En 2020, une politique économique très active a permis d’atténuer l’ampleur du choc récessif. La reprise au T3 a été vigoureuse et le redressement de l’activité s’est poursuivi au T4, en dépit de quelques signes de ralentissement en fin d’année. Malgré une forte volatilité des investissements directs et de portefeuille, et la dépréciation du real, la vulnérabilité extérieure ne s’est pas accentuée. En 2021, même si le maintien des mesures monétaires devrait permettre de soutenir l’activité, la nouvelle flambée de l’épidémie de Covid-19, les retards pris dans la campagne de vaccination, les incertitudes concernant la reprise du processus de consolidation budgétaire et le manque de progrès des réformes sont autant de sujets susceptibles d’agiter les marchés et de déstabiliser la reprise. En 2021, la Bourse pourrait faire les frais d’espoirs de croissance déçus.
Reprise de l’épidémie fin 2020, vaccination retardée
L’épidémie de Covid-19, après avoir ralenti entre fin juillet et début novembre, connaît une nouvelle accélération depuis un peu plus de deux mois. Les hospitalisations et le nombre de cas détectés ont enregistré un pic à la mi-décembre à plus de 70000 cas journaliers et une moyenne à plus de 49000 cas avant les festivités de fin d’année (contre environ 14000 début novembre)[i]. Le nombre de décès a, dans le même temps, plus que doubler (environ 700 décès en moyenne journalière). Début janvier, le Brésil concentrait environ 10% des cas confirmés et des décès dans le monde (8 millions et plus de 200000 respectivement) et reste le 2e pays le plus meurtri par l’épidémie.
Cette seconde vague ne s’est toutefois pas accompagnée de nouvelles mesures restrictives[ii]. Avant les fêtes, les données de Google Mobility tendaient vers une normalisation des déplacements. Les données d’enquête Datafolha montraient aussi des niveaux d’isolement social au plus bas depuis le début de l’épidémie.
Contraint par des obstacles logistiques et réglementaires, le programme national de vaccination a pris du retard par rapport à d’autres pays de la région (e.g. Argentine, Chili, Costa Rica, Mexique). La campagne de vaccination a été retardée par le fait qu’aucun des quatre vaccins actuellement à l’étude (Sinovac, AstraZeneca, Pfizer et Janssen) n’a été approuvé pour l’instant par l’autorité de régulation (Anvisa). Les autorités projettent d’immuniser un peu moins d’un quart de la population d’ici juin 2021 (51 millions de Brésiliens). Mais la vaccination est un sujet très politisé, le Président lui-même indiquant qu’il ne se ferait pas vacciner. Cette décision pourrait alimenter les réticences à recevoir le vaccin (qui pourrait concerner environ 25% de la population selon certains sondages).
L’extension de l’épidémie, la plus forte contagiosité de certains variants du virus, le manque de nouvelles mesures pour contenir la mobilité des personnes ainsi que le retard et le scepticisme à l’égard de la campagne nationale de vaccination sont autant de facteurs qui pourraient freiner la reprise.
2020 : Rebond de l’économie au deuxième semestre...
La reprise de l’activité au T3 a été vigoureuse mais elle n’a suffi à compenser les pertes du T2. L’assouplissement des mesures de confinement, les politiques de compensation des revenus, et le redémarrage de la production dans de nombreux secteurs ont permis au PIB de rebondir de 7,7% en volume au T3 (contre -9,6% au trimestre précédent.) Il est toutefois demeuré 3,9% en deçà de son niveau du T3 2019. Jusqu’en novembre, les indicateurs mensuels ont continué de s’améliorer dans l’industrie et le commerce de détail – deux secteurs qui, en août, avait déjà retrouvé leur niveau d’activité pré-pandémie (février). La production industrielle a ainsi affiché en novembre un 7e mois consécutif de hausse, aidée par l’augmentation du nombre de projets immobiliers (à Sao Paulo en particulier) et la bonne performance des ventes de détail (soutenues par l’aide d’urgence du gouvernement). La dépréciation du real (-23% en 2020) a aussi permis à une plus grande partie de la demande intérieure de biens industriels d’être satisfaite par la production intérieure. L’activité dans les services a continué de progresser en octobre mais demeurait toutefois inférieure de 6% par rapport à février.
Les comptes externes ont été chahutés mais la vulnérabilité extérieure ne s’est pas pour autant dégradée. L’excédent commercial s’est raffermi en 2020 (+7% en g.a.), aidé par le ralentissement de près de 10% des importations et la vigueur de la demande asiatique, laquelle – en absorbant la moitié des ventes – a permis de contenir la dégradation des exportations. Du côté du compte financier, les flux d’investissement de portefeuille des non-résidents se sont redressés depuis l’été sans toutefois suffire à compenser les pertes de la 1ère moitié de l’année (USD 12 mds de flux nets sortants de janvier à novembre). Les investissements directs étrangers (IDE) ont aussi fortement ralenti (-49,6% en g.a. de janvier à novembre). Les flux nets d’IDE continuent toutefois de confortablement couvrir le déficit du compte courant, lequel s’est résorbé d’environ 2 points de PIB sur l’année. En outre, le pays dispose toujours d’une liquidité extérieure très satisfaisante (USD 356 mds) par rapport à la taille de ses importations et de ses engagements externes.
… mais avec quelques signes d’essoufflement en fin d’année
Cependant, fin 2020, l’économie a montré des signes de ralentissement concomitants avec la reprise de l’épidémie et l’accélération de l’inflation (+4,3% g.a. en novembre, la plus forte hausse depuis 18 mois). Cet essoufflement est visible dans le tassement des indicateurs d’activité PMI (services et manufacturier), la baisse des ventes de véhicules en décembre (une première depuis avril), ainsi que dans l’effritement de la confiance des ménages.
À l’inverse, le marché boursier s’est montré très optimiste, clôturant l’année en hausse de 3% alors même qu’il avait établi un plus haut en janvier 2020. L’année 2020 s’est soldée par un nombre record d’introductions en Bourse (26 IPO et près de USD 8 mds de fonds levés, un plus haut niveau depuis 2007). Des facteurs conjoncturels et structurels expliquent ce rattrapage : mise au point des vaccins, injections de liquidité au niveau mondial, hausse du nombre d’investisseurs individuels au niveau local (il a plus que quadruplé depuis décembre 2018, facilité par la multiplication des courtiers en ligne), mais aussi la baisse du taux directeur SELIC qui encourage la réallocation des portefeuilles vers les actions. Pour autant, compte tenu des perspectives de croissance plutôt modérées de l’économie, d’importants ajustements sont à prévoir.
2021 : des perspectives favorables mais contingentes aux Évolutions budgétaires
La croissance en 2021 bénéficiera d’un acquis de croissance important (au moins 2,5 points de pourcentage). Le PIB en volume ne devrait pas retrouver son niveau de fin 2019 avant la mi-2022. La croissance, mais aussi les inégalités et la pauvreté devraient être affectés par la fin des versements de l’aide d’urgence, par un chômage élevé (14,3% en octobre) et l’absence d’un plan de relance. La croissance souffrira aussi de la fin des allègements fiscaux et pourrait être pénalisée par une exécution plus lente que prévu du programme de vaccination. En revanche, l’économie devrait profiter du redressement des prix des matières premières et du maintien de mesures monétaires (taux directeur à un plus bas historique, allégement des exigences de liquidité et de fonds propres pour favoriser le crédit). En outre, la reconduction du programme de garanties publiques, destiné à soutenir les petites et micro-entreprises, devrait soutenir la trésorerie des entreprises. Ces mesures ont déjà alimenté le fort rebond du crédit (+11,2% g.a. en termes réels, tiré par les entreprises, +18,2% en g.a.). Enfin, le nouveau programme de privatisations et de concessions, dévoilé par le gouvernement (115 actifs d’État ciblés en 2021, dont 22 aéroports et le réseau 5G), pourrait soutenir les dépenses en capital à condition que l’appétit des investisseurs soit au rendez-vous.
Au vu de la dégradation des comptes publics, les discussions autour du maintien des règles budgétaires devraient continuer de dominer l’actualité en 2021. En effet, le déficit budgétaire s’est envolé malgré une moindre détérioration du budget du gouvernement central sur les derniers mois (réduction de moitié des montants versés à titre de l’aide d’urgence et baisse du nombre de bénéficiaires de 68 à 56 millions, amélioration du recouvrement des impôts, reprise de l’activité économique, retenue de certaines dépenses discrétionnaires). Le niveau de la dette est désormais très élevé, sa maturité moyenne s’est raccourcie et les inquiétudes concernant sa soutenabilité se sont accentuées.
En 2021, le maintien de la crédibilité de la politique budgétaire constituera un enjeu déterminant pour l’évolution du real, des flux de capitaux et de la courbe de taux, d’autant que le Trésor devra faire face à des tombées de dette importantes (environ ¼ du stock de dette arrivera à échéance dans les 12 mois). Pour l’instant, le budget (présenté à la fin de l’été) n’a toujours pas été approuvé et ne devrait l’être que courant février, à la suite du congé parlementaire. À noter que des gouverneurs dans le nord du pays réclament l’extension de l’état d’urgence (qui suspend l’application des mécanismes de contrôle budgétaire) au moins jusqu’au premier semestre 2021. La presse locale indique que certains membres du gouvernement y seraient favorables, surtout si la flambée de l’épidémie se prolongeait.
En 2021, la présidence Bolsonaro perdra un allié idéologique de poids à la Maison blanche. À l’inverse, l’administration Biden – en voulant renforcer l’engagement des États-Unis sur le plan de la coopération multilatérale et les questions environnementales – pourrait interpeller le gouvernement brésilien sur le rythme de la déforestation en Amazonie. Les élections des nouveaux présidents du Sénat et de la Chambre des députés en février auront aussi une importance déterminante sur l’avancée des réformes (actuellement aucun projet de loi de réforme significatif n’est sur le point d’être approuvé). Point positif, les élections municipales en novembre ont montré un soutien plus fort des électeurs pour les partis du centre au détriment des extrêmes.