Croissance : une reprise difficile
Au S1 2020, l’activité a enregistré un recul de 1,3% par rapport à la même période l’année dernière. Pour la première fois depuis la crise de 1998, l’Indonésie sera en récession cette année.
Au T2 2020, l’économie s’est contractée de 5,3% en glissement annuel (g.a.) sous l’effet d’une baisse de toutes les composantes de la demande intérieure et de la demande mondiale. La consommation des ménages, qui contribue à plus de 54% à la croissance, a enregistré un recul de 5,5% en g.a. suite au confinement partiel de nombreuses régions, dont Jakarta, à partir du mois de mars. La contraction des investissements a été encore plus marquée (-8,6% en g.a.), en particulier les achats de machines et biens d’équipement, et les dépenses du gouvernement ont reculé de près de 12% en g.a., les plans de soutien à la croissance n’étant pas encore mis en place. Les exportations nettes ont enregistré une contribution positive car la contraction des importations (-17%) a plus que compensé la baisse des exportations (-11,7% en g.a.).
La contraction a été particulièrement forte dans le secteur des transports (-30,8%) et, dans une moindre mesure, dans la construction et l’industrie. En revanche, l’évolution est restée positive dans l’agriculture et les services de l’information et de la communication. Les indicateurs d’activité du T3 2020 laissent entrevoir une reprise mais qui devrait être lente et différentiée par secteur.
En juillet et août, la demande intérieure a légèrement rebondi mais elle restait encore 13% en deçà des niveaux qui prévalaient avant l’épidémie de Covid-19 : les ventes de véhicules et de motocyclettes reculaient encore de 59% et 44,5% en g.a. en juillet et les ventes au détail de 10,7% en g.a. en août. La confiance des ménages reste déprimée, bien qu’en hausse par rapport au mois de juin. L’activité touristique s’est effondrée (-89% en juillet 2020). Par ailleurs, les importations de biens en capital reculaient encore de plus de 29,2% en g.a. en juillet, reflet d’une contraction toujours importante des investissements des entreprises. Seul point positif : la confiance des entrepreneurs dans l’industrie a retrouvé en août le niveau à partir duquel l’activité est censée progresser (l’indice PMI s’élevait à 50,8). Néanmoins, cette légère reprise de la demande intérieure pourrait être étouffée par un nouveau reconfinement partiel de la région de Jakarta à partir du 14 septembre.
Selon la Banque mondiale, dans le pire des cas, le taux de pauvreté pourrait s’élever à 11,6% (contre 9,2% en septembre 2019) en fin d’année si le gouvernement ne parvenait pas à distribuer de manière optimale les ressources aux ménages les plus pauvres, mais, fin juillet, le gouvernement n’était toujours pas parvenu à engager les dépenses sociales prévues dans le budget.
Le secteur bancaire résiste
Comme dans tous les pays d’Asie, hormis en Inde, en Indonésie les pressions inflationnistes sont extrêmement contenues et laissent ainsi d’importantes marges de manœuvre à la banque centrale pour assouplir sa politique monétaire et soutenir la croissance (même si ce n’est pas un de ses objectifs officiels, contrairement à ce que souhaiteraient certains parlementaires). En août, la hausse des prix a été limitée à seulement 1,3% en g.a. alors que l’objectif fixé par la banque centrale est de 3% +/-1 %. Dans cet environnement, la banque centrale a abaissé ses taux directeurs de 100 points de base (pb) à 4%, même si elle n’a généré une baisse des taux sur le crédit aux entreprises que de 67 pb et de 27 pb pour le crédit à la consommation. Ces taux restent donc élevés même en termes réels (en moyenne 8% et 9,7% respectivement). La croissance du crédit bancaire a continué de décélérer à seulement 1% en g.a. en juillet 2020 contre 9,7% il y a un an.
L’assouplissement monétaire reste néanmoins contraint par un autre objectif de la banque centrale : la stabilisation du cours de la roupie. Dans un contexte de recrudescence des cas de Covid-19 en août, les tensions à la baisse sur la monnaie ont été telles que les autorités monétaires ont maintenu leurs taux directeurs inchangés lors du dernier comité de politique monétaire.
En dépit d’un environnement macroéconomique difficile, le secteur bancaire indonésien semble bien résister à la crise actuelle. Fin juin, les risques de crédit, bien qu’en hausse, restaient encore contenus. Le ratio de créances douteuses n’était que de 3,1% (contre 2,5% en fin d’année) alors que celui des prêts « special-mention », c’est-à-dire ayant des retards de paiement inférieurs à 90 jours et/ou susceptibles de se transformer en créances douteuses, avait baissé à 5,2% après avoir atteint un point haut de 6,9% en avril. Ces bonnes statistiques s’expliquent en partie par la possibilité pour les banques d’attendre le T1 2021 pour classer les prêts en catégorie « créance douteuse ». La qualité des actifs bancaires pourrait donc se dégrader à partir de cette date. Mais les banques devraient pouvoir absorber la détérioration. Leurs ratios de solvabilité restaient très satisfaisants (22,5% en juin) et leur liquidité abondante (le ratio des prêts aux dépôts était de 89% en juin). En revanche, les indicateurs de profitabilité se sont sensiblement dégradés conjointement à la hausse des provisions et à la baisse des taux d’intérêt.
Finances publiques : le déficit encore contenu
Sur les sept premiers mois de l’année, le déficit budgétaire est resté contenu. Il n’a atteint que 31,8% de la cible annuelle révisée par le gouvernement en juin 2020 à 6,34% du PIB. Cette relative bonne tenue des comptes publics, en dépit d’une baisse des recettes de 13,2% par rapport à la même époque de l’année dernière, s’explique essentiellement par des dépenses publiques extrêmement contenues. En effet, ces dernières n’ont augmenté que de 1,3% et s’élevaient à seulement 45,7% de l’objectif annuel. Néanmoins, le gouvernement estime que les dépenses publiques devraient être engagées au S2.
Les émissions de dette du gouvernement ont été souscrites à hauteur de 62,4% par les banques privées et, dans une moindre mesure, par les banques publiques (25,4%). Bien qu’en hausse, les achats par la banque centrale ont été, jusqu’à présent, relativement limités (10,4%). Néanmoins, l’augmentation attendue des dépenses pour la deuxième partie de l’année devrait être principalement financée par des émissions de dette à taux d’intérêt nuls achetée par la banque centrale sur le marché primaire pour un montant de IDR 575 trn (i.e. 47,1% du déficit prévisionnel annuel). Officiellement, le gouvernement a annoncé que seules les dépenses sociales et de santé seraient couvertes par la banque centrale. Toutefois, cette dernière restera le prêteur en dernier ressort du gouvernement pour l’ensemble de l’année 2020.
Fin juin 2020, la dette du gouvernement était contenue à 35,5% du PIB, bien qu’elle ait augmenté de 5 points de pourcentage au S1. La structure de la dette est, en revanche, plus risquée que dans d’autres pays, tels que l’Inde. En effet, 37,9% de la dette indonésienne est libellée en devises et reste détenue à hauteur de 58,2% par les investisseurs étrangers. Le gouvernement était, jusqu’à présent, fortement dépendant des investisseurs étrangers pour assurer le financement de sa
dette car le marché obligataire domestique est insuffisamment développé (17,4% du PIB).
Roupie sous pression malgré la consolidation des comptes extérieurs
Les comptes extérieurs de l’Indonésie restent solides. Au T2 2020, la balance des paiements (hors variation des réserves de change) a affiché un excédent de USD 9,2 mds, soit l’équivalent de 3,8% du PIB annualisé. Le déficit du compte courant a continué de diminuer au T2, en dépit de la forte baisse des exportations[1], pour n’atteindre plus que 1,2% du PIB en rythme annualisé (contre 3% du PIB au T2 2019). Cette baisse du déficit courant s’explique principalement par la forte contraction des importations de produits pétroliers mais aussi de biens d’équipement et de consommation, conjointement à la contraction de la demande intérieure. Les premières statistiques disponibles pour le troisième trimestre confirment la bonne tenue du surplus commercial. Sur l’ensemble de l’année 2020, le déficit courant devrait être contenu à 1,2% du PIB selon la Banque centrale.
Au T2 2020, le surplus du compte financier a augmenté sous l’impulsion d’une hausse des investissements de portefeuille après les importantes sorties de capitaux enregistrées au T1 2020. En revanche, les investissements directs étrangers, déjà modestes, ont baissé encore davantage pour n’atteindre plus que 1,7% du PIB au T2. Ils sont néanmoins suffisants pour couvrir le déficit courant.
La dette extérieure reste contenue à 36,5% du PIB (2019). La position extérieure nette du pays est débitrice de 22,5% du PIB, mais principalement en raison du stock d’investissements directs étrangers (18,2% du PIB). Fin juillet, les réserves de change s’élevaient à USD 127 mds (+USD 5 mds depuis la fin de l’année 2019) soit l’équivalent de 7 mois d’importations ou 1,5 fois les besoins de financement à court terme du pays. Néanmoins, l’Indonésie reste vulnérable aux sorties de capitaux : en 2019, le flux d’investissements de portefeuille a atteint 2% du PIB. Ainsi, en période de forte volatilité sur les marchés financiers, comme cela fut le cas au cours des derniers mois, l’Indonésie a enregistré d’importants mouvements de capitaux lesquels ont généré une forte volatilité de la roupie. Fin septembre, la roupie était dépréciée de 6,7% face au dollar par rapport à sa valeur du début d’année.