Les dernières enquêtes conjoncturelles reflètent l’impact de la guerre en Ukraine. La confiance des ménages et des entreprises est en repli même s’il existe, pour ces dernières, des différences significatives selon pays ou secteurs. En Allemagne, l’indice ifo du climat des affaires s’inscrit en nette baisse tandis qu’en France, le recul est plus limité. Le secteur des services fait, en général, mieux que l’industrie manufacturière. Fait notable, les anticipations d’emploi des entreprises se maintiennent à un niveau élevé. C’est un facteur clé à surveiller au vu des indications qu’il donne sur la confiance des chefs d’entreprises dans les perspectives à moyen terme mais aussi en raison de son influence sur le sentiment des ménages au sujet de leur situation personnelle future. Ce dernier point est particulièrement important compte tenu du plongeon de la confiance des ménages, en grande partie dû aux préoccupations sur les perspectives économiques globales. La flambée des prix de l’énergie et la hausse de l’inflation jouent, à cet égard, un rôle incontestable.
Jusqu’à une date récente, les conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine ont été dans une large mesure évaluées à l’aide de données empiriques, de simulations basées sur des modèles ou, concernant le choc sur les prix des matières premières, d’après des comparaisons avec de précédents pics. Aussi, les enquêtes conjoncturelles couvrant le mois de mars étaient-elles attendues avec impatience car elles permettent une analyse plus complète.
Comme on s’y attendait, les résultats des enquêtes auprès des chefs d’entreprises accusent une baisse, mais avec des différences marquées selon les pays, les secteurs et même, pour un pays donné, selon les enquêtes concernées. Cela illustre toute la complexité que revêt l’évaluation de la dynamique conjoncturelle en cas de changement fondamental des variables clés – prix des matières premières, incertitude géopolitique, etc.
L’indice flash des directeurs d’achat (PMI) (tableau 1) pour l’industrie manufacturière enregistre un léger repli pour la zone euro. La détérioration a été plus prononcée pour les exportations et pour l’emploi tandis que les prix des intrants et les prix à la production ont enregistré une forte hausse en réaction à la flambée des matières premières. Après avoir diminué au cours des derniers mois, les délais de livraison se sont, de nouveau, nettement allongés dans la zone euro et en Allemagne, reflétant les ruptures d’approvisionnement dues au conflit.
Les nouvelles restrictions faisant suite à la vague d’infections en Chine sont également entrées en jeu. La France n’a connu qu’un allongement limité des délais de livraison. L’indice PMI flash pour les services s’est inscrit en retrait pour la zone euro mais il s’est amélioré en France. Dans le secteur des services, l’emploi a, en fait, progressé dans la zone euro et en Allemagne et de manière plus nette encore en France.
Les prix des intrants ont fait un bond et les prix facturés dans les services ont enregistré une hausse notable.
Comparées aux données PMI, les enquêtes nationales auprès des entreprises dépeignent un tableau plus sombre. Selon l’institut ifo, le « sentiment de l’économie allemande s’est effondré » en raison de la chute des attentes dans les secteurs de l’industrie manufacturière, des services, du commerce et du bâtiment[1]. Par ailleurs, les anticipations d’exportation ont aussi nettement plongé. En France, la dégradation du climat des affaires en mars tient « principalement au recul des soldes prospectifs dans l’industrie et à la détérioration de la situation conjoncturelle dans le commerce de gros »[2]. L’indicateur se situe toutefois à 107, bien au-dessus de sa moyenne de long terme (100).
Dans les services, le climat des affaires se détériore de façon plus modérée. Comme indiqué plus haut, l’indice PMI flash fait ressortir une amélioration. L’écart entre les deux enquêtes pourrait être dû à une différence relative à la taille de l’échantillon considéré, qui est nettement plus élevée dans l’enquête de l’Insee, ainsi qu’à la date des deux enquêtes[3]. Il convient de souligner que le climat de l’emploi a été stable en mars à un niveau élevé, bien au-dessus de sa moyenne de long terme (113 contre 100).
S’agissant des ménages, l’indice de confiance « flash » des consommateurs, publié par la Commission européenne pour l’UE et la zone euro, s’est effondré en mars, se situant bien en dessous de sa moyenne de long terme. La montée de l’incertitude, de la flambée des prix de l’énergie et l’augmentation de l’inflation en général pèsent sur le moral des ménages.
Les pays qui ont déjà publié leurs données nationales – Italie, Pays-Bas, Belgique – ont également enregistré de fortes baisses (graphiques 1-4). En Italie, cela s’explique par la chute marquée de l’évaluation, par les ménages, du climat actuel et futur, la baisse de celle relative à la situation personnelle étant plus limitée.
Aux Pays-Bas, les ménages sont beaucoup plus pessimistes sur les perspectives économiques globales et, dans une moindre mesure, sur celles relatives à leur situation financière personnelle. En Belgique, la plus forte détérioration concerne les anticipations relatives à la situation économique en général dans les douze prochains mois.
En résumé, les enquêtes publiées à ce jour pour le mois de mars reflètent une dégradation très nette de la confiance, due à la chute des anticipations des ménages comme des entreprises. Comme on pouvait s’y attendre, l’envolée des prix des matières premières, la crise géopolitique et l’incertitude planant sur l’évolution future de ces facteurs pèsent clairement sur la confiance.
Dans un tel contexte, il est rassurant de constater que les anticipations d’emploi des entreprises se maintiennent à un niveau élevé. C’est là un facteur important à surveiller au vu des indications qu’il donne sur la confiance des entreprises dans les perspectives à moyen terme mais aussi en raison de son influence sur le sentiment des ménages au sujet de leur situation personnelle future.