Déjà fragilisée par plusieurs années de faible croissance et de tensions sociales et politiques, l’Afrique du Sud a été durement affectée par la crise du Covid-19. Le PIB a chuté de 7% en 2020 et les finances publiques se sont fortement dégradées. Toutefois, le pays a également bénéficié d’une amélioration sensible de ses comptes extérieurs, et le boom des recettes d’exportation depuis un an a aidé au rebond de l’activité et des recettes fiscales. Cette meilleure performance macroéconomique a rassuré les investisseurs et facilité la couverture des besoins de financement du gouvernement. Les défis à moyen terme restent néanmoins intacts : de vastes et difficiles réformes demeurent indispensables pour élever le potentiel de croissance et assurer la soutenabilité de la dette publique.
Après plusieurs années de croissance atone et de détérioration progressive des comptes publics, la pandémie de Covid-19 a plongé l’Afrique du Sud dans une grave crise économique et budgétaire. Le PIB réel a accusé une forte contraction en 2020 et la solvabilité de l’État s’est considérablement dégradée en raison de la hausse rapide des déséquilibres budgétaires et de la dette publique. Toutefois, la performance macroéconomique du pays a été meilleure que prévu au cours de l’année passée, principalement grâce à une importante amélioration des termes de l’échange. Les bonnes recettes d’exportation ont aidé au rebond des rentrées fiscales depuis le T3 2020. L’excédent courant a permis de renforcer le rand sud-africain et la liquidité extérieure, et contribué à l’amélioration des conditions de financement du gouvernement. Par ailleurs, le président Ramaphosa a consolidé son autorité au sein de son parti l’ANC au cours des derniers mois, ce qui tend à renforcer les perspectives de réformes structurelles et la confiance des marchés financiers.
À court terme, la dynamique favorable des comptes externes contribue à la réduction du risque de refinancement de l’État et allège les pressions sur la monnaie. À moyen terme, cependant, les défis demeurent inchangés : l’Afrique du Sud doit absolument élever son potentiel de croissance économique, seul à même de contenir les risques sociopolitiques et d’améliorer la dynamique de dette publique.
Les exportations, moteur du rebond post Covid-19
Le PIB réel s’est contracté de 7% en 2020, après plusieurs années de croissance très faible (+0,8% par an en moyenne en 2015-2019). L’activité, qui s’est effondrée au T2 2020 (-16,6% t/t) du fait du confinement, a rebondi depuis la mi-2020 (+13,7% t/t au T3 ; +1,4% t/t au T4 et +1,1% au T1 2021), portée par les mesures de soutien monétaires et budgétaires, l’envolée des recettes d’exportation et le redressement de la production minière. En revanche, l’activité dans le bâtiment et de nombreux secteurs des services, qui reposent sur la demande intérieure, sont restés déprimés. Après une chute en avril-mai 2020, les recettes d’exportation ont vigoureusement rebondi, grâce à l’amélioration des volumes et surtout à la flambée des prix des matières premières. En 2020, les métaux précieux et les produits miniers ont représenté 46% des exportations totales de l’Afrique du Sud. Les excédents commerciaux ont dépassé USD 3,5 mds par mois depuis mars 2021 (contre USD 150 millions par mois en 2019) et le solde courant trimestriel est excédentaire depuis le T3 2020. À très court terme, les exportations devraient rester dynamiques.
Redressement plus difficile de la demande intérieure
Aidée par les mesures de soutien des autorités, la consommation privée s’est redressée plus rapidement que l’investissement à la suite du choc du Covid-19. Elle a chuté de 5,4% en termes réels sur l’ensemble de l’année 2020. Cependant, son redressement devrait rester difficile. Premièrement, le pays fait face à une troisième vague de contaminations depuis le mois de mai. Devant l’augmentation rapide du nombre de cas, le président Ramaphosa a annoncé de nouvelles restrictions, ramenant le pays à un confinement de « niveau 4 ajusté » pour une période d’au moins deux semaines à compter du 28 juin. Ces mesures vont probablement interrompre le mouvement de reprise économique, au moins temporairement. Les prévisions resteront incertaines en attendant une accélération de la campagne de vaccination – à la fin juin, 5% seulement de la population avait reçu une dose de vaccin, contre 1,6% à la fin mai.
En outre, la consommation privée devrait pâtir de la forte détérioration enregistrée l’an dernier sur le marché du travail. À la fin du T1 2021, l’emploi total était toujours inférieur de 9% à son niveau de la fin du T4 2019 et le taux de chômage ressortait à 32,6%.
De leur côté, les entreprises ont coupé dans leurs investissements. L’investissement total s’est effondré de 17% en termes réels en 2020, après plusieurs années de déclin progressif, atteignant un plus bas record de 12,4% du PIB nominal. Bon nombre d’entreprises restent fragiles et prudentes, et attendent des avancées en matière de réformes structurelles. De manière plus générale, les freins structurels à la croissance économique (infrastructures d’énergie et de transport déficientes, corruption et faiblesse du capital humain, etc.) continueront de pénaliser l’activité. En particulier, des coupures d’électricité sont attendues au moins jusqu’à fin 2022, le temps que l’approvisionnement en énergie soit plus durablement sécurisé.
La politique monétaire devrait rester accommodante à très court terme, en dépit de l’accélération de l’inflation. La hausse des prix à la consommation est passée de 3,1% en g.a. en décembre 2020 à 5,2% en mai 2021, ce qui reste dans la fourchette cible de 3%-6% fixée par la banque centrale. Depuis juillet 2020, le taux directeur (repo) a été maintenu à 3,5% et le taux de référence bancaire sur les prêts est resté proche de 3,7% (taux réel). Cela a aidé à un léger rebond des prêts aux ménages au S1 2021. En revanche, les prêts aux entreprises se sont contractés. De ce fait, la croissance du crédit total au secteur privé est devenue négative depuis mars 2021 (s’établissant à -1,3% en g.a. en moyenne).
L’environnement de taux d’intérêt bas et les mesures de soutien et d’allègement du crédit devraient toutefois continuer à aider les entreprises et les ménages. Lorsque ces mesures seront levées, la qualité des actifs bancaires devrait se détériorer – le taux de créances douteuses a déjà augmenté de 3,9% fin 2019 à 5,2% fin 2020. Parmi les emprunteurs les plus fragiles figurent notamment les ménages (qui sont très endettés, à hauteur de 75 % du revenu disponible fin 2020) et les petites entreprises.
La politique budgétaire, malgré le maintien de certaines mesures de soutien, sera quant à elle moins favorable à la croissance en 2021 qu’en 2020 étant donné la nécessité de réduire les déficits.
Finances publiques : inquiétudes à moyen terme
Les finances publiques se sont très fortement dégradées en raison du choc du Covid-19, après déjà plusieurs années de détérioration. Le dérapage des finances publiques s’était aggravé en 2019, à cause du plan de sauvetage de l’entreprise publique d’électricité Eskom, et il s’est considérablement accéléré en 2020 du fait de la récession économique et de l’important plan de relance (représentant environ 10% du PIB). Le déficit du gouvernement central est passé de 6,7% du PIB sur l’année budgétaire 2019/20 à 11% en 2020/21 (un niveau plus faible que prévu), en raison de l’envolée du déficit primaire (6,4% du PIB) et des paiements d’intérêts (4,6%). La dette publique a grimpé à 79% du PIB en 2020/21, contre 63 % en 2019/20. Dans son dernier budget, publié en février 2021, le gouvernement semble déterminé à prendre des mesures d’assainissement budgétaire et a prévu de réduire progressivement le déficit à partir de 2021/22, grâce à une amélioration des recettes et à la maîtrise des dépenses.
À court terme, le risque de refinancement de l’État est faible, même si les rendements obligataires sur les marchés locaux sont élevés (se situant en moyenne à 9,8% pour les emprunts d’État à plus de dix ans au S1 2021 contre 9% au S2 2019). Le gouvernement a été en mesure de préfinancer une partie de ses besoins grâce à des déficits plus modérés que prévu au cours des derniers mois, en continuant ses émissions d’obligations en monnaie locale, profitant de l’amélioration des conditions de marché. En outre, les banques locales disposent d’une certaine marge pour accroître encore leurs achats de titres d’État ; leur exposition au secteur public (crédit et obligations d’État) représente 17% des actifs bancaires fin 2020. Elles pourront ainsi continuer de compenser l’impact de la réduction des achats des investisseurs étrangers, dont la part dans la dette publique en monnaie locale est passée de 37 % fin 2019 à 30% fin 2020 (mais est restée relativement stable depuis le T4 2020). Le gouvernement ne devrait pas avoir besoin, cette année, de recourir à des prêts multilatéraux comme en 2020.
À moyen terme, cependant, la dynamique de la dette publique constitue une préoccupation majeure. La dette publique va continuer à croître (d’après nos prévisions, elle devrait atteindre 87% du PIB à fin 2023/24), sous l’effet de déficits budgétaires importants (quoiqu’en baisse) et d’une faible croissance du PIB. L’État demeurera, de ce fait, particulièrement exposé aux évolutions du sentiment des investisseurs étrangers et les rendements des obligations locales resteront sous pression. Le risque de refinancement sera dès lors orienté à la hausse. Pour améliorer les perspectives en matière de dette publique, d’assainissement budgétaire et de croissance du PIB, les autorités devront contenir la hausse des salaires des fonctionnaires, poursuivre la restructuration des entreprises publiques et accélérer les réformes structurelles. Le contexte politique se prête peut-être aujourd’hui davantage à de tels changements. De nouvelles mesures ont d’ailleurs été prises récemment (comme par exemple des changements au sein de la direction des entreprises publiques, la poursuite de la transformation d’Eskom, ou des réformes dans le secteur de l’énergie). Cependant, la situation socio-économique s’est nettement dégradée avec la crise sanitaire, ce qui fera de la réduction des dépenses publiques un exercice particulièrement difficile. De plus, le contexte politique pourrait se détériorer de nouveau, par exemple au S2 2021 à l’approche des élections municipales.