La désinflation reste limitée
Les dynamiques générales d’inflation en zone euro restaient contrastées en mars, selon les chiffres préliminaires d’Eurostat. L’inflation totale a ralenti de 8,5% en février à 6,8%, avec une nette décélération en Espagne (6,0% à 3,3% a/a), au Luxembourg (4,8% à 3,0%) et aux Pays-Bas (8,9% à 4,5%). Cela reflète essentiellement des effets de base « favorables » sur la composante « énergie ». Toutefois, près d’un tiers des pays de la zone euro enregistraient un taux d’inflation encore supérieur à 10%, la majorité d’entre eux se situant en Europe de l’Est.
L’inflation énergétique continue de perdre en vigueur, conséquence du repli des prix sur les marchés mondiaux, de l’effet de base sur le pétrole, et des mesures gouvernementales de fixation (ou plafonnement) des tarifs. Aux États-Unis, cette composante ne contribuait plus, en février, qu’à 0,4 point de pourcentage (pp) de l’inflation totale. C’est légèrement plus en zone euro (1,4 pp), tandis que l’Espagne, la Grèce, les Pays-Bas et la Belgique enregistrent un chiffre négatif. Au Royaume-Uni, la hausse des prix est encore significative, et contribue à 3,3 pp de l’inflation nationale.
Les pressions sous-jacentes progressent néanmoins en zone euro, et certaines mesures alternatives scrutées par la BCE – la médiane pondérée et l’IPCH supercore – ont atteint un nouveau sommet (respectivement à 7,8% et 6,3% en février). Aux États-Unis, l’inflation sous-jacente a ralenti légèrement en février mais la progression mensuelle de l’indice, si elle se poursuit, est toujours cohérente avec un niveau d’inflation supérieur à 3%. L’inflation britannique (totale et sous-jacente) est légèrement remontée en mars.
Par ailleurs, la hausse de la composante relative au logement (loyers effectifs et imputés) alimente de plus en plus l’inflation. Aux États-Unis, en particulier, l’inflation des loyers effectifs a atteint 8,2% g.a. en février (mesure IPC), du jamais-vu depuis que les statistiques actuelles existent (1990). Ces chiffres progressent également au Royaume-Uni (+4,7% en g.a.) et, dans une moindre mesure, en zone euro (+2,3%). Le logement constitue, avec l‘alimentation, le plus gros poste de dépenses des ménages.
Si elle ne s’accentue plus, la poussée inflationniste reste généralisée, avec 50% au moins du panier de consommation des ménages, en hausse de plus de 6% en février. Certains postes semblent toutefois avoir été épargnés jusqu’ici par la hausse des prix (voir cartes thermiques). C’est le cas des biens et services de la communication, la santé (sauf Royaume-Uni) et l’enseignement (sauf en zone euro).
Des signes plus positifs existent. La désinflation des prix à la production se poursuit dans les trois zones géographiques. Les résultats des enquêtes PMI corroborent cette baisse, même si l’indice PMI relatif aux prix de vente est reparti à la hausse aux États-Unis en février.
Les anticipations d’inflation des ménages à court terme (1 an) refluent mais restent bien au-dessus de la cible de 2% recherchée par les banquiers centraux. Les marchés anticipent un reflux plus important : le point mort d’inflation (10 ans) s’est stabilisé en mars autour de 2% pour les quatre grands pays de la zone euro ; il s’établissait fin mars à 2,2% aux États-Unis et à 2,8% au Royaume-Uni.
Guillaume Derrien