Six mois après le début de la pandémie de Covid-19, le pays compte plus de 140 000 morts (665 morts par million d’habitants) et plus de 4,72 millions de cas confirmés. Le bilan est lourd mais l’épidémie commence montre des signes de ralentissement : le nombre de décès moyen sur sept jours glissants baisse depuis quelques semaines après avoir stagné pendant plusieurs mois, tandis que le taux de contagion (R0) est revenu autour de 1 depuis août (il était de 2,81 en mai, le taux le plus élevé au monde). Ce ralentissement a lieu alors même que l’assouplissement des mesures de confinement s’est généralisé à travers le pays. Sao Paulo et Rio de Janeiro vont ainsi rouvrir les écoles.
Une reprise plus rapide qu’attendu mais très inégale
Les comptes nationaux font état d’une lourde chute de l’activité au T2 avec une contraction du PIB de -9,7% t/t (-11,4% sur un an). Pour autant, les pertes d’activité ont été moins marquées qu’anticipé et la reprise amorcée en mai s’avère plus vigoureuse qu’attendu.
Du côté de l’offre, les chiffres au T2 mettent en évidence une contraction importante de l’activité dans l’industrie et les services tandis que la production agricole a connu une légère expansion par rapport au T1. Du côté de la demande, seule la contribution des échanges extérieurs a été positive.
Le redressement de l’activité engagé depuis mai se poursuit mais reste très inégal selon les secteurs. Les secteurs céréalier[1] et minier continuent de bien se porter profitant de la faiblesse du real, de prix à la hausse et du redressement de l’activité en Chine. L’interruption d’une partie des importations de volaille par le géant asiatique, en raison de la contamination au coronavirus dans certains abattoirs, n’ont pour l’instant pas tant affecté la performance de la filière bovine. Dans l’ensemble, la bonne tenue des exportations de matières premières sur l’année aurA participé à résorber le déficit courant de près de USD 30 mds sur 12 mois glissants entre janvier et août.
Les services, qui représentent environ 70% du PIB et 47% des emplois formels, peinent à se redresser (+2,6% m/m en juillet, après avoir chuté d’environ 20% entre février et mai). Les transports, l’événementiel, le tourisme ainsi que les services à la personne font toujours face à d’importantes difficultés. Les activités associées aux technologies de l’information et de la communication sont en revanche plus dynamiques. Dans le même temps, les niveaux d’activité dans l’industrie se rapprochent des niveaux d’avant-crise pour l’ensemble des composantes (production de biens d’équipement, biens intermédiaires, biens de consommation durables et non durables). Du côté des dépenses, le programme d’aide d’urgence de l’État a permis de soutenir la consommation privée, y compris les ventes de matériaux de construction, de meubles et de biens électroménagers.
Les ventes au détail (définition large) ont ainsi connu une reprise en V avec, en juillet, des niveaux seulement inférieurs de 2% à ceux de février. La reprise de l’activité peine pour l’instant à se traduire par une amélioration significative sur le marché du travail. Le taux de chômage (13,8% en juillet) et le taux de sous-emploi se maintiennent à des niveaux record, tandis que le contingent de travailleurs découragés est actuellement estimé à 5,5 millions. Dans les services, des pertes d’emplois ont été enregistrées au cours des six dernières enquêtes PMI. Quelques embellies sont toutefois à noter : l’emploi dans le secteur manufacturier et la construction a commencé à se redresser de sorte qu’il y a eu plus de créations que de destructions d’emplois formels en juillet pour la première fois depuis février, et les demandes d’allocation chômage ont baissé de près de 20% en août.
Fin de l’assouplissement monétaire, début de la forward guidance
Après neuf baisses consécutives du taux SELIC, la banque centrale brésilienne (BCB) a interrompu, en septembre, son cycle d’assouplissement monétaire en maintenant son taux directeur à 2% (contre 6,5% à la mi-2019). Le comité de politique monétaire (Copom) a par ailleurs signalé son intention de ne relever ses taux que lorsque son scénario de référence pour les projections d’inflation se rapprocherait de la cible à l’horizon 2021 (cible à 3,8%) et 2022 (3,5%). Cet outil de communication se rapproche des pratiques de forward guidance adoptées par plusieurs grandes banques centrales depuis la crise financière de 2008. Il est destiné à mieux guider les anticipations de marché au moment où la pente de la courbe des taux continue de subir des pressions haussières en raison des incertitudes entourant la situation budgétaire.
Du fait de la remontée de l’inflation, le taux directeur en termes réels est, depuis juillet, passé en territoire négatif. En effet, outre la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires, la reprise de la consommation, soutenue par le versement des aides d’État, et l’apparition de goulets d’étranglements du côté de l’offre, dus à une insuffisance de stocks et des difficultés logistiques, ont conduit à une remontée du glissement annuel des prix à la consommation (de 1,9% en mai à 2,4% en août). Dans le même temps, le prix des intrants dans l’industrie a fortement augmenté en raison, notamment, de pénuries auprès de fournisseurs et de la faiblesse du real.
La BCB ne semble pas pour l’instant préoccupée par le risque inflationniste car l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) demeure stable et les anticipations d’inflation restent largement inférieures à la cible. Elle semble ne pas se soucier non plus de la faiblesse du real (dépréciation de 30% contre le dollar depuis le début de l’année). La forte volatilité du BRL reste cependant un vrai casse-tête pour les autorités (la BCB est déjà intervenue une vingtaine de fois sur le marché des changes cette année). Depuis juin, on observe un retour mesuré des flux de portefeuille de la part des non-résidents. Toutefois, la tendance à la dépréciation du real, sa volatilité, de même que la baisse structurelle des taux d’intérêt sont autant de facteurs qui participent à tenir les investisseurs éloignés des marchés locaux. Entre janvier et août, les sorties nettes s’élevaient ainsi à USD 25 mds.
Déficit budgétaire record, arbitrages difficiles à venir
Le déficit budgétaire du gouvernement central a plus que doublé depuis le début de l’année (-11,9% du PIB en juillet contre -5,5 % en janvier sur 12 mois glissants). Cette hausse traduit la forte dégradation du déficit primaire (-7,9% du PIB contre -1,1% en janvier), les intérêts de la dette ayant continué de baisser (4% du PIB contre 4,5% en janvier et bien loin des 7,2% du PIB observé en janvier 2016). D’après les calculs de l’IPEA, 70% de l’augmentation du déficit primaire du gouvernement central est lié à la hausse des dépenses primaires, le reste étant dû à la perte de recettes, qui s’établit à BRL 150 mds sur la période de janvier à juillet, soit environ 2% du PIB. Le déficit budgétaire devrait terminer l’année à un peu plus de 17% du PIB, en raison notamment de la reconduite partielle, jusqu’à la fin de l’année, du programme d’aides d’urgence aux plus démunis[1]. Ce programme a notamment permis au président Bolsonaro de bénéficier d’un regain de popularité et pourrait profiter à son gouvernement à l’approche des élections municipales en novembre[2].
Les négociations autour du budget 2021 (présenté à la fin de l’été) devraient cristalliser les tensions entre l’exécutif et le législatif concernant le respect du plafond des dépenses primaires[3]. Certains députés poussent en effet à l’abandon ou à la flexibilisation de la règle budgétaire. C’est aussi un sujet de discorde au sein de l’exécutif entre les partisans de la discipline budgétaire et ceux en faveur d’une hausse des dépenses sociales[4] et d’investissement.
En respectant la contrainte du plafond des dépenses primaires, le budget, dans sa configuration actuelle (c’est-à-dire un déficit primaire ramené à 3% du PIB), ne laisse pratiquement aucune marge de manœuvre au gouvernement pour continuer de soutenir l’économie. Au vu des fortes pressions qui pèsent sur la classe politique pour étendre les programmes sociaux, la crédibilité de la politique budgétaire devrait rester une question majeure dans les prochains mois.
Au chapitre des réformes, le gouvernement a proposé d’unifier deux taxes fédérales à la consommation (PIS et Cofins) en une taxe fédérale sur la valeur ajoutée. L’exécutif a aussi présenté au Congrès une proposition de réformes de la fonction publique visant notamment à restructurer les carrières et à ajuster les plans salariaux des fonctionnaires. La réforme, selon le ministre de l’Économie Paulo Guedes permettrait d’économiser près de BRL 300 mds sur 10 ans. Toutefois, ses effets sur les comptes publics ne seront visibles qu’à moyen terme.