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Neutralité climatique : gare à une transition à deux vitesses !

25/10/2023
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Face à l’urgence climatique, beaucoup de pays ont entamé leur transition écologique, la guerre en Ukraine n’ayant fait qu’accélérer le mouvement. Après leur envolée de 2022, les investissements dans les énergies « propres » devraient marquer un nouveau record en 2023 : USD 1 800 milliards environ à l’échelle mondiale, soit 1,7 point de PIB d’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)[1]. À défaut de s’être interrompue, la quête de nouveaux gisements fossiles mobilise désormais moins de capitaux (USD 1 200 milliards environ).

Dans la transformation qui s’opère, la Chine mène le bal, par nécessité autant que pour affirmer son leadership en matière de technologies vertes (batteries, photovoltaïque, etc.). En 2023, elle investit au moins USD 600 milliards dans sa décarbonation, deux fois plus que l’ensemble des autres pays émergents réunis. De part et d’autre de l’Atlantique, le verdissement des économies s’incarne dans l’Inflation Reduction Act et le dispositif Next Generation EU.

Par rapport à 2015, les investissements annuels consacrés à la transition écologique ont pratiquement doublé (en dollars constants, cf. graphique). Il faudra cependant encore les tripler d’ici à 2035 - et viser quelque USD 5 300 milliards par an - pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (par rapport à l’ère préindustrielle). L’effort qui reste à fournir est important, et surtout très inégal. Dans les pays avancés ainsi qu’en Chine, parvenir à la neutralité climatique à la mi-temps de ce siècle ne sera pas facile, mais n’est pas hors de portée. Dans les pays émergents hors Chine, qui partent de beaucoup plus loin et seraient tenus de multiplier leurs dépenses de décarbonation par sept, le défi est, en revanche, immense ; sans augmentation substantielle des transferts financiers en provenance du Nord, il apparaît même insurmontable. Le fait encourageant est que, en 2023, les USD 100 milliards annuels d’aides à la transition prévus par les accords de Paris devraient être enfin atteints, avec trois années de retard sur le calendrier.

Investissements annuels mondiaux dans les énergies propres


[1] Tous les chiffres cités dans cet article sont tirés de deux rapports publiés successivement en 2021 et 2023 par l’Agence internationale de l’énergie (IEA) et ont été actualisés aux prix de 2023. Les investissements dans les énergies « propres » s’entendent ici au sens large : investissements dans les technologies vertes (éoliennes, panneaux photovoltaïques, bioénergies, géothermie, barrages…) les centrales nucléaires, le transport-stockage de l’électricité (réseaux, transformateurs, accumulateurs…), les infrastructures et moyens de transports (véhicules électriques, batteries, bornes de recharge…), l’isolation thermique des bâtiments, etc. Ils excluent les dépenses visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre des filières fossiles (par exemple : remplacement d’une centrale à charbon par une centrale à gaz).

IEA (2023) Scaling up Private Finance for Clean Energy in Emerging and Developing Economies, June

IEA (2021) Net Zero by 2050: A Roadmap for the Global Energy Sector, May.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE