Entre 2013 et 2018, la croissance de la productivité en Inde a été forte (multiplication par 1,3, une hausse similaire à celle observée au Vietnam, légèrement inférieure à la Chine, mais supérieure à l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande). Mais à partir de 2019, la productivité a stagné en Inde, alors qu’elle a continué d’augmenter dans les autres pays (hormis les Philippines). Cette évolution est d’autant plus inquiétante que le niveau de revenu par tête est encore faible (le PIB par tête en PPA était 2,4 fois inférieur à celui de la Chine en 2024) et le taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes (15,6% en 2024 selon les données officielles). Sans une augmentation rapide de la productivité, l’Inde pourrait rester un pays à « revenu intermédiaire ».
Évolution de la productivité par travailleur Selon le Penn World Table, la productivité par travailleur en Inde, après avoir fortement augmenté sur la période 2013-2018 (+5,5% par an en moyenne), a ralenti très sensiblement pour ne croître que de 0,4% par an sur la période 2019-2023 (après correction de l’effet induit par la pandémie). Les fortes créations d’emplois sur la période récente (+5,6% par an en moyenne vs +0,4% sur la période 2013-2018) n’ont pas entraîné une hausse significative de la productivité.
En Inde, sur la période FY2013-2018, la croissance de la productivité du travail s’est expliquée à hauteur de 74% par une hausse de la productivité intrasectorielle (induite par une amélioration de la qualité du travail et/ou de la technologie et/ou une meilleure organisation de la production). En revanche, sur la période FY2019-2023, cette hausse s’est interrompue et les déplacements de main-d’œuvre entre secteurs ont été à l’origine d’une baisse (en niveau) de la productivité intrasectorielle. Non seulement la main-d’œuvre s’est déplacée vers des secteurs moins productifs, mais ces transferts ont généré une (légère) baisse de la productivité dans ces secteurs.
Inde : décomposition de la croissance de la productivité du travail De fait, entre 2019 et 2023, l’emploi a beaucoup plus augmenté dans l’agriculture (+32,9%) et la construction que dans l’industrie manufacturière (+20,7%) et les services (+14,6%), en raison notamment du déplacement de la main-d’œuvre lors de la crise sanitaire. Mais ces emplois sont à près de 99% des emplois précaires, faiblement rémunérés et avec un niveau de productivité extrêmement bas. Par ailleurs, même si la productivité dans le secteur manufacturier et les services reste bien supérieure à celle du secteur agricole et de la construction, elle a stagné sur la période 2018-2023.
La baisse de la productivité intersectorielle s’explique, selon les données KLEMS de la RBI, à la fois par une moindre amélioration de la qualité du travail et par une décélération de la croissance du stock de capital « productif » (investissements en machine et équipements). Selon la dernière enquête nationale sur la force de travail, en moyenne, 56% des travailleurs n’occupent pas un emploi adapté à leur niveau de qualification, ce qui affecte leur productivité.
Pour accroître sensiblement son niveau de développement, l’Inde doit non seulement réformer son secteur agricole pour favoriser les réallocations de main-d’œuvre vers les secteurs à plus forte valeur ajoutée, mais aussi améliorer le niveau de qualification de la main-d’œuvre. L’application des nouvelles lois sur le marché du travail depuis le 21 novembre (adoptées entre 2019 et 2020) devrait favoriser les créations d’emplois dans les secteurs productifs et réduire la part de l’emploi informel.