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Victoire des libéraux aux élections législatives

21/03/2021
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Les partis libéraux remportent les élections législatives

PRINCIPAUX PARTIS À L'ISSUE DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

Les libéraux ont été les grands gagnants des législatives aux Pays-Bas. Avec trente-cinq sièges, le VVD (libéraux-conservateurs), dirigé par le Premier ministre, Mark Rutte, reste le plus grand parti du pays. Cette victoire est, dans une large mesure, à mettre au crédit de la gestion de la crise du coronavirus par celui-ci. Grâce à des mesures de confinement assez légères, l’économie des Pays-Bas a fait mieux que les pays voisins. En 2020, elle s’est contractée de 3,8 %, contre 4,9 % en Allemagne, 6,4 % en Belgique et 8,2 % en France. La bonne santé des finances publiques n’y est pas étrangère. Elle a, en effet, permis au gouvernement de disposer d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire pour atténuer l’impact des mesures de confinement. Cependant, le bilan sanitaire, proche de celui de la France, a été bien pire qu’en Allemagne.

Le très bon score de D66 (sociaux-libéraux), partenaire du VVD de Mark Rutte au sein de la coalition sortante, a créé la vraie surprise de ce scrutin. Ces derniers mois, des sondages prévoyaient des pertes sévères pour cette formation, emmenée par Sigrid Kaag, ministre du Commerce extérieur. Mais au cours de la dernière semaine, celle-ci a su, grâce à ses qualités de débattrice, redresser la barre. Finalement, D66 a remporté 23 sièges, ce qui est très proche de son meilleur résultat obtenu en 1994 (24 sièges).

Le CDA (chrétiens-démocrates), l’autre grand parti de la coalition, a, en revanche, sensiblement décliné. Ce résultat s’explique en partie par l’impréparation de son chef, le ministre des Finances Wopke Hoekstra, qui a remplacé, au dernier moment, Hugo de Jonge, leader désigné et ministre de la Santé, trop pris par la gestion de la crise du coronavirus. De plus, de nombreux électeurs traditionnels du CDA ont estimé que le ministre des Finances était trop proche du Premier ministre et qu’il n’avait pas la fibre sociale des chrétiens-démocrates.

Les partis à l’extrême-droite du spectre politique ont fait légèrement mieux que lors du scrutin de 2017. Le PVV, au programme anti-immigration, a perdu trois sièges, mais avec 17 sièges au sein du nouveau Parlement, il reste le troisième parti du pays. La campagne menée par le Forum pour la démocratie (FvD), l’autre grand parti populiste, contre la politique du gouvernement face au coronavirus, a été payante. Le FvD a obtenu 8 sièges, 6 de plus que dans le Parlement précédent.

En revanche, les partis de gauche ont essuyé de sérieux revers, passant de 37 sièges dans l’assemblée sortante, à 26 à peine à présent. Les travaillistes (PvdA, sociaux-démocrates) ont tout juste réussi à conserver leur maigre score de neuf sièges obtenus en 2017. Le parti s’attendait à de bien meilleurs résultats après ses excellentes performances lors du dernier scrutin européen, mais le scandale lié aux fausses accusations de fraude aux allocations familiales, révélée deux mois avant les élections, l’a sérieusement éclaboussé. Les écologistes de la Gauche verte (GL) et les radicaux de gauche (SP) ont aussi subi de lourdes pertes. Le repli du parti GL est d’autant plus surprenant que les questions environnementales revêtent une grande importance pour l’électorat néerlandais. De nombreux électeurs, vraisemblablement déçus de voir GL choisir les bancs de l’opposition après les gains impressionnants de 2017, ont peut-être estimé qu’il valait mieux donner leur voix à D66 pour une politique environnementale efficace[1].

Enfin, nombre de nouvelles formations feront leur entrée au Parlement. La première participation la plus remarquée est celle de Volt, parti social-libéral paneuropéen, qui a raflé trois sièges.

Et maintenant ?

Il appartient à présent au Parlement de décider des prochaines étapes. La présidente de la seconde chambre (ou Chambre des représentants) a déjà nommé deux « éclaireurs », un membre du VVD et un de D66, afin d’explorer les possibilités de formation d’une majorité de gouvernement. Le choix le plus évident est le maintien de l’ancienne coalition. Avec ses 73 députés, il manquerait trois sièges à une coalition entre le VVD, le D66 et le CDA pour avoir la majorité au Parlement[2]. Le soutien d’une quatrième formation sera donc nécessaire. Le nouveau parti Volt semble être un choix évident. Les éclaireurs pourraient également examiner la possibilité d’un gouvernement formé des partis de gauche, soit une coalition dite « pourpre ». Une alliance entre le VVD, D66, le PvdA et GL permettrait de réunir 75 sièges au Parlement.

Ces deux options de coalition posent néanmoins un léger problème : le gouvernement n’aura pas la majorité à la première chambre, le Sénat. Ce dernier n’est pas habilité à révoquer le gouvernement, mais il peut faire obstacle à un important projet de loi. La composition de la première chambre sera modifiée en 2023, après les élections des conseils provinciaux.

L’autre problème, plus sérieux, est celui de la réticence possible du CDA et des partis de gauche à rejoindre l’alliance en raison de leurs résultats décevants. Ces formations doivent examiner quels risques comporterait une participation à la coalition ou, a contrario, le maintien de leur marginalisation. Finalement, les partis de gouvernement traditionnels, comme le CDA ou le PvdA, ont tout à gagner à rejoindre un nouveau gouvernement. En effet, en restant sur les bancs de l’opposition, leurs principaux responsables politiques ne seront plus sous les feux des projecteurs, comme c’est le cas lorsque l’on détient un portefeuille ministériel. De même, la Gauche verte (GL) pourrait avoir intérêt à rejoindre l’alliance, dans la mesure où elle pourrait peser davantage sur les questions environnementales qu’en restant dans l’opposition. Au soir de l’élection, le Premier ministre sortant a déclaré qu’il préférerait maintenir la coalition avec les chrétiens-démocrates, plus proches de lui sur le plan politique.

Les deux éclaireurs devraient rendre compte de leurs conclusions au Parlement, au plus tard, le 30 mars. Le 31 mars, la chambre nouvellement élue se réunira pour la première fois. Principaux points inscrits à l’ordre du jour : discussion du rapport des éclaireurs et nomination d’un ou deux « informateurs ». Ces derniers sont normalement des responsables politiques chevronnés appartenant aux principaux partis concernés par la formation du gouvernement. Leur tâche consiste à trouver un accord de coalition. Une fois cet accord conclu, le roi nommera le formateur, qui sera chargé de choisir les ministres du nouveau gouvernement.

La période de formation d’un gouvernement peut durer très longtemps. En 2017, il a fallu en tout 225 jours, un record historique. Cependant, comme le pays traverse la pire crise qu’il ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, il est hautement souhaitable qu’un gouvernement stable soit rapidement trouvé. Compte tenu des résultats des élections, la période de formation du nouveau gouvernement pourrait être relativement courte, en particulier, si le CDA accepte de le rejoindre.

Le programme du gouvernement dépend des partis membres de la coalition. Une chose est sûre : la nouvelle coalition poursuivra une politique budgétaire prudente, une fois que la reprise sera bien engagée. Les règles budgétaires, qui étaient en place avant la crise, seront probablement rétablies pour abaisser la dette publique. La crise actuelle aura montré à tous l’intérêt d’avoir des finances publiques en bonne santé.

La montée en puissance des sociaux-libéraux de D66 devrait également se faire sentir. Le nouveau gouvernement sera probablement plus pro-européen. Cependant, compte tenu de l’électorat de son parti et de la pression de la droite populiste, Mark Rutte devrait rester un redoutable négociateur à Bruxelles. Par ailleurs, l’accent sera davantage mis sur les politiques climatiques, l’éducation et la justice sociale, autant de thèmes chers à D66.

[1] Le Bureau central du Plan (CPB) a analysé les conséquences budgétaires et économiques des programmes électoraux. Selon ses calculs, ceux de GL et de D66 sont les mieux à même de réduire les émissions de CO2.

[2] L’Union chrétienne ne rejoindra probablement pas le nouveau gouvernement.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE