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Eco Emerging // 4 trimestre 2020 (achevé de rédiger le 28 septembre 2020)
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POSITION EXTÉRIEURE SOLIDE MALGRÉ LE CHOC DU TOURISME
RÉSERVES DE CHANGES
Mois d'importations (éch.d.)
Les autorités ont également agi avec prudence en tirant début avril sur
la totalité de la ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI, soit
environ USD 3 mds. Les réserves de change ont ainsi gonflé de 13% à la
suite de cette opération (graph. 2), atténuant de facto les pressions qui
avaient commencé à émerger sur le dirham (MAD). La bande de fluc-
tuation du MAD a été élargie en mars à +/-5% autour de son cours pivot
composé à 60% d’euro et 40% de dollar US. Alors que le MAD s’est im-
médiatement déprécié de 5-6% contre ses deux monnaies de référence,
il s’est stabilisé depuis avril à l’intérieur de la bande de fluctuation
sans intervention de la banque centrale. Avec des réserves de change
qui couvrent désormais plus de 7 mois d’importations, la position ex-
térieure apparaît ainsi solide pour faire face à de potentielles tensions.
USD mds
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De fait, le choc attendu ne s’est pas encore matérialisé. Si les princi-
pales sources de devises se sont effondrées sur les sept premiers mois
de l’année (exportations : -17% , recettes touristiques : -44%), les im-
portations se sont également contractées de 17% sous le double effet
de la chute de la demande domestique et du retournement des cours
du pétrole. Même hors énergie, le déficit commercial s’est résorbé de
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010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
GRAPHIQUE 2
SOURCES : BANQUE CENTRALE, OFFICE DES CHANGES
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0%. Toutefois, la balance commerciale est amenée à se détériorer
UNE REPRISE EN 2021 DÉJÀ CONTRARIÉE ?
à mesure que la demande se redressera alors que les pertes sur les
recettes touristiques devraient atteindre 4% du PIB. La résilience des La capacité de rebond de l’économie marocaine est difficile à évaluer.
transferts financiers de la diaspora marocaine (-3,2%) est aussi sujette Si une meilleure campagne agricole est espérée en 2021 après deux
à caution. Le déficit courant devrait approcher 7% du PIB en 2020. Avec années difficiles, le redressement des activités hors agriculture ne sera
des investissements directs étrangers en berne, les autorités ont donc que graduel dans le meilleur des cas. Selon les dernières estimations
décidé de se tourner une nouvelle fois vers les marchés financiers in- de la banque centrale, les recettes touristiques pourraient doubler en
ternationaux pour combler le besoin de financement non couvert par 2021 si les conditions sanitaires le permettent mais leur niveau reste-
l’assistance des bailleurs de fonds, pourtant massive. Comme attendu, rait 60% inférieur à celui de 2019. Un retour à la normale pour l’activité
l’émission de EUR 1 md d’Eurobonds a été bien accueillie par les inves- industrielle reste également hypothétique, même si une hausse de la
tisseurs. Malgré une mobilisation accrue des financements extérieurs, production d’automobile dans la toute récente usine de PSA devrait
l’endettement en devise reste sous contrôle (54% du PIB en 2020).
permettre de soutenir les exportations. Surtout, les incertitudes sur la
santé du tissu économique sont nombreuses.
FINANCES PUBLIQUES : UNE ENVOLÉE DE LA DETTE TENABLE
Les mesures mises en place ont certes permis d’atténuer le choc mais
elles n’empêcheront pas une montée des défaillances à mesure qu’elles
prendront fin. Un stress test réalisé récemment par la banque centrale
anticipe ainsi une hausse du taux de créances non-performantes à 9,9%
fin 2020 et 10,8% fin 2021 contre 7,6% en 2019 (8,2% en juillet 2020).
La stabilité du système financier n’est pas remise en question mais
les autorités monétaires ont prévenu qu’un nouvel exercice sera mené
d’ici la fin de l’année pour tenir compte de l’évolution de la situation.
En d’autres termes, une hausse encore plus significative des créances
non-performantes n’est pas à écarter. Le comportement des ménages
demeure également une inconnue. Alors que la hausse du chômage est
restée relativement contenue au T2 (+1,8 point à 12,3%), en particulier
en zone urbaine (+0,5 point), la chute concomitante de 10 points de
l’indice de confiance des ménages, à un niveau historiquement bas,
semble traduire une détérioration marquée des conditions de vie.
Dernière inconnue : quelle sera la portée du plan de relance ? La
dynamique de croissance était déjà modeste avant le choc de la
pandémie malgré un taux d’investissement élevé, public comme privé.
L’efficacité de la dépense publique va généralement de pair avec la
mise en place de réformes structurelles qui peuvent être retardées
dans un contexte difficile pour la population. Dans tous les cas, les
marges de manœuvre seront étroites car la dette du gouvernement
La pression sur les finances publiques est significative. Sur les huit pre-
miers mois de l’année, les ressources fiscales et non fiscales affichent
des replis de 8% et 14% respectivement. Malgré des dépenses quasi
stables, grâce aux économies faites sur les subventions énergétiques et
à un contrôle accru sur les investissements, le déficit budgétaire s’est
creusé de 50% par rapport à août 2019 et une loi de finances rectifica-
tives a dû être votée pour la première fois depuis 1990.
Le déficit est désormais attendu à 7,6% du PIB contre une cible initiale
de 3,8%, alors même que l’essentiel du programme de soutien a transi-
té par le fonds Covid dont l’enveloppe de MAD 33,7 mds est constituée
aux deux tiers de dons. La dette du gouvernement devrait s’alourdir
de plus 10 points à 76% du PIB. En outre, il existe des risques budgé-
taires contingents à la situation financière des entreprises publiques
également affectées par la crise. La dette extérieure garantie par l’État
atteignait 15,5% du PIB en 2019. Or, celle-ci n’est pas incluse dans le
périmètre de la dette du gouvernement.
Néanmoins, la dégradation des finances publiques reste supportable
dans la mesure où l’État continue de se financer à des conditions avan-
tageuses. En dépit d’un gros volume d’émissions depuis le début de
l’année, les taux des bons du Trésor n’ont ainsi jamais été aussi bas, ce
qui devrait permettre de contenir la charge d’intérêts à moins de 13%
des ressources budgétaires. De plus, la structure de la dette est peu
risquée car composée à 78% de MAD.
(
bien que soutenable) commence à être élevée. La volonté de préserver
le statut « Investment Grade » du pays devrait également inciter à la
modération
Stéphane ALBY
stéphane.alby@bnpparibas.com
La banque
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