Le PIB français a progressé de façon significative de 1,1% t/t au T2 2021. L’impact négatif du confinement d’avril a été très limité et l’activité s’est nettement redressée en juin. La croissance au T3 atteindrait 2,2% t/t, portée par l’élan hérité du T2 mais freinée par les contraintes d’offre à l’œuvre. Dans les enquêtes sur le climat des affaires, l’optimisme reste de mise mais il s’est tempéré depuis juin. Au T4, le PIB comblerait quasiment le dernier point de pourcentage manquant pour revenir à 100% de son niveau d’avant-crise. En moyenne annuelle, la croissance s’élèverait à 6,3% en 2021. En 2022, elle se normaliserait mais resterait soutenue par l’impulsion budgétaire. La situation sanitaire continue de constituer un aléa baissier auquel s’ajoutent la poussée d’inflation et les craintes sur l’ampleur du ralentissement chinois. La croissance pourrait aussi surprendre favorablement grâce au surplus d’épargne disponible des ménages, à la situation financière globalement préservée des entreprises et aux mesures de relance budgétaire.
L’élan du redressement au T2 bénéficiera au T3
D’après la deuxième estimation de l’Insee, le PIB français a progressé de 1,1% t/t au T2 2021 (soit 0,2 point de plus que l’estimation initiale). Sur un an, la hausse atteint 18,7%, amplifiée par l’effet de base très favorable (au T2 2020, au pire de la crise de la Covid-19, le PIB avait plongé de 13,5% t/t). Le PIB se situe 3,2% sous son niveau d’avant-crise du T4 2019.
Le détail par composante fait ressortir des différences importantes et intéressantes (cf. graphique 2) avec, d’un côté, la déprime de la consommation des ménages (5,9% sous son niveau d’avant-crise) et plus encore des exportations (-9,5%) et, de l’autre, le dynamisme de l’investissement des entreprises et des ménages (respectivement, 2,3% et 2,2% au-dessus de leur niveau d’avant-crise). À cette aune, l’importante épargne forcée accumulée par les ménages semble plus bénéficier, pour le moment, à leurs investissements immobiliers1 qu’à leur consommation.
Le chiffre du T2 est meilleur qu’attendu : nous tablions sur 0,8% et l’INSEE sur 0,7%. La croissance française est, certes, nettement moins élevée que celle de la zone euro (2,2% t/t) ou des États-Unis (1,6% t/t) mais le chiffre est tout de même bon compte tenu des circonstances. Il est, en effet, significativement positif malgré le troisième confinement d’avril. L’impact négatif de celui-ci sur l’activité a été plus limité encore que le deuxième confinement.
D’après la Banque de France, la perte de PIB par rapport au niveau d’avant-crise s’est, en effet, à peine creusée entre mars (un peu moins de 4%) et avril 2021 (un peu plus de 4%), tandis qu’entre octobre et novembre 2020 elle était passée de -3% à -6%. En mai, la perte d’activité s’est à nouveau réduite (un peu moins de 4%) avant une amélioration plus nette en juin (environ -2%), qui s’est poursuivie en juillet (-1%). En août, la perte d’activité est restée inchangée et en septembre, elle aurait légèrement diminué, à -0,5% (l’économie fonctionnant alors à 99,5% de son niveau d’avant-crise).
Ces évolutions en faux plat de l’activité se traduiraient, pour la Banque de France, par une croissance approchant 2,5% t/t au T3, à la faveur de l’élan hérité du T2. Au regard de cette prévision et de celle de l’INSEE (+2,7%), notre propre prévision de 2,2% apparaît assortie d’un risque haussier. Mais plus la croissance au T3 est élevée, moins celle du T4 l’est, car plus le rattrapage du niveau d’avant-crise avance au T3, moins l’effet mécanique résiduel est fort au T4.
Notre scénario fait l’hypothèse d’un rattrapage limité au T3 (par les contraintes d’offre à l’œuvre, cf. infra), laissant le PIB à 99% de son niveau d’avant-crise, avant de quasiment combler, au T4, le dernier point de pourcentage manquant. Au T4, nous comptons également sur le soutien de la montée en puissance du plan France Relance, ce qui porte notre prévision de croissance à 0,9% t/t quand l’INSEE anticipe 0,5%.
La bonne nouvelle du retour attendu du PIB à son niveau d’avant-crise au T4 2021 ne doit cependant pas masquer les différences sectorielles qui demeurent importantes. Les secteurs de la fabrication de matériels de transport, des services de transports et entreposage, de l’hébergement-restauration et des activités récréatives portent toujours une trace profonde de la crise (avec une perte d’activité en septembre 2021, par rapport au T4 2019, estimée par l’INSEE à, respectivement, 23%, 8%, 14% et 11%) quand le secteur information-communication, le mieux loti, se situe 7% au-dessus de son niveau d’avant-crise.
Points de friction (suite)
L’acquis de croissance au T2 2021 s’élève à près de 5%. Notre prévision d’une croissance de 6,3% sur l’ensemble de l’année a donc des chances solides d’être atteinte, même si les perspectives pour le T3 et le T4 s’annoncent un peu moins positives qu’à l’approche de l’été. Le retour à la normale de l’activité dans les secteurs les plus affectés par la crise reste ralenti par la situation sanitaire et les mesures de contrôle restantes.
Surtout, les contraintes d’approvisionnement, les difficultés de recrutement et la hausse des prix des intrants vont crescendo depuis le début de l’année et viennent freiner le redémarrage de manière un peu plus significative qu’attendu. L’optimisme des enquêtes sur le climat des affaires s’en trouve tempéré, en plus de l’effet de normalisation attendu après les sommets atteints en juin. Leur repli demeure toutefois d’ampleur limitée à ce stade et leur niveau reste très élevé (cf. graphique 3). L’industrie et le bâtiment sont plus exposés que les services à ces tensions sur l’offre quand les services sont davantage soumis aux contraintes sanitaires. À l’horizon des prochains mois, un chassé-croisé entre ces secteurs est possible, avec les services qui s’en sortiraient le mieux, suivis du bâtiment puis de l’industrie.
À propos plus spécifiquement des difficultés de recrutement, le point positif a d’abord avoir en tête est qu’elles sont le corollaire d’une bonne nouvelle, à savoir le redressement de l’emploi.
C’est leur ampleur qui, de prime abord, est surprenante (au regard du réservoir de main d’œuvre disponible si l’on en juge le niveau combiné du chômage, du halo autour du chômage et du sous-emploi) et préoccupante (car elles contraignent l’activité même s’il est difficile d’évaluer à quel point).
Une partie de l’explication se trouve dans la particularité de la crise de la Covid-19, les mouvements de stop-and-go de l’activité, la rétention de main d’œuvre permise par le dispositif de chômage partiel, le caractère très hétérogène du choc au niveau sectoriel et les difficultés de réallocation immédiate et de remobilisation de la main d’œuvre, qui s’ajoutent aux problèmes structurels d’attractivité de certains métiers et d’inadéquation entre la main d’œuvre et les compétences disponibles et nécessaires. Le tout vient compliquer plus encore le bon appariement entre l’offre et la demande de travail. Mais à mesure que l’économie et le marché du travail retrouveront un fonctionnement plus normal, les difficultés de recrutement devraient refluer.
L’autre problématique liée à ces difficultés est leur traduction en inflation salariale et l’enclenchement éventuel d’une boucle prix-salaires, d’effets de second tour, sur fond de poussée d’inflation.
Pour l’heure, les preuves de pressions salariales restent anecdotiques. L’expérience des années 2015-2019 invite aussi à la prudence : la montée des difficultés de recrutement à l’époque s’était accompagnée d’une inflation salariale modérée (cf. graphique 4).
L’offre de travail reste excédentaire. Le net redressement du taux de marge des entreprises, à la faveur des mesures budgétaires récentes, redonne certes de l’espace pour des augmentations de salaires mais celui-ci est limité, si ce n’est repris, par la hausse concomitante du prix des intrants industriels et la possibilité également limitée, dans la plupart des cas, de répercuter cette hausse sur les prix de vente. Au final, il est plus probable que l’inflation salariale reste contenue mais, comme le souligne la Banque de France, il est possible qu’elle soit plus importante que prévu. Ce qui serait plutôt une bonne nouvelle à nos yeux dès lors que cela traduirait un fonctionnement plus normal de l’économie et permettrait à l’inflation de se diriger vers la cible de la BCE.
Un autre point d’attention est l’effet négatif possible de la poussée d’inflation (1,9% en glissement annuel en août) sur la confiance et la consommation des ménages. Comme au niveau de la zone euro, aussi temporaire et circonscrite soit-elle (l’inflation sous-jacente reste basse, à 1,5% sur un an en août selon la mesure nationale), cette poussée d’inflation vient grever le pouvoir d’achat. L’effet négatif sur la consommation devrait toutefois être atténué par la bonne orientation du marché du travail, la possibilité de puiser dans l’importante épargne forcée accumulée, l’avancée au 1er octobre 2021 de la revalorisation automatique du Smic et le versement, courant décembre, d’un chèque énergie supplémentaire de EUR 100.
En 2022, les freins à la croissance venant des contraintes d’offre et de la situation sanitaire devraient moins peser mais le soutien de l’effet mécanique de rattrapage du niveau d’avant-crise jouera aussi beaucoup moins qu’en 2021. La croissance resterait toutefois forte (4,3%), soutenue par l’impulsion budgétaire. Nous voyons la balance des risques équilibrée. La situation sanitaire reste un aléa baissier auquel s’ajoutent la poussée d’inflation et les craintes sur l’ampleur du ralentissement chinois. À l’inverse, la croissance pourrait surprendre favorablement grâce au surplus d’épargne disponible des ménages, à la situation financière globalement préservée des entreprises et aux mesures de relance budgétaire. Notre prévision de croissance pour 2021 se situe 0,2 point au-dessus du consensus de septembre et 0,5 point au-dessus pour 2022. L’OCDE et la Banque de France, qui viennent de mettre à jour leurs prévisions, se montrent pareillement optimistes pour 2021 et un peu moins que nous pour 2022.