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Baromètre de l'inflation - Septembre 2023

07/09/2023
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Inflation : le graphique du mois

Lors de son discours d’ouverture de Jackson Hole, le 25 août 2023, Jerome Powell a livré une analyse détaillée de l’inflation américaine. Il a notamment mis l’accent sur les trois grandes composantes de l’inflation sous-jacente qui permettront de suivre les progrès réalisés sur le chemin de la désinflation (cf. graphique).

On y voit deux tendances encourageantes – la baisse importante de l’inflation des biens (hors énergie et alimentation) et le début de reflux de l’inflation des services liés au logement – mais aussi, et surtout, une troisième tendance, préoccupante : l’absence de baisse dans les autres services (hors logement et énergie), composante qui pèse lourd (un peu plus de la moitié de l’indice de prix sous-jacent des dépenses de consommation).

La stabilité de cette courbe depuis le troisième trimestre 2022, sur un niveau élevé, est, en grande partie, alimentée par le dynamisme des salaires. Elle illustre parfaitement bien la problématique de la « viscosité » de l’inflation sous-jacente. La poursuite, ou non, du resserrement monétaire de la Fed dépend de l’évolution de cette composante « autres services », dont le reflux est lui-même conditionné à la poursuite de la diminution des tensions sur le marché du travail, par un accroissement de l’offre et un affaiblissement de la demande.

Les autres points clés du mois :

Au Royaume-Uni, la situation sur le front de l’inflation reste problématique. Celle-ci continue de se diffuser, faisant craindre des effets de second tour. Si l’indice des prix à la consommation ne progresse plus que de 6,8% en juillet, contre 7,9% en juin, l’inflation sous-jacente dépasse désormais cette progression (6,9% en juillet comme en juin). Près de 53% des biens et services affichaient une inflation supérieure à 6% au mois de juillet, un niveau record. La diffusion de la dynamique inflationniste aux salaires se poursuit et ils augmentent désormais davantage que l’inflation (7,8% a/a, hors bonus, sur les 3 derniers mois à fin juin). Dans ce contexte, la Banque d’Angleterre a été contrainte de maintenir son resserrement monétaire, portant son taux directeur à 5,25% en août (14e hausse consécutive). Elle devrait poursuivre ce mouvement en septembre avec une hausse qui pourrait ne pas être la dernière.

Au Japon, l’inflation continue de se normaliser. Ainsi, les biens et les services dont les prix baissent ne représentaient plus que près de 6% du total en juillet (contre 31,5% il y a un an), un chiffre très faible pour un pays qui a affiché des tendances déflationnistes pendant près de trois décennies. L’inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires périssables) a atteint son plus haut en juin, à 4,3% a/a, et s’est stabilisée en juillet à ce niveau. Le point mort d’inflation a augmenté mais reste relativement contenu à près de 1,4% le 5 septembre dernier. Les anticipations de marché demeurent également raisonnables et n’appellent pas pour le moment un resserrement monétaire.

Aux États-Unis, la désinflation semble marquer une pause. L’indice des prix à la consommation (IPC) comme le déflateur de la consommation (PCE) ont atteint 3,3% a/a en juillet, des chiffres bien inférieurs à ce qui prévalait il y a quelques mois. Mais l’inflation sous-jacente a rebondi en juillet selon le PCE (de 4,1% à 4,2%) et modérément diminué selon l’IPC (de 4,9% à 4,7%), après des baisses plus franches. Même signal de pause au niveau des anticipations d’inflation des ménages à 1 an qui ont atteint 3,5% en août contre 3,3% en juin (chiffres de l’Université du Michigan). Si dans notre scenario, la Fed ne devrait plus relever ses taux directeurs, ces derniers chiffres laissent planer une incertitude que le point mort d’inflation (à 2,24% le 5 septembre) ne permet pas de lever.

Au sein de la zone euro, les divergences en matière d’inflation restent importantes en août, avec une inflation très élevée en Europe centrale, notamment en Slovaquie et en Croatie (9,6% et 8,5% respectivement). Un regain d’inflation a été observé en France (5,7%, désormais au-dessus de la moyenne de la zone euro), en raison d’une hausse plus importante qu’ailleurs des prix de l’énergie (réduction progressive du bouclier tarifaire sur l’électricité). En Allemagne, l’inflation s’est stabilisée avant un reflux plus que probable en octobre (effets de base). Dans la zone euro dans son ensemble, la question de la persistance de l’inflation se pose toujours : les courbes de l’inflation et des salaires ne se sont pas encore croisées mais elles pourraient le faire dès le 3e trimestre.

Dans toutes les zones, les indices PMI relatifs aux prix des intrants suggèrent depuis plusieurs mois la disparition des tensions inflationnistes au niveau des biens. Le léger rebond des délais de livraison ne suffit pas, pour le moment, à contrecarrer cet élément positif, mais leur évolution devra être surveillée, tout comme l’inflation dans les services, dont l’inertie pourrait retarder la désinflation attendue.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE