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Eco Emerging // 3 trimestre 2021
economic-research.bnpparibas.com
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du FMI ou de la Banque mondiale. Cette dernière en aurait fait un
prérequis pour débloquer un prêt de USD 1,5 md. Mais les autorités
monétaires continuent de s’y opposer car elles considèrent que cela
renforcerait la dynamique inflationniste. Ce point est discutable dans
la mesure où des pans entiers de l’économie se sont déjà tournés vers
le marché parallèle pour obtenir des devises fortes. De fait, la baisse
de 16% des importations de biens a été relativement contenue en 2020
comparativement au précédent choc pétrolier. Elles avaient presque
chuté de moitié entre 2014 et 2017.
MULTIPLE TAUX DE CHANGE
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Taux officiel
Taux parallèle
Taux NAFEX
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DYNAMIQUE FRAGILE DES COMPTES EXTÉRIEURS
La pression sur la liquidité extérieure devrait s’alléger mais ne pas
disparaître. Selon les premières estimations de la Banque centrale, le
déficit courant s’est sensiblement réduit au T1 2021 à USD 1,7 md
contre USD 5,2 mds au trimestre précédent grâce essentiellement au
rebond des transferts de la diaspora nigériane (deux tiers des recettes
courantes non pétrolières, ce niveau reste néanmoins un quart inférieur
à celui d’avant crise), et aux restrictions sur les voyages (plus d’un
quart des dépenses courantes). En outre, l’économie nigériane a peu
profité du rebond des cours du pétrole jusqu’à présent. Les exportations
ont même baissé de 8,6% sur le trimestre en raison d’un effet de
volume défavorable. Sous réserve que l’Inde (principal débouché du
pétrole nigérian) ne retombe pas durablement dans la récession, la
dynamique devrait donc s’améliorer dans les mois à venir sans pour
autant permettre un rééquilibrage complet des comptes externes.
Attendu à 1,8% du PIB en 2021, le déficit courant resterait ainsi élevé,
mais en forte baisse par rapport à 2020 (4% du PIB).
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GRAPHIQUE 2
SOURCES : BANQUE CENTRALE, BLOOMBERG, ABOKIFX
PERSPECTIVES : RISQUE DE STAGNATION
Le faible niveau des revenus du gouvernement est une autre contrainte.
En 2020, ces derniers se sont contractés de presque deux points de
PIB en raison du retournement des cours du pétrole et du choc écono-
L’horizon financier devrait aussi quelque peu se dégager. Les autorités mique, pour atteindre seulement 6% du PIB. Malgré un plan de soutien
s’apprêtent à émettre au moins USD 3 mds sur les marchés financiers budgétaire limité en 2020 (0,3% du PIB), le déficit a atteint 6% du PIB.
internationaux. Avec un endettement extérieur du gouvernement de Il est encore attendu à 4% au moins cette année en dépit de la hausse
seulement 8% du PIB et des conditions financières qui se sont nettement attendue des recettes pétrolières. En effet, les dépenses sont rigides
détendues ces derniers mois, l’émission devrait être bien accueillie. et la fragilité du contexte socio-économique pousse les autorités à
Par ailleurs, l’allocation générale de DTS de la part du FMI pourrait prendre des mesures coûteuses comme l’atteste la réintroduction des
également apporter au Nigéria entre USD 2,5 mds et USD 3 mds.
subventions pétrolières (environ 0,5 point de PIB). L’accumulation de
déficits budgétaires ces dernières années est aussi allée de pair avec
une croissance rapide de la dette et donc des charges d’intérêt. Ces
derniers devraient absorber plus d’1/4 des ressources budgétaires en
Au total, les réserves de change pourraient atteindre USD 38 mds à
la fin de l’année, soit l’équivalent de 5,7 mois d’importations de biens
et services. Si le niveau de liquidité extérieure peut donc apparaître
confortable, une normalisation de la situation sur le marché des
changes est encore loin d’être acquise. Les autorités monétaires
devront déjà apurer un important stock de demandes de devises non
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021 contre moins de 10% en 2014. Pour autant, la soutenabilité de
la dette n’est pas en question puisqu’elle demeure encore à un niveau
modéré (30% du PIB).
satisfaites en 2020 (USD 2 mds pour les investisseurs non-résidents). Au final, le rebond de l’activité serait très modeste en 2021 à 2,4%
La conjoncture actuelle y semble propice. Mais rien ne dit que ce sera et la croissance resterait contrainte à 2-2,5% à partir de 2022. La
suffisant pour restaurer l’attractivité de la place nigériane compte progression du PIB demeurerait ainsi inférieure à celle de la population,
tenu des incertitudes sur l’évolution du régime de change. Or, le ce qui est le cas depuis 2015. Une accélération des réformes est donc
stock d’investissements de portefeuille demeure important malgré indispensable. Point positif, l’adoption du projet de loi sur l’industrie
les sorties massives de capitaux au T1 2020. Fin 2020, il atteignait pétrolière n’a jamais paru aussi proche. Néanmoins, il est difficile,
USD 27 mds (73% des réserves de change), dont plus de USD 11 mds à ce stade, d’en déterminer son impact compte tenu des problèmes
de dette de court terme émise en monnaie locale. Comme, par ailleurs, persistants de sécurité. En outre, cela ne règlera pas les problèmes de
le niveau des investissements directs étrangers est structurellement diversification de l’économie dont le développement est entravé par
bas (USD 2 mds en moyenne sur les cinq dernières années), le Nigéria de multiples contraintes structurelles (infrastructures déficientes) et
reste donc vulnérable financièrement, tant en termes de stock que de un cadre macroéconomique peu propice à l’investissement (inflation
flux. Surtout, l’économie n’est pas à l’abri de corrections sur les prix du élevée, dysfonctionnement sur le marché des changes).
pétrole (plus de 90% du total des exportations).
Achevé de rédiger le 5 juillet 2021
Stéphane ALBY
stephane.alby@bnpparibas.com
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