Des progrès réels ont été réalisés lors du Conseil européen de cette semaine. Les propositions faites lors de la dernière réunion de l’Eurogroupe sur la création de trois filets de sécurité ont été approuvées. Il y a accord pour travailler sur un fonds de relance destiné aux secteurs et zones géographiques les plus touchés en Europe. Son financement serait lié au cadre financier pluriannuel. Fait important, la chancelière Merkel a déclaré que, dans un esprit de solidarité, il fallait se tenir prêt à verser temporairement une contribution plus élevée au budget européen.
En septembre 2007, Lawrence Summers, ancien secrétaire au Trésor américain, écrivait dans une tribune publiée dans le Financial Times combien les préoccupations d’aléa moral – liées au risque d’altération des comportements par la mise en place de mécanismes d’assurance – peuvent compliquer l’adoption de mesures de soutien à l’économie ou à certains secteurs en cas de crise grave[1]. L’aléa moral est précisément au cœur des discussions dans la zone euro sur le partage public transfrontalier des risques. C’est la raison de la conditionnalité attachée aux prêts accordés dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES). Cette conditionnalité se justifie dans le sens où elle permet de s’assurer que les fonds octroyés sont bien utilisés. Plus que le principe de la conditionnalité, c’est sa pertinence qui a fait débat[2]. Compte tenu de la nature spécifique de la crise actuelle, les conditions très allégées, attachées aux prêts d’urgence du MES – destinés à financer les coûts directs et indirects liés aux soins de santé, à la guérison et à la prévention – ont tout leur sens. Les préoccupations liées à l’aléa moral expliquent également, dans une certaine mesure, les raisons pour lesquelles il existe, dans certains pays, une vive opposition à l’émission conjointe d’obligations européennes en réponse à la crise du coronavirus, baptisées « coronabonds ». La chancelière allemande, Angela Merkel, a jugé que ces débats n’étaient pas opportuns à ce stade : mieux vaut se concentrer sur les points sur lesquels un accord peut être trouvé rapidement que s’engager dans un processus très chronophage à un moment où l’économie est à la peine.
La déclaration de la chancelière Merkel selon laquelle l’Allemagne devrait être prête, dans un esprit de solidarité, à accentuer temporairement sa contribution au budget européen incitera d’autres pays à faire de même, ouvrant ainsi la voie à la création du fonds de relance dont le besoin est urgent.
Dans un tel contexte, un certain progrès a été accompli cette semaine. Le Conseil européen a approuvé l’accord de l’Eurogroupe portant sur trois filets de sécurité dans le cadre d’un plan de sauvetage de EUR 540 mds[3], qui devrait être opérationnel le 1er juin 2020. De plus, il a été convenu de travailler à la mise en place d’un fonds de relance. Jugé nécessaire et urgent, ce fonds « devra être suffisamment doté, ciblé sur les secteurs et les régions européennes les plus affectés et dédié à la gestion de cette crise sans précédent »[4]. Le ciblage de secteurs et de régions spécifiques devrait être chaleureusement accueilli. L’octroi de financements là où le besoin se fait le plus sentir devrait impliquer un effet multiplicateur plus important. La Commission européenne a été mandatée pour évaluer les besoins exacts et présenter rapidement une proposition clarifiant le lien avec le cadre financier pluriannuel (CFP). Sur ce dernier point, la chancelière allemande, Angela Merkel a déclaré, dans un discours prononcé devant le Bundestag : « nous devons nous préparer, dans un esprit de solidarité et sur une période limitée, à verser des contributions différentes, c’est-à-dire plus élevées, au budget de l’UE si nous voulons que les économies de tous les Etats membres de l’UE puissent se redresser »[5].