L’élection de dimanche pourrait redessiner assez sensiblement le paysage politique en Catalogne. Si les sondages sont exacts, le parti de centre-droit Ciudadanos – qui avait rassemblé la majorité des votes en 2017 – accuserait un fort recul, au profit notamment du parti d’extrêmedroite Vox, ce dernier pourrait ainsi entrer au Parlement catalan pour la première fois de son histoire. Le parti socialiste – mené par l’ancien ministre de la santé Salvador Illa – pourrait également réaliser une percée et devancerait même, selon les derniers sondages, les deux partis indépendantistes, à savoir la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et Ensemble pour la Catalogne (JxCat). Le résultat des élections reste néanmoins très incertain et donnera lieu, par la suite, à un jeu d’alliance pour former une majorité au parlement.
Si les risques politiques en Catalogne restent présents encore aujourd’hui, la détérioration économique liée à la Covid-19 pourrait affaiblir l’engouement pour la question de l’indépendance, suscitant plutôt un mouvement de repli vers le gouvernement central. Le taux de chômage dans la région a en effet bondi de 10,4% au T4 2019 à 13,9% au T4 2020 (office des statistiques espagnol INE, cf. graphique 1). Le poids croissant des services explique en grande partie pourquoi l’économie (et en particulier le marché du travail), a été si affaiblie par la crise.
Le rétrécissement du secteur industriel dans la région a certes ralenti ces dernières années mais le T4 2020 a marqué un nouveau point bas, la part de ce secteur dans l’emploi se réduisant désormais à 17,4% (données de l’INE, cf. graphique 2). À noter cependant que la situation sur le front de l’emploi était, avant l’épidémie, comparativement meilleure que dans le reste de l’Espagne, grâce notamment à la vitalité du secteur touristique. Par ailleurs, le taux de chômage reste près de 2,5 points inférieurs à la moyenne du pays, et proche des niveaux observés dans la région en 2017. Le chômage reste néanmoins fortement contenu grâce aux aides de l’État, et notamment au dispositif ERTE de chômage partiel.
La crise du coronavirus va, par ailleurs, accentuer la dépendance budgétaire de la région au gouvernement central. Même si le déficit des comptes de la région est resté modeste et stable depuis 2017 (-0,6% du PIB catalan en 2019), le poids de l’État central en tant que créancier de la région s’est accrue très fortement au cours des dernières années. Alors que cette part ne représentait qu’un tiers environ en 2016, elle a atteint plus de 70% en 2019. L’un des facteurs explicatifs de ce phénomène a été la mise en place en 2012, en réponse à la crise financière, d’une nouvelle ligne de crédit (Fondo de Liquidez Autonómica) facilitant lesprêts de l’État central vers les régions autonomes1. Ce ratio est censé augmenter au cours de la future investiture principalement en raison de l’impact économique de la pandémie.
Le soutien économique apporté par l’Europe via le fonds de relance EU Next Generation pourrait également permettre à Madrid de peser davantage sur les relations avec le parlement catalan. Pour rappel, l’Espagne devrait recevoir au cours des six prochaines années, près de 73 mds (5,6% du PIB) en subventions directes via le nouveau mécanisme européen, et 140 mds (10,7% du PIB) si on ajoute les prêts. Une somme importante ira évidemment à la Catalogne qui pesait, en 2019, pour 19% du PIB espagnol dans son ensemble. Malgré la volonté des dirigeants catalans d’obtenir la gestion directe de ces fonds, cette dernière restera selon toute vraisemblance dans les mains du premier ministre Pedro Sanchez et de l’administration centrale.
Les fractures politiques en Catalogne restent encore importantes aujourd’hui. Néanmoins, et indépendamment du résultat des élections de dimanche, les perspectives d’un embrasement comme celui de 2017 semblent désormais moindres, l’urgence sanitaire et économique plaçant la question séparatiste plus en retrait du débat politique.