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Eco Perspectives // 2 trimestre 2022
economic-research.bnpparibas.com
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FRANCE
UNE CROISSANCE FAIBLE PLUTÔT QU’UNE RÉCESSION
L’inflation a continué de croître début 2022 jusqu’à peser très fortement sur la confiance des ménages français à
partir de mars. Cette problématique de pouvoir d’achat augure d’un repli de la consommation. Le soutien budgétaire
a permis de limiter la hausse de l’inflation (de près de 2 points de pourcentage en avril), autorisant le maintien d’une
croissance légèrement positive (0,3% pour le T1 et 0,1% pour le T2 selon nos prévisions).
La conjoncture française est marquée, depuis début 2021, par une
succession de vents porteurs et de vents contraires, qui lui confèrent
un caractère plus incertain. La recrudescence de l’épidémie de
Covid-19 a d’abord pesé sur les services, de décembre à janvier, avec le
renforcement des restrictions sanitaires. Leur levée, à partir de février,
a entraîné un rebond de l’indice de confiance dans les services, laissant
présager d’un retour au rythme d’activité soutenu de l’automne 2021.
Toutefois, le choc lié au conflit russo-ukrainien est venu fragiliser cette
dynamique, renforçant la tendance à l’accélération de l’inflation avec la
hausse du coût du carburant dès mars. Un phénomène qui continuera à
CROISSANCE ET INFLATION
Croissance du PIB
Inflation
Prévisions
.3
8
6
4
2
0
2
4
6
8
7.0
Prévisions
5
3.2
2
.5
2.5
2
.1
0
.5
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se matérialiser au 2 trimestre, et qui tient à des effets de second tour
-
-
-
-
sur les biens manufacturés, les services et l’essentiel de l’alimentation.
LES MÉNAGES ANTICIPENT LA POURSUITE DE L’INFLATION
La confiance des ménages s’est repliée de 6 points au mois de mars
-
8.0
2
022 par rapport à février selon l’Insee, une baisse d’une ampleur
-10
2020
2021
2022
2023
2020
2021
2022
2023
qui n’a été atteinte ou dépassée que lors de la récession de 1993 ou
du confinement d’avril 2020. Le jugement des ménages sur l’inflation
passée est dégradé en mars, mais évolue peu par rapport à février.
A contrario, ils sont désormais nettement plus nombreux à anticiper
une poursuite de la hausse des prix dans les 12 prochains mois, avec
une balance de réponses qui se détériore de 50 points en mars pour
atteindre son record historique. Un choc que les ménages espéraient
ponctuel est remplacé dans leur esprit par un phénomène plus durable,
avec un impact probable sur leurs dépenses. Selon nos estimations, le
poids des dépenses en énergie (logement et transports) devrait ainsi
atteindre en 2022 10,3% de la consommation des ménages (selon un
GRAPHIQUE 1
SOURCE : BNP PARIBAS GLOBAL MARKETS
destinées aux entreprises (prise en charge de la moitié du surcoût en
énergie pour les entreprises dont les dépenses en énergie dépassent
3
% du chiffre d’affaires (CA), plafond des prêts garantis par l’État relevé
de 25% à 35% du CA, mesures sectorielles ciblées).
LES ENTREPRISES OPTENT POUR LA PRUDENCE
scénario de maintien du prix du baril de pétrole au dessus de 100 USD/ L’enquête réalisée par l’AFTE et le Rexecode sur la trésorerie des
baril tout au long de 2022), une proportion plus atteinte depuis 1986.
entreprises montre que les tensions inflationnistes pèsent aussi sur ces
dernières, avec une détérioration du solde d’opinion sur leur trésorerie
d’exploitation de 12 points en mars. Les enquêtes de l’Insee sur le
climat des affaires soulignent également que les entreprises sont de
façon croissante contraintes de transmettre leurs hausses de coûts à
leurs prix de vente, singulièrement dans les biens à destination des
ménages (dont l’alimentation).
Le soutien budgétaire est important pour atténuer le choc. Sans ce
soutien, la part des dépenses en énergie s’approcherait ponctuellement
du record absolu de 11,6% enregistré lors de la vague de froid du début
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1
985. Le gain de pouvoir d’achat de 0,8% t/t observé au 4 trimestre
021 correspond aux trois-quart à l’indemnité inflation de 100 euros
2
versée à près de 23 millions de Français fin 2021 (elle devait intervenir
début 2022 pour les 15 autres millions d’entre eux concernés par la L’impact anticipé du choc d’inflation sur la consommation des ménages
mesure).
ajoute aux difficultés que les entreprises rencontrent, les conduisant
à prévoir de revoir leur production à la baisse, singulièrement dans
l’automobile, la chimie et l’informatique/électronique. L’incertitude
sur la demande étrangère et sur la sécurité des approvisionnements
industriels en énergie et en métaux ajoute à ces motifs de prudence.
Ce soutien aux ménages passe également par le gel des tarifs
reglémentés du gaz (depuis octobre 2021, récemment prolongé jusqu’à
fin 2022) et de l’électricité (jusqu’à fin 2022, après une hausse limitée
à 4% en février), ainsi que la réduction de 18 centimes par litre de
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carburant applicable du 1 avril au 31 juillet (avec un effort additionnel La croissance devrait donc marquer le pas, à 0,3% t/t au T1 (après 0,7%
à la discrétion des détaillants). Sans ces mesures, l’inflation serait t/t au T4 2021) et 0,1% t/t au T2 selon nos estimations, le soutien de la
supérieure de près de 2 points de pourcentage (1,5 point selon un politique économique atténuant le choc de prix, ce qui permet d’éviter
calcul au mois de février de l’Insee concernait le gaz et l’électricité, la récession à court terme. Notre prévision de croissance pour 2022
0
,5 point concerne selon nos estimations le carburant à partir d’avril) est revue à la baisse de 1 point de pourcentage, à 3,2% en moyenne
annuelle.
à ce qu’elle devrait être au mois d’avril (4,7% selon nos prévisions).
Achevé de rédiger le 4 avril 2022
Cela réduit d’autant la ponction sur le pouvoir d’achat des ménages au
prix d’un coût global net pour les finances publiques que nous estimons
à EUR 21,5 mds (soit 26 mds de mesures supplémentaires compensées
par des recettes additionnelles de 4,5 mds). Sont inclues les mesures
Stéphane Colliac
stephane.colliac@bnpparibas.com
La banque
d’un monde
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