La croissance tchèque a enregistré des évolutions particulièrement marquées au cours de l’année 2020, amplifiées par le poids du commerce extérieur dans le PIB et par la brutalité de la 2e vague de Covid-19 à l’automne. Le rebond de l’activité au 3e trimestre s’est avéré solide. La production dans l’industrie et les exportations ont notamment affiché une bonne performance, favorisée par un taux de change stable (et des réserves de change élevées). En outre, le gouvernement, aidé par un endettement très modéré, a pu mettre en œuvre un soutien rapide et conséquent à l’économie. Toutefois, le repli de la consommation au mois de novembre souligne la vulnérabilité de la croissance à la pandémie.
Une 2e vague de Covid-19 parmi les plus sévères
La République tchèque a été parmi les premiers pays européens touchés (dès début octobre) et le plus sévèrement (75 000 cas actifs par million d’habitants) par la 2e vague de Covid-19. De nouvelles mesures de confinement ont été mises en œuvre, toutefois moins conséquentes qu’au printemps 2020 puisque l’industrie a continué à fonctionner.
Après une légère amélioration, la courbe des infections s’est de nouveau dégradée au tournant de l’année 2021, ce qui augure du maintien de restrictions de circulation et d’accès aux lieux accueillant du public (comme en témoigne la nouvelle fermeture des restaurants à partir du 18 décembre, alors qu’ils avaient rouvert le 3 décembre). Un plan de vaccination a été annoncé. Il prévoit que les professionnels de santé traitant les patients infectés et les personnes de plus de 80 ans soient vaccinés d’ici à fin mars. Puis, toutes les autres personnes pourront s’inscrire pour être vaccinées et le seront dans l’ordre de leur profil de risque.
La stratégie de confinement tchèque est relativement flexible. Elle est destinée à limiter les contacts entre les personnes tout en maintenant le fonctionnement de l’économie. Elle comprend plusieurs niveaux d’alerte permettant de réviser régulièrement la sévérité des restrictions imposées, ce qui a jusqu’ici limité la liste des activités fermées de manière permanente. Toutefois, l’ampleur de la 3e vague en cours suggère que ces limitations seront conséquentes au 1er trimestre.
De nouveaux chocs à attendre en 2021
L’activité dans l’industrie a donc pu continuer à croître au 4e trimestre, le secteur voyant même son PMI manufacturier augmenter à 57 en décembre 2020, soit son plus haut niveau depuis début 2018.
Le poids conséquent du secteur automobile a été un élément plutôt positif, puisque ce secteur a vu tant sa production que ses carnets de commande augmenter. Cela tranche nettement avec la situation du printemps 2020, où les usines avaient dû fermer leurs portes. Ainsi, la production manufacturière était en novembre 2020 proche de son niveau d’avant-Covid (+3% pour la production automobile).
La croissance des exportations est l’un des moteurs de cette performance : elles ont augmenté de 5% en g.a. en octobre et même de 9,5% en novembre. A contrario, la consommation des ménages paraît avoir été davantage affectée par la résurgence du risque sanitaire, avec une baisse des ventes au détail de 1,9% (mois sur mois) en octobre et de 5,6% en novembre. En conséquence, alors que la consommation avait retrouvé son niveau d’avant-Covid en août, elle est désormais de 8% inférieure, soulignant une baisse très probable du PIB au 4e trimestre, sous l’effet de la résurgence du risque sanitaire.
Un élément notable est que l’industrie tchèque a vu les tensions sur les coûts se renforcer en fin d’année 2020, un phénomène inhérent au retard de livraison des fournisseurs dû aux restrictions de transport, mais également lié à une forte utilisation des capacités de production. Cela s’ajoute à la hausse du coût salarial unitaire déjà absorbée au premier semestre (+9,5% en g.a. au 2e trimestre), liée à la fermeture des usines et au fait que le chômage partiel n’a pas totalement compensé la perte d’activité.
Le profil de croissance heurté de 2020 devrait se poursuivre en 2021 avec néanmoins des variations moins extrêmes. Cela devrait retarder le retour au PIB d’avant-Covid, avec une croissance qui devrait être de 4,5% en 2021 (après -6,5% en 2020). La perspective d’une pénurie mondiale de semi-conducteurs dans l’industrie automobile début 2021 devrait également pénaliser la croissance.
Les marges de manœuvre de politique économique restent conséquentes
La République tchèque fait partie des pays européens avec un niveau de dette publique particulièrement faible (30,2% du PIB en 2019). En 2020, le jeu des stabilisateurs automatiques et la mise en œuvre d’un plan de relance à hauteur de 5,5 points de PIB n’ont pas remis en cause cette situation, avec une dette encore largement inférieure au seuil des 60% (40% fin 2020).
Le plan de relance s’est focalisé en premier lieu sur l’emploi, au travers de deux mécanismes, l’un fondé sur le paiement des salaires des employés en chômage partiel (prolongé jusqu’à fin février 2021), l’autre (au 3e trimestre 2020) sur la suspension du paiement des cotisations sociales des PME.
D’autres mesures ont été mises en œuvre, telles que la baisse de la TVA sur les secteurs les plus impactés par la Covid-19 ou un mécanisme de suramortissement sur les investissements effectués en 2020 et 2021 (permettant d’anticiper la dépréciation des actifs et donc de réduire le résultat net et l’impôt sur les sociétés). Le plan de relance européen devrait aider au financement de ces efforts de soutien de l’activité, le décaissement initial devant atteindre EUR 3,3 mds.
Par ailleurs, le gouvernement a octroyé pour près de 9 points de PIB de garanties potentielles sur des prêts du secteur privé en 2020 (programme qui sera prorogé en 2021), tandis que la période pendant laquelle cette garantie prévaudra a été prorogée jusqu’en avril 2026.
Eu égard au niveau relativement limité de la dette publique, la banque centrale n’a pas eu à introduire de programme d’achat de dette publique, sans que cela ne se traduise par une tension sur le rendement des obligations souveraines. Ainsi, le taux à 10 ans reste aux alentours de 1,25% début 2021, légèrement en deçà des niveaux d’avant-Covid. Le stimulus monétaire s’est donc concentré sur des mesures conventionnelles, avec des baisses du taux directeur au printemps 2020 (de 2,25% à 0,25%). L’autre pilier de la stratégie de la banque centrale a consisté en un relâchement des ratios macroprudentiels visant à soutenir le crédit (hausse du loan to value ratio, suppression du debt to income ratio pour les ménages).
Les indicateurs de dette (publique ou externe) et de liquidité (réserves de change) se sont maintenus à des niveaux confortables malgré la crise en 2020, ce qui a permis de limiter les tensions financières. L’accroissement de l’excédent courant et la poursuite des entrées nettes de capitaux ont ainsi soutenu les réserves de change. La baisse du ratio de dette externe, interrompue en 2020 par la baisse du PIB nominal, devrait reprendre à partir de 2021. Tout cela milite pour une stabilité du taux de change de la couronne au regard de l’euro.
Des banques bien capitalisées au regard de la montée prévisible du risque de crédit
La croissance des prêts du secteur bancaire aux ménages s’est maintenue en 2020 à un rythme de 6% proche de celui observé en 2019, tandis que la croissance des prêts aux entreprises a ralenti à 3% (avec une stagnation relative à partir du mois de mai).
Les autorités tchèques ont accordé un moratoire de 6 mois sur les remboursements des prêts concédés au secteur privé (la mesure a pris fin en octobre 2020). Au final, près de 16% des prêts aux entreprises non financières en ont bénéficié, contre 15% des prêts aux ménages. Les autorités n’ont pas adopté de nouveau moratoire pour le moment, eu égard à l’ampleur des moratoires déjà accordés en 2020.
Les banques ont estimé qu’une partie des prêts ayant bénéficié de ce moratoire deviendrait des créances douteuses dans les prochains mois, avec un impact de 2 points de pourcentage sur le ratio des créances douteuses, qui s’élevait à 2,7% du volume total des prêts à fin septembre 2020. Le risque le plus élevé concernerait les entreprises non financières, pour lesquelles la banque centrale anticipe un ratio de 8,7% de créances douteuses à fin 2021. Par ailleurs, selon la banque centrale, les ménages ayant utilisé le moratoire tendaient à avoir les niveaux de dette et de ratio de service sur la dette sur revenu parmi les plus élevés. La hausse attendue des risques de crédit a engendré un accroissement du provisionnement et une chute de la rentabilité (ROA) de 1,2% fin 2019 à 0,6% au 3e trimestre 2020.
En parallèle, le niveau de fonds propres des banques s’est encore accru, avec un ratio CET1 qui atteint 20,7% au 3e trimestre 2020, témoignant de solides ressources pour amortir le choc.