Un choc brutal, mais relativement bien absorbé
Pays tourné vers l’exportation, la Hongrie a subi davantage l’impact du Covid-19 que la moyenne des pays émergents, avec une baisse du PIB de -14,5% t/t au T2 2020.
L’économie a rebondi au cours des derniers mois. Néanmoins, les indicateurs de court terme confirment le retard des exportations sur la demande domestique, notamment sur la consommation qui a largement contribué au redémarrage après la période de confinement. En revanche, les exportations ont en juin et juillet simplement retrouvé le niveau d’avant-crise.
Cette asymétrie en termes de demande (avec également un repli de l’investissement) se retrouve dans l’évolution de la production manufacturière qui reste en deçà de son niveau d’avant-crise, pénalisée principalement par les secteurs exportateurs. C’est le cas notamment de la production automobile (-15%) et de celle de la métallurgie (de plus de 20%). Le retard en termes d’exportations manufacturières et la baisse du tourisme devraient entraîner un creusement du déficit courant, mais pas au-delà de 2% du PIB, niveau qui reste largement soutenable.
Le rebond de la consommation privée explique sans doute la rapidité avec laquelle les tensions inflationnistes sont réapparues, après avoir été réduites sous l’effet du confinement et de la baisse des prix du pétrole. L’inflation est même plus forte en juillet, hors énergie, qu’en début d’année. En parallèle, il apparaît que la situation a finalement relativement peu changé sur le marché du travail. Certes, le chômage a augmenté, passant de 3,5% de la population active à fin février à 4,7% en juillet. Toutefois, la croissance des salaires s’est maintenue au premier semestre, signe de tensions persistantes : +6,3% année sur année en termes réels.
Cette poussée inflationniste contraint la politique monétaire dont l’assouplissement, intervenu à la fin du confinement, a dû être de nouveau interrompu. L’écart d’inflation persistant par rapport à la moyenne européenne contraint en effet la marge de manœuvre de la banque centrale. Dans la mesure où les flux de capitaux sont libres au sein de l’Union européenne, stabiliser le taux de change suppose de contraindre la politique monétaire (en vertu du « triangle d’incompatibilité ») : plus d’inflation qu’en zone euro suppose un taux plus élevé.
Cette contrainte avait même conduit au mois d’avril à relever le taux plafond du corridor de taux de la banque centrale à 1,85%, permettant de facto à celle-ci de restreindre ponctuellement la liquidité lorsqu’elle considère qu’un taux trop bas participe à des tensions sporadiques sur le forint. Dans ces conditions, la monnaie hongroise devrait rester stable dans les prochains mois, au niveau du cours actuel proche de 360 forints par euro, stabilité renforcée par la légère augmentation des réserves de change.
Au global, le constat d’une économie dont les fondamentaux ne sont pas durablement altérés par le choc économique lié à la Covid-19 prédomine. Même si le PIB ne retrouve son niveau d’avant crise qu’au T1 2022, le mouvement de convergence du revenu hongrois par habitant vers la moyenne européenne devrait se poursuivre.
Un policy mix assoupli mais sous contrainte
Face à la Covid-19, le gouvernement hongrois a suivi une politique interventionniste, avec notamment l’octroi temporaire de pouvoirs étendus au Premier ministre. Toutefois, cela n’a pas engendré de ruptures notables en termes de politique économique.
Contrainte dans l’utilisation de ses taux directeurs, la banque centrale s’est néanmoins concentrée à soutenir la liquidité à l’économie, impliquant un moratoire du remboursement des dettes des ménages et des entreprises qui le souhaitaient et remplissaient les conditions pour cela. L’endettement modéré des ménages (32% de leur revenu) n’était pas un enjeu.
En revanche, le crédit aux entreprises nécessitait une attention particulière, notamment car il est constitué à 42% en devises. Il a augmenté en raison de l’octroi de prêts garantis par l’État, ainsi que d’un programme de financement SME à des taux subventionnés, mais reste modéré, à près de 20% du PIB en 2020 contre près de 30% en 2010.
Par ailleurs, la banque centrale a entamé un programme d’achat de dette publique, mais de façon assez tardive (à partir de mai) : les tensions sur les taux longs hongrois sont restées contenues (tout comme la prime de risque par rapport au bund allemand), bénéficiant du désendettement effectué ces dernières années. Les taux à 10 ans devraient ainsi rester proches de leur niveau actuel en fin d’année (2,4%), en deçà du taux d’intérêt moyen qui prévalait en 2019 sur la dette publique (3,5%). La sensibilité de la prime de risque souveraine aux mouvements de capitaux a diminué avec la part des investisseurs étrangers dans la détention de dette publique (près du tiers, contre 60% il y a quelques années).
Le soutien de la politique budgétaire à l’activité a été conséquent, principalement par le biais de la suspension de paiement de taxes et de cotisations sociales, ainsi que par des subventions aux salaires, y compris pour les nouvelles embauches. Ces dernières mesures peuvent expliquer le caractère limité de la détérioration du marché du travail, ainsi que le rebond marqué de la consommation. En complément, le gouvernement a également mis en œuvre des financements additionnels au bénéfice des secteurs prioritaires (dont le tourisme, la santé, l’alimentation, les transports et la logistique), ainsi que des prêts subventionnés et/ou garantis pour les entreprises et le financement des exportations. In fine, le déficit public devrait atteindre 6% du PIB en 2020, un niveau relativement plus contenu que dans les pays voisins.
Le respect d’une règle budgétaire à partir de 2016 (qui doit prévaloir tant que la dette publique ne sera pas de retour en deçà de 50% du PIB) est un élément qui a permis de contenir l’endettement public. Le gouvernement anticipe d’ores et déjà une consolidation budgétaire en 2021, avec un retour du déficit à 2,9% du PIB (donc sous les 3%). Même si cette anticipation apparait optimiste, l’hypothèse d’une consolidation budgétaire dès 2021 est plausible.
La priorité est de maintenir des cibles budgétaires cohérentes avec une fiscalité assez basse, notamment pour les entreprises, afin de continuer à bénéficier d’investissements étrangers conséquents. Ces derniers sont un élément de stabilisation notable dans un pays dont les réserves de change sont à un niveau relativement bas au regard des importations, car ils impliquent un financement soutenable du déficit courant qui est réapparu depuis 2019.
Une attractivité relativement inchangée
La filière automobile a un poids conséquent en Hongrie, que ce soit les constructeurs ou leurs fournisseurs (notamment la métallurgie ou les équipementiers). L’impact sur ce secteur de la baisse de la demande, partout en Europe au 2e trimestre 2020, a retardé le redémarrage de l’activité au-delà des mesures de confinement locales qui avaient entraîné la fermeture des usines.
En conséquence, diverses annonces de reports d’investissement ont été faites dans le secteur et le volume total d’investissement direct étranger brut s’est réduit de 14% au 1er semestre 2020 au regard de la même période de 2019. Toutefois, ils devraient encore représenter près de 9,5% du PIB en 2020 et restent important pour l’avenir industriel du pays : la valeur ajoutée localement ne représentait encore que 45% des exportations automobiles hongroises en 2017, l’un des plus bas niveaux en Europe centrale.
La libéralisation du marché du travail mise en œuvre dans la dernière décennie, ainsi qu’un des taux d’imposition sur les sociétés les plus bas d’Europe (9%) ont été des atouts importants en faveur du développement des industries exportatrices. Dans ce contexte, la compétitivité coût reste essentielle et elle s’est maintenue nonobstant la pénurie qui prévaut sur le marché du travail. La dépréciation graduelle du forint a même permis une légère dépréciation en termes effectifs réels sur la décennie écoulée.
À moyenne échéance, de nouveaux progrès seront nécessaires en termes de productivité du travail, d’appropriation des solutions digitales, ainsi que de robotisation de l’appareil industriel, afin de maintenir l’avance de la Hongrie sur ses concurrents. Un classement de complexité des exportations montre ainsi que le pays est 2e en Europe centrale, derrière la République tchèque, en termes de niveau de gamme, mais l’avance sur d’autres concurrents s’est réduite, notamment vis-à-vis de pays dont le coût du travail reste plus modéré, tels que la Roumanie et la Pologne.