Edito

Réserve fédérale américaine : des taux (plus) hauts plus longtemps

25/09/2023
PDF

Dans l’univers des banques centrales, les apparences sont trompeuses. Le dernier relèvement des taux de la Banque centrale européenne a été jugé dovish (accommodant) tandis que la pause décidée par la Réserve fédérale américaine a été qualifiée de hawkish (restrictive). Ces réactions montrent qu’au-delà de la décision sur les taux, le message qui l’accompagne a aussi son importance. Celui de la BCE a été perçu comme indiquant que le taux terminal avait été atteint. Aux États-Unis, les dernières projections de taux d’intérêt (dot plot) des membres du FOMC indiquent une nouvelle hausse avant la fin de l’année, avec un taux des fonds fédéraux qui devrait rester élevé pendant longtemps. Cela n’a rien d’étonnant compte tenu de la résilience de l’économie américaine face au resserrement monétaire agressif de la Fed, et de la crainte que le retour de l’inflation à l’objectif de 2% ne prenne plus de temps. Au stade actuel, de nombreuses incertitudes entourent ces projections. En cause : l’impact des hausses de taux passées ne s’est pas encore complètement fait sentir, la flambée récente des prix de l’énergie, et l’atonie de la croissance en Chine et dans la zone euro.

Dans l’univers des banques centrales, les apparences sont trompeuses. Les observateurs ont ainsi jugé dovish le dernier relèvement des taux opéré par la BCE alors que la décision de la Réserve fédérale de laisser le taux des fonds fédéraux inchangé a été considérée comme hawkish. Ces qualificatifs, qui semblent contraires au bon sens, montrent néanmoins l’importance du message des banques centrales lors de leurs annonces.

Dans sa déclaration de politique monétaire, la BCE a indiqué « que les taux d’intérêt directeurs de la BCE ont atteint des niveaux qui, maintenus pendant une durée suffisamment longue, contribueront fortement au retour au plus tôt de l’inflation au niveau de notre objectif »[1]. L’interprétation qui en a été faite est que le pic des taux directeurs aurait probablement été atteint dans la zone euro[2]. À l’inverse, la Réserve fédérale pourrait très bien augmenter de nouveau le taux des fonds fédéraux avant la fin de l’année[3].

Dot plot : projections de taux Fed funds des membres du FOMC pour la fin 2023

D’après la nouvelle synthèse des projections économiques (Summary of Economic Projections, SEP), douze membres du FOMC jugent approprié un nouveau relèvement de 25 pb du taux des Fed funds avant la fin de l’année, compte tenu du mandat de la Fed et des perspectives de croissance et d’inflation, tandis que sept membres estiment que le taux directeur se situe déjà au niveau approprié. Par conséquent, l’estimation médiane du taux des fonds fédéraux à la fin de l’année dépasse de 25 pb à son niveau actuel. La projection pour la fin 2023 a augmenté au cours de cette année (graphique 1) reflétant une révision à la hausse des projections de croissance et d’inflation. Cependant, le point le plus important du dernier SEP est la remontée de 50 pb des projections du taux Fed funds pour la fin 2024 et pour la fin 2025, respectivement à 5,1 % et 3,9 %. La perspective d’une évolution à la hausse des taux directeurs et de leur maintien à ce niveau pendant une période prolongée explique pourquoi le statu quo sur les taux a été qualifié de restrictif et pourquoi les rendements des Treasuries ont augmenté tandis que les marchés actions ont reculé aux États-Unis comme ailleurs.

Les projections (graphique 2) indiquent que le taux Fed funds devrait rester élevé tout au long de l’année 2024, malgré l’amorce d’un cycle d’assouplissement monétaire. D’après les anticipations [des membres du FOMC], cet assouplissement devrait être plus lent que lors des cycles précédents. Cela traduit l’idée que le retour de l’inflation à l’objectif de 2% prendra du temps et que la banque centrale ne devrait pas procéder à une détente monétaire trop rapide. Des baisses de taux prématurées pourraient stimuler la croissance, et faire courir le risque d’une interruption du processus de désinflation et entamer la crédibilité de la Fed. La trajectoire projetée des taux peut également être considérée comme le reflet d’une anticipation d’atterrissage en douceur, auquel cas il n’y a pas lieu de baisser les taux agressivement.

États-Unis : taux des fonds fédéraux*

Ces projections sont entourées de nombreuses incertitudes, en particulier au stade actuel, étant donné que l’impact des hausses de taux passées ne s’est pas encore complètement fait sentir. La flambée récente des prix de l’énergie et l’atonie de la croissance en Chine comme dans la zone euro pourraient peser sur l’économie américaine, venant compliquer l’analyse. À cet égard, il est très révélateur que, dans sa conférence de presse, Jerome Powell ait répondu à la question « Diriez-vous que l’atterrissage en douceur [de l’économie américaine] constitue à présent le scénario de base? » en ces termes : « Je ne dirais pas cela », ajoutant qu’une telle perspective était plausible tout en refusant de se prononcer sur le degré de probabilité[4]. La politique monétaire de la Fed tout comme les projections des membres du FOMC sont dépendantes des données. La Réserve fédérale et ses observateurs continueront à passer au crible les nouvelles données.

William De Vijlder

[1] Source : BCE, Déclaration de politique monétaire, 14 septembre 2023.

[2] Pour une analyse détaillée, voir : BCE : au point haut du cycle, Ecoweek, BNP Paribas, 18 septembre 2023.

[3] Les deux dernières réunions du FOMC de cette année auront lieu les 31 octobre et 1er novembre et les 12 et 13 décembre. Une nouvelle synthèse des projections économiques des membres du FOMC sera publiée à l’occasion de la dernière réunion. Source : Réserve fédérale.

[4] Source : Réserve fédérale, Transcription de la conférence de presse de Jerome Powell, 20 septembre 2023.

LES ÉCONOMISTES AYANT PARTICIPÉ À CET ARTICLE

Découvrir les autres articles de la publication

Baromètre
L’incertitude économique ressentie est en baisse

L’incertitude économique ressentie est en baisse

L’indice du risque géopolitique, qui est également fondé sur la couverture médiatique, a récemment baissé après une hausse durant les deux premières semaines d’août [...]

LIRE L'ARTICLE
Scénario économique
Scénario économique du  25 septembre 2023

Scénario économique du 25 septembre 2023

Croissance du PIB, inflation, taux d'intérêt et taux de change. [...]

LIRE L'ARTICLE