L’économie devrait rebondir au quatrième trimestre avec la réduction des restrictions sanitaires. Malgré les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, le secteur manufacturier devrait, par ailleurs, bénéficier de la reprise mondiale. Cependant, la consommation ne va probablement pas tarder à s’essouffler sous l’effet de la stagnation persistante des salaires. Les dépenses publiques, soutenues par la politique de contrôle de la courbe de taux menée par la Banque du Japon (BoJ), et l’investissement des entreprises, dont la rentabilité s’est améliorée, constitueront les principaux facteurs de soutien au plan national. La démission du Premier ministre Yoshihide Suga, quoique saluée par les marchés financiers, a ravivé les craintes d’un retour à une valse des Premiers ministres.
Un rebond de courte durée
Portée par la robustesse de l’investissement des entreprises et la vigueur de la consommation, l’économie japonaise a enregistré un léger rebond (0,3 %) au deuxième trimestre. L’embellie a néanmoins été de courte durée : début juillet, devant la résurgence de la pandémie, les autorités ont été contraintes de déclarer l’état d’urgence sanitaire dans le district de Tokyo. Le dispositif a ensuite été étendu à près de la moitié des préfectures, soit 80 % de la population.
Conséquence, la consommation privée est restée étale, ce qui a en particulier affecté le secteur de l’hôtellerie. Les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo ont eu lieu, mais sans spectateurs.
Sur la même période, l’industrie nipponne a été lourdement impactée par les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la faiblesse de la demande extérieure. Les pénuries de semiconducteurs et autres composants ont contraint des entreprises à suspendre leur activité, en particulier dans le secteur de l’automobile. Ces perturbations devraient persister au T4.
D’après les enquêtes économiques, l’activité pourrait avoir enregistré une nouvelle contraction au T3. En août, l’enquête Economy Watchers a fait état d’une nette détérioration des conditions actuelles et futures, ce qui a été confirmé par la baisse de l’indice des directeurs d’achats (Purchasing Managers Index, PMI) pour les services à 42,9.
Malgré une légère expansion de l’activité, signalée par les entreprises manufacturières, l’indice PMI composite pour la production a chuté de 48,8, en juillet, à 45,5, un plus bas depuis mai 2020. À la fin septembre, la cinquième vague de l’épidémie de Covid-19 avait sensiblement reculé. Le programme de vaccination s’est, en grande partie, déroulé comme prévu, avec plus de 60 % de la population ayant désormais reçu la première injection et plus de 50 %, la deuxième.
Incertitude après le départ de Yoshihide Suga
La cote de popularité du gouvernement s’étant effondrée à la suite de la mauvaise gestion de la pandémie, le Premier ministre, Yoshihide Suga, a annoncé début septembre qu’il ne se représenterait pas à l’élection du président du Parti libéral-démocrate (PLD) et qu’il démissionnerait de ses fonctions de Premier ministre.
L’annonce a été saluée par la Bourse de Tokyo. Le LDP a élu M. Fumio Kishida, un ancien ministre des Affaires étrangères, président pour conduire le parti lors des élections à la chambre basse en octobre. M. Kishida a promis de se détourner des politiques de déréglementation de ses prédécesseurs. Cependant, la restauration de la confiance dans le gouvernement ne sera pas chose aisée compte tenu de la faiblesse du système de santé japonais et des contraintes institutionnelles. Le risque est celui d’un retour à une valse des premiers ministres, ceux-ci ne se maintenant pas plus d’un an au pouvoir.
Quel que soit le nouveau Premier ministre, l’orientation de la politique budgétaire va probablement rester très accommodante malgré la détérioration des comptes publics. La dette publique représente actuellement près de 240 % du PIB. Cette politique s’appuie sur le soutien de la Banque du Japon, qui achète autant d’emprunts d’État (JGB) que nécessaire pour maintenir le rendement des JGB à 10 ans autour de 0 %. La BoJ a fixé la cible officielle d’inflation à 2 %, mais il ne lui reste guère d’instruments pour atteindre cet objectif. En fait, le Japon compte parmi les rares pays industrialisés à ne pas avoir connu une hausse substantielle de l’inflation ces derniers mois.
Une reprise vigoureuse en 2022-2023
L’économie devrait connaître un solide rebond au T4 : les restrictions sanitaires pourraient en effet être levées en raison de la baisse sensible des nouvelles contaminations. Cependant, l’accélération de la consommation va probablement tourner court, car les salaires devraient rester très modérés. En 2021, les exportations devraient demeurer le principal moteur du redressement de l’activité, grâce à la reprise en cours chez les principaux partenaires commerciaux, comme les États-Unis, la Chine et d’autres pays de l’est et du sud-est asiatiques.
De plus, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement devraient s’atténuer l’année prochaine. Au plan intérieur, l’activité économique sera soutenue par une politique budgétaire expansionniste, probablement centrée sur le numérique et la croissance verte. Par ailleurs, l’amélioration de la situation financière du secteur des entreprises, conjuguée au redressement de l’activité industrielle mondiale, devrait stimuler l’investissement des entreprises. Pour autant, l’inflation ne dépasserait pas 0,5 %.