrième trimestre. Néanmoins, l’indice des prix au détail (RPI) progresse plus fortement que l’IPC, en raison principalement de la hausse des paiements d’intérêts sur les crédits immobiliers (+60,3% a/a) qui ne sont pas pris en compte par ce dernier. Si la Banque d’Angleterre a maintenu de justesse ses taux directeurs en septembre (5 voix pour, 4 contre), le reflux de l’inflation attendu au cours des prochains mois devrait renforcer le statu quo.

Au Japon, le nouveau contexte inflationniste entraîne un réajustement à la hausse des anticipations de marché : le point mort d’inflation a, en effet, dépassé 1,5% en septembre. Ce palier n’avait pas été franchi depuis dix ans. Les mesures alternatives de l’inflation, scrutées par la BoJ, progressent toujours, tandis que la part des composantes de l’IPC affichant une croissance annuelle supérieure à 2% représente désormais plus de 40% du panier de l’IPC. La chute significative du yen en 2023 fournira un surcroît d’inflation importée. Ces évolutions poussent à la hausse les rendements d’État, et notamment les taux à 10 ans qui se rapprochent désormais du seuil des 0,8% et, donc, du plafond d’intervention de la BoJ situé actuellement à 1%.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE